Juste retour de bâton : tout comme la Turquie, depuis le début de la guerre contre la Syrie la Jordanie s’est impliquée, offrant son territoire pour le transit d’armes et de djihadistes entraînés pour aller combattre l’Armée nationale Syrienne. Sous protectorat américain allié d’Israël, avec une population palestinienne majoritairement hostile à l’entité juive sioniste et aux groupes salafistes qui n’excluent pas de renverser la monarchie hachémite et son petit roi « PlayStation », la Jordanie pourrait être secouée par les mêmes tensions internes que la Turquie d’Erdogan, voire pire.
Depuis le début de la guerre internationale via des proxis contre la Syrie la Jordanie, protectorat américain dirigé par le roi Abdallah II dit « PlaySation », a permis que son territoire serve de transit à des tonnes d’armes et munitions financées par les dictatures monarchiques du Golfe, Qatar et Arabie Saoudite en tête, acheminés par cargos entiers sous les hospices de la CIA en provenance d’Europe de l’Est (Croatie...), passés clandestinement dans le sud de la Syrie. La Jordanie héberge « discrètement » des forces spéciales US, britanniques, françaises, qui entraînent des membres des Frères musulmans et autres djihadistes « modérés » garantis kasher « non-canibales » pour grossir les rangs des opposants armés au gouvernement de Bashar al-Assad.
Si jusqu’à fin 2012 les infiltrations de mercenaires armés de Jordanie en Syrie restaient limitées, depuis le début de l’année des centaines de ces mercenaires entraînés dans plusieurs camps en Jordanie sont entrés en Syrie avec la complicité de l’armée jordanienne, équipés d’un grand nombre d’armes de taille moyenne, tels des lance roquettes portables capables, grâce à leurs munitions, de percer le blindage de tanks et de s’attaquer à des avions.
Malgré les dénégations de responsables politiques et militaires jordaniens, le président syrien Bahsar al-Assad a mis en garde le 17 avril dernier, lors d’une interview, la Jordanie et son roitelet stupéfait :
Nous souhaitons que nos voisins jordaniens réalisent que... le feu ne s’arrêtera pas à nos frontières – le monde entier sait que la Jordanie est aussi exposée (à la crise) que l’est la Syrie.
La Jordanie sert également d’espace d’entraînement pour les forces armées US et leurs alliés. Fin juin, un exercice militaire d’envergure rassemblant 40 nations, intitulé « Eager Lion 2013 », doit se dérouler à quelque kilomètres seulement du sud de la Syrie.
1000 Marines du 26ème Corps expéditionnaire ont déjà débarqué pour participer à cet exercice. Le Pentagone et Amman ont imposé un black-out total sur ce débarquement et essaient d’être les plus discrets possible quant à la nature réelle de cet exercice et son objectif final.
Néanmoins certaines informations ont fini par émerger. Cet exercice doit durer 2 mois – fin juin-fin août – et inclure la participation d’avions de combat US, des F-16, ainsi que des batteries de Patriot. Tout ce déploiement n’était pas prévu au départ. La décision de renforcer les moyens mis à disposition en Jordanie a été prise lors d’une réunion d’urgence au Pentagone le 31 mai, à laquelle ont participé des hauts gradés de l’armée US ainsi que des hauts responsables d’autres départements, incluant le département de la Défense civile. Le secrétaire à la Défense Chuck Hagel, en voyage, y a participé par vidéo-conférence.
C’est l’armée de l’air israélienne qui assure la sécurité de ce déploiement américain en attendant l’arrivée des F-16 et l’installation des Patriot avec l’accord du roi de Jordanie, qui a donné son feu vert pour qu’Israël utilise son espace aérien.
Tout le matériel US utilisé pour cet exercice : armes, véhicules blindés, systèmes de communication de même que les F-16 et les batteries Patriot, resteront sur place fin août.
Mais le protectorat americano-sioniste n’est pas une garantie – peut-être même l’inverse – de survie du royaume hachémite et de « PlayStation » Hussein.
La ville jordanienne Maan, située au sud de la capitale Amman, a été à plusieurs reprises le centre de soulèvements contre la monarchie hachémite, notamment celui de 1989. Un quart de siècle plus tard, la tension monte de nouveau à Maan. Il y a quelques semaines, l’université al-Hussein de Maan a été le théâtre de violents heurts tribaux ; quatre étudiants ont été tués.
Ces tueries ont donné lieu à plusieurs manifestations de protestation, les habitants de Maan réclamant une enquête.
Les divisions tribales entre la ville de Maan et la région de Badia, située alentour, contribuent à perpétuer la méfiance vis-à-vis de l’État jordanien. Le gouvernorat de Maan compte environ 110 000 habitants, mais nombreux sont ceux dans la région de Badia qui réclament l’autonomie vis-à-vis du gouvernement central, dont les structures politiques sociales et même culturelles sont quasiment absentes de cette région. Le gouvernorat de Maan est le plus pauvre de Jordanie.
Des groupes salafistes bien implantés dans ce gouvernorat profitent comme partout ailleurs dans les pays arabes du désarroi de ces populations et des tensions tribales pour prendre le contrôle de ces mouvements de mécontentement populaire.
L’un des dirigeants du mouvement djihadiste salafiste, Abu Sayyaf, a appelé à la sédition, affirmant également que le renversement de l’actuel gouvernement n’était pas exclu.
Ces groupes salafistes ont été par le passé facilement neutralisés par des machinations politiques, mais ce n’est plus le cas aujourd’hui. Les changements socio-économiques qui touchent certaines villes de Jordanie telles Maan et affectent la composition de ces dernières laissent entrevoir une perte de contrôle de plus en plus importante du gouvernement central, incapable de faire face à la montée en puissance de ces groupes extrémistes, en lien avec al-Qaïda et qui se financent en passant des armes en contrebande et des combattants en Syrie notamment.
De plus ces groupes salafistes bénéficient d’une totale impunité, car ils sont liés aux services de sécurité jordaniens corrompus, qu’ils pourraient néanmoins vite déborder si ces derniers se mettaient en travers de leurs plans extrémistes.
Le retrait des salafistes de Syrie – dont un grand nombre ayant transité par l’Irak –, entrés combattre l’Armée nationale syrienne, ne peut se faire via l’Irak. En effet, face aux nouvelles violences qui secouent l’Irak depuis un mois, liées aux groupes extrémistes al-Nosra et al-Qaïda, le gouvernement irakien de Nuri al-Maliki a déployé 20 000 soldats le long de la frontière avec la Syrie pour bloquer le passage dans les deux sens aux takfiristes d’al-Nosra et al-Qaïda. Des commandos irakiens s’apprêtent à mener des raids contre des groupes liés à al-Qaïda se trouvant dans l’est de la Syrie. Le Front al-Nosra semble avoir disparu des zones de combat et fait profil bas en prévision de ces raids.
Par conséquent leur retrait rendu impossible via l’Irak ces groupes salafistes al-Nosra, al-Qaïda et Cie pourraient tenter de rejoindre les salafistes jordaniens dans leur nouveau « califat de Badia ».
Une « révolution jordanienne » partant de la ville de Maan dans le sud de la Jordanie – tout comme la « révolution syrienne » est partie du sud du pays de Daraa – n’est pas exclue.
Le sud de la Jordanie pourrait devenir le « nouveau Califat » d’al-Qaïda au Moyen-Orient.
La Jordanie est sous pression à la fois de l’extérieur de la part des US-Israël, qui verraient bien le royaume hachémite transformé en État palestinien, et de l’intérieur compte tenu de la détérioration de la situation économique amplifiée par la guerre en Syrie.
Le petit roi hachémite « PlayStation » s’est déjà fait caillasser en 2011 lors d’une visite dans le sud de la Jordanie dans la ville de Tafileh par des jeunes qui demandaient la chute du gouvernement à cause de la corruption.
Abdallah II ferait bien d’écouter la mise en garde du président syrien Bachar al-Assad.
Mireille Delmarre