Qu’est-ce que l’on nous tympanise avec ces élections américaines. Comme si elles avaient pour nous le moindre intérêt. Comme si elles avaient la moindre importance, ou la moindre incidence sur nos existences. Certes de Gaulle avait dit que « la politique se fait à la corbeille » ! Une lucidité inutile puisque cela ne l’avait pas empêché de faire entrer les Rothschild à Matignon en la personne de M. Pompidou. Lorsqu’il s’en aperçu en 1968, il était déjà trop tard, bien évidemment.
Certes maintenant la corbeille se trouve à la Cité de Londres et à Manhattan. Là-bas, loin, de l’autre côté du monde sensible ! Cependant rien n’a fondamentalement changé. Les guerres mondiales se décideront encore et à nouveau à Brooklyn et nous, nous repartirons comme en Quarante. Enfin, nos jeunes gens… Gardons à l’esprit que le service national n’est pas abrogé, il n’est que suspendu.
Alors Obama ou Romney, tout cela est du pareil au même. Ces gens sont choisis comme on sélectionne les présentateurs de journaux télévisés : pour leur capacité à lire un prompteur sans bafouiller un sourire plus ou moins figé sur une figure peu expressive. Certains documentaires montrent Bush interrogé hors des tribunes officielles, c’est-à-dire sans l’assistance de ses spin-doctors, ces vibrions communicants qui transforment en drôleries, en pirouettes, en piquantes saillies, les sujets les plus ardus et les questions les plus embarrassantes. Las, hors du sentier balisé, il n’y a plus personne. Le chef d’État de la nation la plus puissante de la planète – celui qui aussi faillit s’étrangler en mangeant un bretzel ! – se montrait incapable de répondre, d’improviser, de réagir, bref d’avoir la moindre consistance. Un perroquet savant.
Eh bien au détour d’images impromptues, Mister Obama se révèle à peine plus doué. Livrés à eux-mêmes, sans leurs conseillers, ces gens n’existent plus vraiment, cela ne fait pas partie de leur rôle. D’ailleurs le voudraient-ils, le pourraient-ils ? Pris qu’ils sont dans un tourbillon permanent de visites protocolaires, de tournées, de représentations… l’exercice du pouvoir s’assimile de nos jours, se confond largement, avec le show-biz. Il se réduit la plupart du temps à un spectacle mettant en scène des acteurs plus ou moins doués et talentueux, plus ou moins télégéniques, plus ou moins « charismatiques ». Obama est de ceux-là : élevé en serre, formé, couvé, chouchouté, prédestiné en quelque sorte à devenir le premier président nègre-blanc de l’Amérique-monde, un condensé de tous les peuples et de toutes les cultures, un homme caméléon.
Pour lequel des deux parier ? Romney ?
À l’instar de ces parieurs invétérés et des bookmakers d’outre-Manche, pourquoi ne pas parier ? De toute façon nous perdrons à tout coup… Ceux qui ont le cœur à droite auront envie de croire que le judéo-mormon – comme on parle communément de judéo-chrétien – Romney, défendra mieux les valeurs de la civilisation que son concurrent. Les autres inclineront, par raison pure, pour le sortant.
Reprenons : les Mormons sont certes contre l’avortement et pour la famille, mais quelle famille ? Il ne faudrait en effet pas oublier qu’ils pratiquaient encore assez récemment la polygamie [1] et les épousailles de filles impubères – dès l’âge de neuf ans – pour se conformer au legs spirituel et moral de patriarches. Dispositions que l’on retrouve à l’identique au sein du tout-puissant corpus talmudique. Grands Tartuffe devant l’Éternel, les Mormons – rappelons que ces gens se sont inventés un messie qui aurait abordé les rives de la dive Amérique antérieurement à Colomb ! – sont les vrais fondateurs de Vegas [2] avant que la mafia italo-israélite n’en ait pris sa part de gâteau. Pour des ultrapuritains, ce n’est pas mal !
Un dernier mot : Romney est un enragé de la guerre contre l’Iran. Heureusement qu’aux États-Unis les états-majors et les services de renseignement freinent à mort. Les politiques – surtout lorsqu’ils se sont damnés au service des groupes de pression – sont des gens d’une dangerosité extrême. Et, contrairement à ce qu’en pensait Clemenceau en 1886, dans le cas présent et pour le paraphraser, « la guerre est une chose trop sérieuse, trop lourde de conséquence pour la laisser aux seules mains de politiques qui l’auraient confisquée aux militaires » ! À ce titre les généraux américains – mais non pas le Congrès tout acquis aux lobbies – traînent les pieds et font heureusement obstruction… Non par pacifisme aigu, mais parce qu’ils jugent plus expédient de recourir, d’user et d’abuser des nouvelles formes de guerre de basse intensité, voire souterraines, que leur offre une généreuse modernité : guerre télématique via les réseaux sociaux, la diffusion de rumeurs et de fausses nouvelles destinées à induire l’embrasement des masses dans le cadre de « révolutions colorées », guerres médiatiques virtuelles, guerres cybernétiques au moyen de virus informatiques tel Stuxnet, qui s’en est pris aux systèmes informatiques des centrales nucléaires iraniennes, ou des guerres terroristes, de celles qui ravagent la Syrie et maintenant le Liban, guerres dont on ne parle pas, ou si peu, puisque tous les feux de la rampe sont actuellement concentrés sur le « duo de pitres » Romney-Obama.
Alors Obama ?
De ce dernier point de vue, Obama s’est montré – entendez, son équipe, son Administration et ses conseillers militaires – plus habile en matière d’intervention extérieure, et d’une certaine façon beaucoup plus efficace, que son prédécesseur GW Bush. Obama n’a pas été pris, lui, la main dans le sac aux mensonges. Il s’est contenté de se retirer en silence d’Irak. Honteusement mais silencieusement. Au petit matin, sans tambour ni trompette, laissant derrière lui une armée de mercenaires pour veiller au grain et sur les intérêts des majors pétrolières. En Afghanistan, après avoir claironné le retrait – ou la retraite ? – il a aussitôt envoyé trente mille hommes supplémentaires faisant passer les effectifs américains, de soixante-dix à cent mille personnels. Un intéressant tour de passe-passe. Nous verrons en 2014, s’il est toujours là, s’il retire – ou a retiré – la totalité de ses troupes, où si Kaboul s’est entre-temps transformé en une sorte de Diên Biên Phu du XXIème siècle… car à l’arrivée, on ne voit pas vraiment pourquoi les Yankees feraient mieux que l’Armée rouge.
Toute la « doctrine » Obama a donc consisté à réduire sa « signature ». À passer inaperçu, à ne pas mettre en direct les pieds dans le plat. En langue militaire cela ressort de la furtivité : l’art du camouflage. Un appareil furtif est celui qui a la plus petite signature radar, ou qui n’apparaît tout bonnement pas sur les écran. En un mot celui qui fait ses coups en douce. C’est en vertu d’un tel principe, que, de façon assez sournoise, Obama et son staff ont fait liquider le 2 mai 2011, dans leur sommeil, à Abbottābād, banlieue militaro-huppée d’Islamabad, un vieillard indéterminé et son épouse. Pompeusement présenté comme l’ennemi Numéro Un, Ben Laden en personne, le corps du supplicié est jeté à la mer dans les vingt-quatre heures, supprimant du même coup toute possibilité ultérieure de confirmation d’identité. Pour ce faire, Mister Obama s’est bien gardé d’avertir ses alliés pakistanais, ni avant, ni au cours de l’opération en dépit d’un viol assez manifeste de leur espace aérien souverain. Pékin, allié de la main gauche du Pays des Purs, n’a pas apprécié, mais – chut ! – la presse n’en soufflera jamais mot. Pour un coup de pub, ce fut un coup d’éclat et un coup de maître : d’un geste sûr et précis la honteuse ardoise bushiste était effacée. L’Amérique des rodéos pouvait recommencer à croire en elle-même. Oublié la crise, oubliée la dette, les banksters et le travail devenu denrée rare !
L’homme invisible
Furtivité et stay behind : Obama ne se met pas en avant. Il entend rester en arrière comme son grand ancêtre – Obama est le chef des armées, n’est-ce pas ? – le général Grant. Aussi chroniquement imprégné d’alcool que le sera son grand suiveur Churchill, le « Boucher » a été sans doute le premier chef militaire de l’âge moderne à diriger ses troupes de l’arrière. Jusqu’à Napoléon III – fait prisonnier à Sedan le 3 sept. 1870 – le commandant en chef était physiquement présent sur le champ de bataille. Avec Hiram Ulysses Grant tout change. Le généralissime ne s’expose plus. Il sacrifie cependant les hommes avec entrain. Vainqueur, Grant sera élu et réélu à la Maison Blanche. Aujourd’hui, Obama reste lui aussi en retrait : MM. Sakozy, Berlusconi et Cameron prirent en charge la guerre de Libye avantageusement troussée des oripeaux de la cause humanitarienne. Russes et Chinois bluffés, blousés, jurèrent qu’on ne les y reprendrait plus. Reste que le maître d’ouvrage est resté lointain, faisant mine de se désintéresser d’un champ de bataille dont il s’est d’ailleurs un moment retiré… pour faire le coquet devant le Congrès. Pendant ce temps, Sarkozy jouait à la guerre dans le vain espoir de bénéficier d’une tape sur l’épaule, soit l’adoubement de la puissance tutélaire qui dans l’imaginaire rétréci de notre ex-président devait lui valoir réélection. C’était oublier qu’au sommet de l’Olympe occidentaliste, les guerres de factions font rage. Notamment entre ceux qui veulent la gouvernance d’une technostructure mondiale façon Bruxelles et ceux qui, tenants de l’hyperclasse anonyme et vagabonde – autrement appelée « la force des marchés » – en pincent pour Londres, New York et… Chicago, première place boursière planétaire pour les matières premières. L’endroit exact où les « grands bonds en avant » se concoctent et où les émeutes de la faim se programment.
Un dernier mot : Obama le furtif est l’homme des assassinats ciblés sous son seing. Une pratique israélienne (cf. Victor Ostrovsky, Mossad : un agent des services secrets israéliens parle, 1990) selon laquelle les chefs des services spéciaux présentent au chef de l’exécutif, le Premier ministre dans l’État hébreu, une liste d’individus à abattre. Le politique avalise et l’opération humide – ou homo – peut être lancée… À partir de là, le Petit Poucet parsème son chemin de cadavres exquis. Obama est à ce propos peut-être l’un de ceux qui auront autorisé le plus d’exécutions extrajudiciaires. Évoquons pour finir la guerre des drones, en plein essor [3] . Une guerre sans nom, inavouée, officieuse, non-reconnue par l’administration des États-Unis concernant l’Afghanistan, le Pakistan, le Yémen, la Somalie et la Libye… Opérations conduites par des « pilotes » basés à quelque vingt mille kilomètres du théâtre d’opération et coutumiers des « dégâts collatéraux ». Doux euphémisme pour la destruction d’une noce en lieu et place d’un jamboree de talibans ou d’al-qaïdistes.
La cause est entendue, Obama est un tueur aux dents blanches et au sourire Colgate, mais en quatre années il a reçu des coups, a été tiraillé, harcelé, menacé. Il a également rajouté quelques glaçons dans son whisky on the rocks. D’expérience, Obama a déjà été rendu prudent ou à défaut, un peu circonspect. L’autre par contre est un zélé zélote, pressé d’en découdre et de montrer qu’il est à la hauteur. L’un est dans l’attentisme, l’autre dans la surenchère. À tout prendre, mieux vaudrait conserver celui qui a déjà essuyé des plâtres et marque sa préférence pour les coups tordus plutôt que pour les grands affrontements cosmiques à coups de pélots nucléaires. Nous, nous sommes en première ligne. Eux sont loin en arrière du front. On ne change pas le diable que l’on connaît. Devise minimaliste certes, mais avons-nous d’autre choix ? À part la fermer et cracher au bassinet puisque nous avons été, de notre côté, assez judicieux pour nous choisir un diable tout neuf, plein d’ardeur et point encore échaudé.