Le Parisien - Aujourd’hui en France a pu consulter la dernière audition d’Alex C., le seul suspect à avoir évoqué le mobile antisémite. Alors que son complice doit être entendu ce mardi, il esquisse désormais la piste d’une vengeance contre la retraitée juive.
« J’ai cru entendre parler de certaines conversations, qu’en fait, je n’ai pas entendues. J’étais sous le choc. » Interrogé le 13 avril par la juge d’instruction, Alex C. opère un inattendu revirement à 180 degrés.
Le jeune délinquant de 22 ans, co-suspect dans le meurtre de Mireille Knoll, retire ce qu’il a déclaré en garde à vue. Son complice Yacine M., qu’il accuse d’avoir porté les coups mortels, n’aurait finalement pas reproché à la victime « les moyens financiers et la bonne situation des juifs ». « Ils ont juste parlé de la guerre de 39-45 avec l’extermination des juifs et de la libération d’Algérie », corrige-t-il, selon ses nouvelles déclarations dont nous avons pris connaissance.
Deux mois après le meurtre de la retraitée juive de 85 ans, retrouvée tuée au couteau et brûlée dans son appartement du XIe arrondissement de Paris, la piste antisémite apparaît de plus en plus friable. L’affaire avait ému la classe politique, qui y voyait le symptôme d’un antisémitisme qui prospère dans les quartiers multiconfessionnels.
Alex C., cambrioleur récidiviste, et Yacine M., 28 ans, voisin de la vieille dame, étaient les seules personnes présentes au moment du crime. Tous deux ont été mis en examen pour « homicide à raison de l’appartenance religieuse de la victime », dans l’attente de pouvoir départager les responsabilités.
C’est sur la base des déclarations initiales d’Alex C. que la justice avait retenu cette circonstance aggravante.
« Il lui disait : Tu vas me le payer »
« Êtes-vous aujourd’hui embêté de parler de (religion), compte tenu de la qualification des faits et de la médiatisation ? », insiste la juge ce 13 avril, pour vérifier la sincérité de la marche arrière d’Alex C. « Non je ne suis pas du tout embêté. […] Je suis athée », rétorque l’intéressé. Et d’ajouter qu’il ne « pense pas » non plus que Yacine M. ait tué Mireille Knoll parce qu’elle était juive.
Les policiers du 2e district de la police judiciaire de Paris explorent désormais la piste du crime crapuleux. Lors de son audition, Alex C. a évoqué une possible vengeance de son ami, exacerbée par l’alcool et la paranoïa.
Appelé pour dérober des objets de valeurs dans le HLM, il aurait été témoin d’une ultime conversation qui dégénère entre Yacine M., ivre, et la vieille dame.
« Il lui disait : “Tu vas me le payer, j’ai pas été à l’enterrement de ma sœur. Tu m’as balancé” […] Madame Knoll disait : “Laisse-moi tranquille, je n’ai rien à voir par rapport à la mort de ta sœur” », relate Alex C.
Une rancœur mûrie par Yacine M. ?
Vérification faite par les enquêteurs : la sœur de Yacine M. est bien morte des suites d’un accident vasculaire cérébral à l’été 2017. À l’époque, le jeune homme est en prison pour avoir touché la cuisse de la fille de l’aide-soignante de Mireille Knoll, 12 ans, et lui avoir formulé des propositions sexuelles. Les faits ont eu lieu en février 2017 dans une chambre d’ami chez la vieille dame, alors qu’ils regardaient la télévision. Condamné, Yacine M. obtient une permission de sortie pour la mise en bière de sa sœur. Mais il ne peut assister à l’enterrement, qui se déroule en Algérie.
A-t-il mûri une incompréhensible rancœur contre la retraitée, elle qui lui a pourtant pardonné ses erreurs ?