Les Sionistes avaient refusé un projet de partage onusien, « avec union économique » (sic), conçu pour « le Gouvernement futur de la Palestine » par la « Commission ad hoc chargée de la question palestinienne », après la deuxième session de l’Assemblée générale des 16 septembre - 29 novembre 1947, et les délégués Arabes aussi.
Les premiers parce qu’ils voulaient tout prendre, notamment le Néguev et méditaient un coup d’Etat appuyé sur un soutien américano-soviétique, les seconds parce qu’ils ne voulaient rien céder de la souveraineté arabe, légitimant la propriété de chacun, à des intrus. Seuls les fonctionnaires internationaux croyaient en leur initiative car ils ignoraient le terrain et prenaient conseil de leurs ateliers de pensée formés de marionnettes.
La Palestine qui avait eu son premier plan de partage en 1925, qui proposait les plaines riches aux sionistes et les montagnes arides aux Arabes, ne pouvait être partagée qu’aux yeux des Nations Unies qui avaient, sous la SDN, accueilli, non pas décrété ou voté, mais enregistré ce coup de force des Alliés formant des mandats, contre l’Empire ottoman en obéissant à l’exigence de la Déclaration Balfour !
Car cette Palestine n’avait d’existence que comme territoire occupé par les Britannique et « foyer national » qui traduit l’expression allemand Heimstätte de Herzl, que l’on rendait par « home juif ». Avant la formation du mandat, il n’y avait de Palestine que dans les Bibles, les récits des croisades, et les imaginations pieuses chrétiennes ; et les ritournelles des ghettos ne parlaient que de la Terre d’Israël ; seule existait juridiquement la Syrie dont l’actuel territoire désigné par Palestine était la partie méridionale, de sorte que la délégation arabe chargée de représenter les intérêts des dénommés Palestiniens d’aujourd’hui s’intitulait à Genève « syro-palestinienne ».
A cet égard le propos de Golda Meir au Sunday Times du 15 juin 1969 l’interrogeant sur le droits des palestiniens : they didn’t exist, ils n’ont pas existé (sous entendu avant notre venue) est cynique, mais, quoique cachant une intention malhonnête, géopolitiquement exact.
Au congrès général de Damas, le 27 février 1920 un appel à l’union de la Palestine et de la Syrie est lancé et voici le texte de la proclamation d’indépendance de la Syrie, le 7 mars : « Nous donc aujourd’ hui en notre qualité de représentants réels de la nation arabe dans toutes les parties de la Syrie, parlant en son nom et manifestant sa volonté, avons déclaré à l’unanimité l’indépendance de notre pays la Syrie, dans ses limites naturelles, la Palestine y comprise, indépendance complète sans qu’aucun doute puisse subsister à ce sujet sur la base civile et représentative » [1].
La seule autorité et existence juridique qui permette en effet aux réfugiés de retourner chez eux, de reprendre leurs propriétés mobilières et immobilières confisquées au nom de décrets anglais contre les biens ennemis germano-italiens, est encore celle de l’Empire ottoman qui justifiait par son chef suprême, le calife, toute propriété individuelle et dont l’autorité est partagée entre plusieurs Etats arabes qui en sont la somme ; c’est donc leur unité qui garantit l’existence et les droits des Palestiniens.
On dit : il leur faut une patrie ! Quelle honte de proclamer cela : ils l’ont déjà, c’est la Syrie dont leurs pères étaient membres ; cette même Syrie dont on a tiré le Liban et qui continue l’unité régionale ottomane seule fondatrice du droit et héritière de Byzance. Dans une formule connue des juristes, saint Augustin ou celui qui est désignable comme tel, déclare : le droit de l’Empereur justifie le mien, c’est-à-dire peut seul me faire dire « ceci est à moi ». Toute identité ne renvoie qu’à une identité, mon moi est garanti par un moi. Car toute propriété suppose une autorité supérieure. Les droits impériaux (jura imperatoria) se confondaient avec les droits humains.
La ruse sioniste, comme dans cette Union actuelle pour la Méditerranée, qui est dans l’air du temps, a été, tout en rejetant toute souveraineté arabe sur la Palestine, en se réservant sous ce nom un champ d’expérience d’intimidation, a été de proposer, par le futur Lord Herbert Samuel, premier gouverneur sioniste britannique du mandat de Palestine, alors la constitution d’un espace économique arabophone chapeauté par Damas et dont la compétence serait économique, non politique. Veux-t-on l’expression de la vérité politique en bon français diplomatique ? Robert de Caix (1869-1923), cité en exergue de chapitre par Henry Laurens, parle de ces « notables de Transjordanie […] s’obstinant à croire que la France est encore quelque chose dans les régions qui constituaient autrefois le sud de la Syrie ».
On a voulu faire des Arabes dépossédés des « sans-patrie », des « heimatlos », selon le terme allemand utilisé même en théorie de la connaissance, pour désigner chez Alexius Meinong en Autriche, par exemple, des objets qui ont perdu leur cadre, leur « patrie », ainsi qu’on parlerait d’électrons libres ! Or ces Arabes ont déjà une patrie ; les Palestiniens, ce sont aussi les Jordaniens d’aujourd’hui à 70 % qui sont les moteurs de l’Etat en question, mais d’un autre côté, ce n’est pas une « solidarité » que manifestent les autres Etats arabes, comme on dit, mais un patriotisme quand ils refusent de donner un droit d’existence au Sionisme.
Ce sont non pas seulement des frères en religion, comme les Albanais et les Bosniaques, mais, chrétiens ou musulmans, des compatriotes, des gens issus du même Empire, du reste point constitué d’Arabes seulement, mais dans lequel les Arabes ont eu seuls une existence politique stable, durable et efficace.
[1] Voir d’Henry Laurens, La Question de Palestine, tome premier 1799-1922, L’invention de la Terre Sainte, Fayard, 2002, 719 p. p. 503, l’auteur mentionnant que la population de Jérusalem manifeste en mars 1920 « pour demander son rattachement à la Syrie »