On nous a déjà fait le coup de la centrale nucléaire occupée par les Russes, qui se bombarderaient eux-mêmes. Maintenant, rebelote avec le risque d’utilisation d’une bombe sale.
Les Russes dénoncent un projet de la part des Ukrainiens ; ils ont pour toute réponse, en substance : « ça va, on nous la fait pas ! » La suite logique d’un soutien inconditionnel au régime de Kiev, d’ailleurs depuis le début, puisque l’Occident, dont la France, livrait déjà des armes à l’Ukraine quand cette dernière bombardait ses propres populations dans le Donbass. Et ce, alors même que France et Allemagne étaient garants des accords de Minsk pour le côté ukrainien. Pour l’impartialité, on repassera.
Un argument recevable serait le suivant : la Russie pourrait prendre prétexte de la prétendue utilisation imminente d’une bombe sale pour lancer et justifier une offensive massive, marquant un tournant dans le conflit, puisque jusqu’ici elle a beaucoup fait preuve de retenue, frappant des objectifs militaires en prenant soin de limiter autant que possible les morts chez les civils (comme chez ses propres soldats), ce qui a indéniablement contribué à limiter les condamnations internationales hors Occident. En période de guerre, la propagande de guerre se retrouve des deux côtés, au moins potentiellement.
Mais que nenni ! Si une telle bombe devait être utilisée sur les territoires russophones rattachés à la Russie, ce serait bien sûr un coup des Russes eux-mêmes, et non du régime de Kiev, incapable d’une telle infamie. C’est un postulat, implicite. Il suffit de le refuser pour s’exclure du camp du Bien. Prendre la conclusion souhaitée, en faire un point de départ, faire un petit sur soi-même et y revenir. CQFD : le régime de Kiev est gentil, donc les Russes sont méchants ; les Russes sont méchants, donc le régime de Kiev est gentil. La géopolitique pour les (très, très) nuls ! Le journalisme à l’avenant.
Washington, Londres et Paris font bloc derrière l’Ukraine pour dénoncer les affirmations de Moscou selon lesquelles Kiev se préparerait à utiliser une bombe radiologique. Par une attaque sans précédent et menée sous « faux drapeau », la Russie voudrait créer la panique, voire justifier un recours au nucléaire par le Kremlin.
« Bombe radiologique ». Ces deux mots font peur, très peur. Pas autant que « bombe nucléaire », mais suffisamment pour faire franchir à la guerre en Ukraine un palier sans précédent, si une telle bombe dite « sale » était utilisée. Un scénario dramatique évoqué dimanche par le ministre russe de la Défense, Sergueï Choïgou [photo], lors d’entretiens téléphoniques avec ses homologues américain, Lloyd Austin, britannique, Ben Wallace, français, Sébastien Lecornu, et turc, Hulusi Akar.
« Selon les informations dont nous disposons, deux organisations ukrainiennes ont des instructions spécifiques pour fabriquer la soi-disant "bombe sale" (NDLR : qui utilise une explosion classique pour disperser sur quelques km2 des isotopes radioactifs, essentiellement cobalt, césium, uranium, radium, ou strontium). Leur travail est entré dans la phase finale », a encore déclaré dans un communiqué lundi le lieutenant-général Igor Kirillov, en charge au sein de l’armée russe des substances radioactives, des produits chimiques et biologiques.
Certes, Moscou ne menace pas de s’en servir et prétend craindre que ce soient les Ukrainiens qui violent le tabou du nucléaire en lançant une telle bombe sur le territoire russe.
Mais personne n’est dupe à l’Ouest sur le fait qu’il s’agirait d’une attaque dite sous faux drapeau, menée en fait par Moscou pour provoquer la confusion, obtenir le soutien des partenaires africains et asiatiques de Moscou qui commencent à prendre leurs distances. Voire, tout simplement, en prendre prétexte pour riposter par une bombe nucléaire tactique tout en faisant porter à Kiev la responsabilité ultime de cette escalade. Le recours à l’arme nucléaire est brandi implicitement par Moscou depuis le début de l’invasion.
Le simple fait qu’un dirigeant du Kremlin évoque ce scénario constitue donc en soi une escalade, visant vraisemblablement à effrayer les dirigeants occidentaux, afin qu’ils cessent de soutenir l’Ukraine, dont les troupes reprennent inexorablement localités sur localités à l’armée russe.
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