C’est un fait avéré désormais, les Nations Unies sont bel et bien mortes en 2011 avec la guerre en Libye et le renversement du Colonel Kadhafi. La façade de la résolution 1973 établissant la "no-fly zone" au-dessus de la Libye n’avait dupé personne, malgré la propagande des médias occidentaux.
Mais désormais, nul besoin de résolution de l’ONU pour lancer une offensive contre un pays souverain comme la Syrie : le Pentagone va prendre les choses en main, n’en déplaise à la Chine et à la Russie qui ont jusqu’ici retardé l’échéance en opposant leur véto lors des précédentes tentatives américaines au Conseil de sécurité, comme leur statut le leur permet.
Ces règles internationales ne sont plus du goût du Prix Nobel de la Paix Barack Obama qui a donc demandé au Département de la Défense d’accélérer les choses, et d’envisager toutes les options "y compris militaires" pour renverser le régime syrien de Bachar al-Assad.
Témoignant devant le Comité du Sénat US mercredi dernier, les chefs civils et militaires du Pentagone ont confirmé qu’ils étaient en train d’élaborer les plans d’attaque de la Syrie sur demande de la Maison Blanche d’Obama.
Les déclarations du ministre de la Défense Leon Panetta et du chef d’état-major interarmes, le général Martin Dempsey, corroborent les preuves toujours plus nombreuses que Washington et ses alliés-clés européens, en collaboration avec l’aile droite des régimes d’Arabie Saoudite et du Qatar, sont en train de préparer une opération secrète visant à renverser le régime syrien.
Dans sa grande majorité, la couverture médiatique des auditions de mercredi s’est concentrée sur l’intervention empreinte de chauvinisme du sénateur McCain, l’ex-candidat républicain aux présidentielles. Il exige que les USA lancent des frappes aériennes contre la Syrie, pour aménager des « zones sécurisées » dans lesquelles les groupes armés soutenus par l’Occident pourront préparer des offensives militaires contre le gouvernement du président syrien Bachar al-Assad.
« Combien faudra-t-il encore de victimes civiles pour vous convaincre que les mesures militaires que nous proposons sont nécessaires pour en finir avec les massacres et pour forcer le Assad à quitter le pouvoir ? » a demandé McCain à Panetta.
Le secrétaire à la Défense a répondu en disant, « Nous ne sommes pas divisés là-dessus. » Il a précisé que le Pentagone « étudie actuellement toutes les étapes supplémentaires nécessaires qui peuvent être mises en œuvre » pour accélérer la chute du régime d’Assad, « y compris des options militaires, si nécessaire. »
Le Général Dempsey a prévenu qu’une intervention US en Syrie serait plus difficile que ne l’avait été la guerre de l’OTAN en Libye, car le pays est « très différent aux niveaux démographique et ethnique, et plus complexe au plan religieux. » Cela dit, il a assuré le Comité du Sénat que « si nous sommes appelés à défendre les intérêts US, nous serons prêts. » Le chef d’état-major a ajouté que les opérations militaires envisagées incluaient l’imposition d’une « no-fly zone », l’ouverture d’un « corridor humanitaire », un blocus naval des côtes syriennes et des frappes aériennes.
Panetta et Dempsey ont tous deux répété les déclarations faites la veille par le président Obama lors d’une conférence de presse à la Maison Blanche, disant que ce serait une « erreur de lancer une attaque militaire de façon unilatérale. »
Pourtant, aucun d’entre eux n’a parlé de demander une résolution du Conseil de sécurité des Nations Unies qui autoriserait l’usage de la force militaire, comme condition préalable à une intervention militaire américaine en Syrie.
Un haut responsable du département de la Défense a clairement dit à CNN que l’Administration [Obama] ne considère pas une résolution de l’ONU – qui a jusqu’à maintenant été bloquée par la Russie et la Chine, tous deux opposant leur véto devant le Conseil de Sécurité – comme une chose indispensable. Le responsable a expliqué que « n’importe quelle forme de mandat d’une organisation locale » sera suffisante, ou toute alliance multilatérale soutenant l’intervention US, comme la « coalition de la volonté » que l’administration Bush avait rassemblée avant l’invasion de l’Irak.
Dans cette perspective, l’appui important est celui de la Turquie, qui accueille une conférence des « Amis de la Syrie » ce mois-ci. Même si elle s’oppose à une intervention militaire par toute force provenant « d’un pays étranger à la région, » la Turquie a appelé à la chute du régime d’Assad et a demandé à la Syrie de permettre l’ouverture de « couloirs pour l’aide humanitaire. »
De la même façon, les Nations Unies ont préparé un plan sur 90 jours pour gérer l’urgence et amener l’aide humanitaire aux civils syriens. Le département d’État US s’est empressé de soutenir ce plan, demandant l’accès immédiat, sécurisé et sans entraves à toutes les zones affectées [par les combats] en Syrie.
En réponse, le ministre des Affaires étrangères, Walid al-Muallem a déclaré que son gouvernement s’opposerait à toute intervention étrangère. L’établissement de « couloirs humanitaires signifie des couloirs militaires, » a-t-il affirmé. « Vous ne pouvez pas établir des couloirs humanitaires sans protection militaire. »
Durant sa déposition, il a été demandé à Leon Panetta si les USA fourniraient des « équipements de communication » aux groupes armés qui cherchent à renverser le gouvernement d’Assad. Panetta a répondu qu’il « préférait parler de cela en séance privée, » admettant que l’Administration Obama « étudiait un éventail d’assistances non létales. »
En réalité, de multiples rapports indiquent que le gouvernement US est allé bien plus loin que cela.
Dans un rapport paru mardi, le ministère des Affaires étrangères a cité certains hauts responsables du gouvernement qui confirmaient qu’une réunion des délégués du Comité au Conseil de sécurité nationale avait permis de valider le projet d’ « étendre l’engagement US auprès des militants syriens et de leur fournir tous les moyens pour [mieux] s’organiser. »
Un représentant officiel a dit au journal : « La politique des États-Unis consiste maintenant à aider l’opposition à renverser le régime Assad. Cela représente un changement significatif dans notre politique en Syrie. »
Ce fonctionnaire a ajouté que des mesures sont prises pour soutenir le comité militaire formé récemment par le Conseil National syrien, que Washington considère comme une marionnette plus fiable que l’Armée Syrienne Libre. « Nous reconnaissons qu’une assistance létale sera peut-être nécessaire, mais pas pour le moment, » a-t-il affirmé.
Cependant, un message révélé par Wikileaks parmi les documents internes de la société de renseignement états-unienne Stratfor indique qu’une telle "assistance létale" existe depuis plusieurs mois.
Le message, datant de décembre 2011, émane de Reva Bhalla, Directeur des analyses de Stratfor. Il rend compte d’une réunion avec des officiers du renseignement militaire du Pentagone, à laquelle assistaient également un officier britannique et un officier français. Ces officiers, éléments des groupes d’études stratégiques de l’armée de l’air états-unienne ont suggéré que « des équipes des Forces spéciales sont déjà sur place et se concentrent sur des missions de reconnaissance et d’entrainement des forces d’opposition. »
Ces officiers, d’après Bhalla, ont affirmé que l’objectif de ces équipes des forces spéciales était de « commettre des attaques de guérilla et des séries de meurtres pour briser le dos des forces alaouites et de provoquer leur implosion de l’intérieur. »
Le jour précédent la comparution de Panetta et Dempsey devant le comité sénatorial des Services de l’Armée, le général des marines James Mattis, chef du Centcom (commandement central états-unien) responsable de l’ensemble des forces états-uniennes au Moyen-Orient s’est adressé au même auditoire et a candidement fait l’aveu des objectifs US en Syrie.
« Si nous devions offrir des options, quelles qu’elles soient, pour accélérer la chute d’Assad, cela constituerait une grande source de préoccupation et de mécontentement pour Téhéran, » a attesté Mathis.
Désignant l’Iran comme « la menace la plus significative de la région, » Mattis a ajouté que « la chute d’Assad constituerait le pire revers stratégique de ces 20 dernières années pour l’Iran. »
Derrière les attitudes affichées de protection des civils en Syrie, les objectifs et les méthodes réels de l’impérialisme US commencent à apparaitre clairement. Ils consistent à mener une campagne terroriste en Syrie, en préparation d’une intervention militaire plus directe.
Ils cherchent à renverser Assad, non pas en vertu d’un quelconque intérêt pour la démocratie ou les droits de l’homme, mais plutôt pour faire progresser les intérêts US en affaiblissant l’Iran, allié de la Syrie, que Washington voit comme l’obstacle principal à sa tentative pour assoir sa domination sur les régions riches en pétrole que sont le Golfe Persique et l’Asie centrale. Ainsi, masquée derrière l’escalade croissante de l’intervention américaine en Syrie, se profile la préparation d’une guerre beaucoup plus vaste, aux conséquences globales.