Dans Le Désert des Tartares, Dino Buzzati conte l’histoire du lieutenant Drogo Giovanni, qui attend au fort Bastiani la grande guerre qui lui permettra de prouver sa valeur. Depuis le fort, le soldat Drogo observe l’horizon, patiemment, imperturbablement, heure après heure, jour après jour, année après année. Envoûté par les montagnes désertiques qui l’entourent, habité par l’illusion obsessionnelle qu’une armée ennemie conspire et s’apprête à surgir, ce jeune homme consume toute son existence dans l’observation, la scrutation, et l’attente d’une guerre qui n’aura pas lieu.
Roman métaphysique et allégorique de la condition humaine, lorsqu’elle est en proie à la déchirure que la fugacité du temps inflige à la permanence des illusions, Le Désert des Tartares porte une critique acerbe sur la fixation paranoïaque de la soldatesque du néant. Guetter et nourrir l’espoir, du haut de sa thébaïde, que son obsession paranoïaque se matérialise, voilà comment Dino Buzzati perçoit l’inanité de l’être.
Ainsi le protagoniste demeure t-il, jusqu’au bout, l’observateur méticuleux, le scrutateur maniaque d’un horizon vide que ses illusions quichottesques peuplent de ses propres chimères guerrières.
Le problème est que les Drogo Giovanni d’aujourd’hui vivent de l’argent public, de nos impôts. Mais à quelle fin ? La liberté de conscience n’étant pas un complot mais l’une des tentacules du libéralisme, la surveillance et la chape de plomb que la soldatesque anti-complot fait peser sur la liberté d’expression conduit à la soviétisation de la société française. Organe anti-libéral par excellence, Conspipi Watch est un vestige du bolchévisme.
La conspiration, désignation outrancière de la pensée non alignée par les petits censeurs de l’alignement de la pensée, disparaîtra le jour où le capitalisme s’effondrera, c’est-à-dire jamais : la liberté d’expression est consubstantielle au libéralisme.
Si quelqu’un est capable de se persuader que les idées divergentes sont bonnes à être observées, surveillées, dénoncées, et réprimées, au point d’appeler à criminaliser la libre parole, et bien ce gendarme sans lustre et sans droiture ignore que la libre expression est le corollaire indissociable du libéralisme économique.
Si les individus prennent l’avion, que la monnaie, les biens de consommation, et les capitaux circulent librement, alors personne, je dis bien personne©, ne peut empêcher l’opinion de circuler librement, elle aussi .
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