Le Conseil d’Etat prétend vouloir consacrer dans la loi le principe de la neutralité du net, mais pas sans prévoir dans la loi toutes les exceptions que réclament les opérateurs télécoms.
Il faut savoir admirer les subtilités des formulations administratives, qui rendent hommage à Racine et à son Britannicus (« J’embrasse mon rival, mais c’est pour l’étouffer »). Ce mardi, le Conseil d’État a remis un lourd rapport consacré au numérique et aux droits fondamentaux, sur lequel nous aurons largement l’occasion de revenir, dans lequel il émet une série de 50 propositions. Parmi elles figure en deuxième place la belle affirmation qu’il faut « consacrer le principe de la neutralité des réseaux »... mais pour y ajouter aussitôt de très sérieuses et affligeantes réserves.
Ainsi, le Conseil d’État commence par écrire que « le principe selon lequel les opérateurs doivent traiter de manière égale l’ensemble du trafic qu’ils acheminent est bon ». Il dit même qu’il est « une garantie de la liberté de communication, de la liberté d’entreprendre et de la liberté d’association, ce qui justifie qu’il soit protégé par la loi ».
Mieux, il ajoute que « la consécration du principe de neutralité des réseaux apparaît particulièrement nécessaire aujourd’hui ». Applaudissements.
Mais patatras, voilà que quelques paragraphes plus loin, le Conseil d’État annihile lui-même ce joli discours, en s’opposant fermement à la protection de la neutralité du net imposée par le Parlement européen en avril dernier, lors d’un vote qui n’est toutefois pas définitif.