Décédé dans la nuit [de dimanche à lundi 9 ocobre 2017] à 87 ans, Jean Rochefort a traversé les époques, alternant nanars et chefs-d’œuvre, sans jamais perdre son élégance.
Il avait ce côté aristocrate qui imposait le respect et charmait l’esprit. Un rien cabot, toujours malicieux, le verbe haut, le propos parfois égrillard et un look british légèrement désuet... Jean Rochefort a traversé les époques avec élégance et panache, en aimant les bons mots, l’amour et les chevaux, tel un seigneur du XVIIIe siècle. Et une certaine ironie affichée, comme pour garder cette âme d’enfant qu’il n’a jamais voulu perdre dans les méandres du métier. Et cacher une mélancolie dont il ne parviendra jamais à guérir tout à fait. La dérision comme art de vivre, en quelque sorte.
Il grandit dans une province qui l’ennuie profondément, avec une mère comptable et un père autodidacte, devenu cadre dans l’industrie pétrolière. Sa voie est toute tracée : décrocher de bons diplômes, comme son frère aîné, qui intégrera Polytechnique. Mais le jeune Rochefort est de nature rêveuse, peu porté sur les études, au grand désespoir du paternel. Un jour, sous le crachin nantais, il pousse la porte d’un cinéma et découvre Gary Cooper en se disant que la vie se déroulait sous ses yeux. Mais son père le veut comptable : après 1945, il l’envoie étudier à Paris, c’est une catastrophe. « J’ai passé la matinée à chercher l’école au 78, rue de Richelieu, a-t-il expliqué un jour dans Le Figaro. En rentrant, je lui ai dit : Papa, entre le 77 et le 79, le 78 n’existe pas. J’ai pris une tarte. »
Les glandeurs du conservatoire
Il intègre l’école d’art dramatique de la rue Blanche, puis le conservatoire, et sympathise d’emblée avec la bande de joyeux lurons avec qui il fera désormais les 400 coups : Jean-Pierre Marielle, Jean-Paul Belmondo, Bruno Cremer, Annie Girardot, Claude Rich, la promo idéale. Sans oublier Philippe Noiret qui les rejoint dès qu’il le peut... Des années d’insouciance, sans un rond, mais avec l’envie d’oublier cet après-guerre déprimant.
« Ce que nous voulions, c’était jouer, rire, retrouver les copains, gagner de l’argent pour vivre, s’est souvenu Rochefort dans L’Express. Comme une certaine forme de marginalité. Et puis l’autodérision est une chose qui ne nous a jamais quittés. »
Tout le monde est admis au concours de sortie, sauf lui. Première grosse déprime. Il commence à douter, un manque de confiance en lui qui le poursuivra longtemps.
Il enchaîne les seconds rôles, on lui trouve un air british, il s’y complaît avant de s’attaquer à un répertoire plus soutenu au théâtre, avec des pièces de Giraudoux, Obaldia ou Harold Pinter... En parallèle, il met du beurre dans les épinards en s’essayant au cinéma, épaulé par ses copains du conservatoire qui lui dégottent des rôles de circonstance comme dans Cartouche, au côté de Belmondo. Après la saga des Angélique et Les Tribulations d’un Chinois en Chine, il confirme son statut d’acteur populaire dans Le Grand Blond avec une chaussure noire, L’Horloger de Saint-Paul ou encore Un éléphant ça trompe énormément. Ce sont les années fastes, avec deux césars décrochés pour les films Que la fête commence et Le Crabe tambour – le métier lui en décernera un troisième pour l’ensemble de sa carrière en 1999.
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