« Des négrophobes comme Alain Soral dans un texto, partout sur le globe c’est chaud d’être un négro »
Le 3 janvier 2016, Henry de Lesquen, candidat à l’élection présidentielle de 2017, a dévoilé une partie de son programme par le biais d’une sentence qui a vraisemblablement frappé le très renommé rappeur Kery James (à moins qu’il ne s’en soit tenu aux propos rapportés). Alors concurrencé sur le terrain de la punchline par un haut fonctionnaire et ex-conseiller municipal de Versailles de 67 ans qui scande : « Le cosmopolitisme détruit notre civilisation grâce à la musique nègre », Kery James, l’artiste, ne pouvait en rester là.
Le 13 septembre 2016, le clip de « Musique nègre », morceau de Kery James en featuring avec Lino et Youssoupha, est publié :
Le brûlot attendu n’en est pas un, et malgré les postures et autres mises en scènes, les références convenues convoquées (Rosa Parks, Toussaint Louverture, Martin Luther, Black M... Tiens, pas de Louis Farrakhan ni de Dieudonné ?), le résultat, sur le plan de l’engagement politico-culturel, est quasi-inefficient. En dépit de l’avertissement en introduction, le poète noir a bien tiré à blanc...
Quelques griefs larvés et enrobés adressés à la LICRA et au CRAN, une envolée lyricale hargneuse à l’égard de ce vieux Fernand Nathan (qui ne pourra pas répondre, lui) ou de Michel Leeb, et des allusions timides à Sarkozy et Guerlain. Seule Laurence Rossignol, la socialiste qui ne contrôle rien (pas même elle-même), est indirectement châtiée.
Et finalement, pour bien donner des gages au vrai Pouvoir, celui qui est réellement raciste, une saillie dénonçant le vilain « négrophobe » Alain Soral, des fois qu’on accuserait Kery James de parenté intellectuelle avec ce dernier...
Cette « musique nègre » est pourtant profondément française, car à l’image de la société civile et culturelle actuelle : prudente, flippée, teintée de ce néo-conformisme qui tente de se détacher de l’« ancien monde » (ici l’industrie et l’idéologie antiraciste) sans oser renoncer à ses privilèges. Beaucoup de bruit pour pas grand-chose. Et toujours la crainte de la matraque du Maître...
« Qui prétend faire du rap sans prendre position ? » disait Lino il y a vingt ans. Littéralement dans le sillon de cette formule, le rap continue de jouer son rôle : faire peur aux petits bourgeois, tout en rassurant les véritables décideurs par la victimisation et le manque de positionnement. Ce n’est que de la musique, pourquoi prétendre à plus si l’on n’en a pas les moyens ?
Kery James confirme, interviewé par StreetPress,
le web-magazine « alternatif » proche du PS
Kery James ou le parcours d’un tiraillé qui tente de s’émanciper de la double violence (sociale et idéologique) du Système qui le chapeaute et le contraint depuis le début :
Pour la présidentielle de 2007, tu as soutenu Ségolène Royal. Quel souvenir tu en gardes ?
C’est un regret de l’avoir soutenue. Je ne le referais pas aujourd’hui. Comme je le dis dans « Racailles » : « Pour ceux qui l’ignorent encore, je le rends public, je ne soutiens aucun parti, je ne marche plus dans vos combines ». J’avais eu un entretien avec Ségolène Royal. Elle m’avait même cité lors d’un discours.
Comment s’était passé cet entretien ?
On avait échangé comme c’est possible avec un politique en pleine campagne. Ça va très vite. Les gens que je prétends représenter n’ont rien gagné là-dedans.
On t’a appelé pour soutenir un candidat en 2017 ?
Non, plus personne ne m’appelle. Je crois que le message est clair.
Dans ton dernier album, tu fais référence à notre article sur les textos racistes d’Alain Soral. Pourquoi parler de lui aujourd’hui ?
Je le pique parce qu’il est vraiment négrophobe. Je ne peux pas cautionner le fait qu’il déclare que la plupart des femmes noires sont des …, je passe les détails. Je ne le fais pas pour plaire, je le dis parce que je le pense. C’est un négrophobe.
Que penses-tu de son discours ?
Il y a des sujets sur lesquels j’ai des désaccords avec lui et d’autres où on se rejoint. Alain Soral a participé à mon éveil politique. C’est lui qui m’a éclairé sur ce qu’il appelle « l’arnaque SOS racisme », par exemple. Mais je n’ai pas besoin de gourou. Tout comme je refuse l’arnaque antiraciste de SOS Racisme, je refuse aussi l’arnaque qui consiste à pousser les Français de confession musulmane vers le FN. Tout le monde sait que le travail de Soral est de racoler l’électorat musulman pour le FN, ou en tout cas de faire en sorte qu’il n’y ait plus de barrage au vote FN.
Et sur ses discours complotistes et antisémites ?
J’ai des textes où toutes les réponses sont données. Je trouve que le complotisme est un terme parfois utilisé de manière abusive. N’importe quelle position autre que celle du pouvoir établi devient un complotisme. Je n’aime pas céder à cette facilité. Mais je sais que le complotisme existe. La preuve, j’en ai moi-même été victime. Alain Soral a relayé une vidéo de Kémi Seba où ce dernier explique que je suis une marionnette du sionisme et du CRIF parce que j’ai été défendu par l’avocat Olivier Kaminski.
Médine, dont tu es proche, a été voir Kémi Seba en conférence au Théâtre de la Main d’Or. Vous en avez déjà parlé ?
Oui, on en a discuté, j’ai dit ce que j’avais à lui dire. Mais je ne vais pas exposer nos discussions par médias interposés.