Une grève de la faim de deux mois par un détenu palestinien maintenant dans le coma, peut mettre à l’épreuve une nouvelle loi israélienne controversée sur le gavage forcé, les médecins israéliens semblant disposer à refuser une telle pratique.
Muhamed Allan (photo ci-contre), âgé de 31 ans, est tombé dans le coma vendredi, après avoir uniquement pris de l’eau depuis le 18 juin en signe de protestation contre sa détention sans accusation ni procès par les autorités israéliennes d’occupation. Après qu’Allan ait perdu connaissance, les médecins l’ont placé sous respiration artificielle, lui injectant sous perfusion les fluides et vitamines pour le maintenir vivant, [parait-il] en se basant sur des discussions avec lui avant qu’il ait perdu conscience. Son état serait maintenant stabilisé, mais sa vie est toujours en danger, selon le responsable de l’hôpital où il est incarcéré.
Si et lorsqu’il il reprendra connaissance — et s’il continue à refuser de s’alimenter — le gouvernement israélien devra décider s’il applique ou non une loi passée en juillet permettant l’alimentation forcée des prisonniers quand leur vie est en danger. On ne sait pas pour l’instant comment serait pratiqué ce gavage. Les médecins et les militants des droits de l’homme s’opposent fortement à la loi, comme ceux qui disent que cette pratique du gavage est de la torture et revient à dépouiller les Palestiniens d’une forme légitime de protestation. La loi a provoqué un intense débat, en particulier avec des médecins disant qu’ils refuseront d’effectuer l’alimentation forcée puisque la nouvelle loi leur donnerait le choix de le faire ou non.
« C’est un test »
« Je pense que c’est une mise à l’épreuve pour beaucoup d’institutions » a indiqué Hadas Ziv, coordonnateur du Comité d’Éthique pour Physicians for Human Rights-Israel, un groupe de défense des droits de l’homme qui s’oppose à la loi d’alimentation forcée.
« C’est un défi pour le corps médical en Israël… C’est un défi pour les autorités – jusqu’où iront-elles avec cette loi ? »
La situation d’Allan a suscité des manifestations pour soutenir sa cause et exiger sa libération. Il est depuis novembre sous le régime connu sous le nom de détention administrative, qui permet de garder des personnes incarcérées sans accusation ni procès pour des périodes de 6 mois renouvelables indéfiniment. Selon les chiffres publiés par les Israéliens, presque 5 700 Palestiniens sont actuellement retenus prisonniers en Israël, 379 l’étant en détention administrative.
Le mouvement du Jihad islamique [résistance palestinienne] présente Allan comme un de ses membres, et Israël fait usage de la détention administrative pour garder en prison des Palestiniens qu’il dit représenter des « risques de sécurité » tout en s’abstenant de divulguer des informations qui selon les autorités d’occupation sont des renseignements sensibles. Beaucoup de prisonniers palestiniens se sont lancés dans des grèves de la faim pour protester, y compris ceux en détention administrative. Cependant, aucun gréviste de faim n’est décédé depuis les années 1980.
Des centaines de personnes se sont rassemblées samedi soir à Gaza, alors que dimanche plusieurs dizaines de personnes, portant des photos d’Allan, investissaient les sièges sociaux de la Croix-Rouge à Jérusalem-Est.
« Fin de la trêve »
Le Jihad islamique a appelé à une mobilisation générale et a averti depuis Gaza que sa mort marquerait une « fin de la trêve » avec Israël. Si Israël décide d’appliquer la nouvelle loi, les autorités d’occupation risquent de devoir réclamer une décision judiciaire. En plus d’arguer du fait que la vie du patient est en danger, ces mêmes autorités pourraient également dire que la mort d’Allan représenterait un risque de sécurité, selon Physicians for Human Rights-Israel. Une décision judiciaire en faveur du gouvernement permettrait à des médecins de procéder à l’alimentation forcée, mais ils pourraient également refuser s’ils considéraient que cela est contraire à leur éthique. Les médecins ont déploré d’être impliqués dans une discussion politique, et l’Association médicale israélienne conteste la loi d’alimentation forcée devant le tribunal. « Nous pouvons résoudre des problèmes médicaux. Nous ne pouvons résoudre aucun politique ou de sécurité ou faire le travail des policiers, » a dit Tami Karni, responsable du bureau d’éthique de l’association médicale.
Le parlement israélien a approuvé la loi deux semaines après des autorités d’occupation aient libéré un autre membre présumé du Jihad islamique allégué Khader Adnan, à la suite d’une grève de la faim de 56 jours qui l’a conduit près de la mort.Le Ministre de la sécurité intérieure, Gilad Erdan, qui a voté la loi, a dit qu’elle était nécessaire puisque les « grèves de la faim des terroristes dans les prisons sont devenues des moyens de menacer Israël. » Le groupe Addameer qui défend les prisonniers palestiniens, a rappelé de son côté que gaver un détenu était « immoral » et « nuit à sa dignité et met sa vie en danger. »