Onfray, c’est ce prof de philo qui est capable de dire des choses lucides, c’est-à-dire sur notre ligne, et qui ensuite fout tout en l’air par ses attaques contre les antivax, ou ses « je ne suis pas antisémite », ce qui est le signe de la peur, et la peur est mauvaise conseillère, surtout pour un philosophe.
Avant d’écouter le Onfray dans l’émission d’Europe 1, rappelons un extrait de son passage dans la Matinale de CNews le 21 août 2021 :
« On ne croit plus les médecins, on ne croit plus la science. (...) Je crois que la Terre est ronde, qu’elle tourne autour du Soleil et qu’il y a des vérités scientifiques. Et comme effectivement l’expertise a disparu, tout le monde se trouve expert et tout le monde se met à dire des choses extravagantes : le vaccin ne soigne pas, d’abord il ne soigne pas mais ensuite il tue. On entend des choses assez extravagantes. Je pense qu’il y a beaucoup, parmi les antivax ou les antipass, des gens qui ont des raisons, des bonnes raisons, parfois, de le penser. Mais des gens qui sont plutôt anti-tout, ils ne croient plus à l’expertise. Ils sont dans une espèce de nihilisme généralisé, et ça raconte plus le nihilisme de notre époque qu’autre chose. »
Mal vu de la part du laudateur du nihilisme !
Michel Onfray sur les antivax : « On ne croit plus les médecins, on ne croit plus la Science » dans #LaMatinale pic.twitter.com/Ca8a0r5WMX
— CNEWS (@CNEWS) August 26, 2021
Comme Macron, Michel peut dire tout et son contraire, du coup il devient illisible, mais il ratisse large. On a tous en nous quelque chose de Michel Onfray, n’empêche que pour l’œuvre et la cohérence, il repassera. On va le voir dans cet interview où il commence à douter de son athéisme.
Onfray est plus un éditorialiste qu’un philosophe, d’ailleurs il s’est arrêté à Nietzsche, ce qui veut tout dire : Nietzsche, c’est le philosophe romantique, pour quand on a 20 ans et qu’on se plonge dans la philo. Ensuite, il faut passer à du plus sérieux. Justement, Onfray ne rime pas avec sérieux, parce que d’une déclaration à l’autre, il se contredit.
Dans cet entretien du 1er janvier 2023 sur Europe 1 avec la charmante Sonia Mabrouk (qui est sur sa ligne, idem pour Bock-Côté), il commence bien en disant que les mecs du Monde, qui ont attaqué son entretien en traitant Houellebecq de « fasciste », sont « prévisibles ». Mais on n’oublie pas qu’il s’est trouvé une grand-mère possiblement de confession juive, sous-entendu j’ai mon gilet pare-balles idéologique.
Dans un récent hors-série de la revue Front populaire (« Fin de l’Occident ? », 144 pages, 13,90 euros), il livre, sans fard, ses observations sur la situation sociale et politique de la France. La virulence du propos marque une étape supplémentaire dans la radicalisation à l’extrême droite d’un auteur à succès. Cette dérive apparaît d’autant plus sincère que l’écrivain s’exprime dans un entretien croisé et amical avec l’essayiste et fondateur de cette publication, Michel Onfray, lui aussi obsédé par « la chute du christianisme » et par l’idée que les Français, qui cultivent « la détestation de soi », sont complices de la perte de leur identité. (Le Monde)
Quand Onfray se moque du Monde et de Libé, c’est bien vu et bien dit. Pour eux, on ne peut penser qu’à gauche, ce qui est grotesque. Malgré les petits calculs marketing de Houellebecq et les contradictions d’Onfray, ces deux mecs pensent mieux et plus loin que les agents de la propagande de la presse mainstream, c’est indéniable.
Cependant, ils ont aussi leurs limites, et Houellebecq est plus malin qu’Onfray quand on aborde les fameuses limites... Par exemple, les deux Michou s’en prennent à l’islam, la religion de tous les désordres, selon eux, mais ils touchent rarement au judaïsme, qui en sort quasiment blanchi.
Et s’ils réhabilitent la chrétienté, c’est bien sûr dans un esprit très... siono-compatible, celui du suprémacisme blanc : tous contre l’islam ! Mais ce n’est pas aussi caricatural, et Onfray admet une certaine tentation pour une conversion (au christianisme). Il reste bien sûr arc-bouté sur ses convictions jansénistes, son épicurisme et sa philo antique, mais on sent que quelque chose se passe en lui...
« J’ai trouvé une sagesse sans croire en Dieu, sans croire en l’Au-delà. J’ai perdu des gens qui me sont chers, et je serais très heureux de les retrouver dans un ciel hypothétique d’après ma mort. Mais je n’y crois pas du tout. »
Un peu plus loin, à 5’50, Michel, qui rappelle qu’il est 100 % « athée », fait un aveu :
« Moi j’aurais aimé être moine, quand j’avais 12, 13, 14 ans, mais j’avais pas la foi, c’est quand même le minimum pour devenir moine. D’ailleurs la vie que je mène aujourd’hui est assez monastique, je vis seul, avec mes livres, en travaillant, tout est construit sur cette obsession-là. »
Ensuite, il énonce qu’il n’a rien contre les religions à partir du moment où elles ne lui imposent rien : « À partir de ce moment-là, je dis non ». On rappelle que les musulmans ne lui ont pas demandé de mettre le voile. Pourtant, il s’est mis un petite kippa avec sa déclaration sur son grand-père (voir en renvoi E&R)...
Tout porte à croire que si un jour Michel bascule dans le christianisme, autrefois honni dans ses livres, ce sera un christianisme à tendance sioniste. Puisse Michel vivre assez longtemps pour qu’on assiste à ce changement progressif mais profond !
« Défendre la chrétienté ce n’est pas défendre le christianisme... Et de fait aujourd’hui je défends une chrétienté que je n’aurais probablement pas défendue il y a 30 ans »