Rédacteur en chef du site Égalité & Réconciliation et animateur de l’émission de web radio On nettoie l’info sur ERFM avec Dimitri Korias, Pierre de Brague donne à Rivarol son analyse du coup de tension entre le leader de La France insoumise et le lobby sioniste en France. Calcul politique ou véritable passage de la ligne rouge ? Cela est à voir.
Rivarol : Comment expliquer la récente charge de Jean-Luc Mélenchon contre le CRIF ?
Pierre de Brague : Ce n’est pas la première ! Mélenchon est coutumier du fait, il a plusieurs fois manifesté son hostilité envers le CRIF ces dernières années. Mais celle-ci a un impact particulier car elle s’inscrit dans une nouvelle configuration politique : la zemmourisation du champ politique. Face à cette nouvelle donne, le leader de La France insoumise a plusieurs bonnes raisons de persévérer dans la dénonciation du CRIF que l’on peut résumer par : devenir l’opposant/sparring-partner (officiel et validé) numéro 1 au national-sionisme montant en profitant de son paravent politiquement incorrect. Si Zemmour réhabilite Pétain, Mélenchon peut bien critiquer le CRIF ! Le reste c’est l’éternelle question de la trajectoire du politicien : islamo-gauchiste ou populiste national-socialiste ? La première option est autorisée, tolérée et encouragée par le Système, pas la seconde...
Le chantage à l’antisémitisme dont fut victime le travailliste anglais Jeremy Corbyn est-il pour vous un élément de sa défaite face à Boris Johnson ?
Les épigones du Système ont reproché à Corbyn – comme à Mélenchon – d’être pro-palestinien, donc (selon eux) antisémite et islamo-gauchiste. Zemmour et Finkielkraut expliquent par exemple la défaite de Corbyn par cette supposée soumission aux islamistes.
Mélenchon l’a bien fait remarquer : Corbyn n’a pas perdu parce qu’il était soumis à une puissance étrangère exogène (les Frères musulmans) mais bien parce qu’il s’est englué dans la compromission avec une puissance étrangère implantée au Royaume-Uni qui a tout fait pour l’abattre (les réseaux d’influence du Likoud et les européistes anti-Brexit). Pour le dire plus clairement, Corbyn n’a pas perdu parce qu’il était antisémite, mais parce qu’il a trop louvoyé avec le judaïsme politique ! Les électeurs des classes populaires britanniques préférant logiquement un Johnson clair sur le Brexit plutôt qu’un Corbyn ambigu sur la question sociale car focalisé sur un sujet qui leur apparaît secondaire : l’antisémitisme.
S’ajoute à cela un gauchisme évident dans la rhétorique du parti travailliste : lutte contre le changement climatique, capitalisme vert, intérêt pour les migrants et la théorie du genre…
Après l’affaire des assistants parlementaires et l’épisode de la perquisition rocambolesque de ses bureaux, Mélenchon se lâche-t-il face à l’oligarchie ?
Mélenchon est un calculateur aux petits pieds qui a bien conscience de ce qu’il peut et ne peut pas faire. Effectivement traumatisé par l’affaire de la perquisition, l’Insoumis subit depuis plusieurs années des pressions oligarchiques qui sont en réalité des avertissements et des sommations antipopulistes. On pourra dire de lui qu’il se lâche le jour où il assumera totalement la « tentation doriotiste » dont parle Alain Soral à son sujet.
Mélenchon est un ancien trotskiste et un franc-maçon laïcard, ce profil devrait le protéger de l’acharnement des médias, non ?
Il serait beaucoup plus protégé s’il faisait partie d’une autre communauté ! Celle des Zemmour, Hanouna, Miller par exemple…
Les rapports tendus entre le CRIF et le Grand Orient de France (l’obédience du frère Jean-Luc, maçon de père en fils) nous enseignent que les différents clans de l’oligarchie ne sont pas en osmose totale et qu’il existe en son sein des hiérarchies. À l’été 2019, L’Express de l’Israélien Drahi parlait d’une « instance de divorce » entre ces deux réseaux de pouvoir. Il devenait en effet de plus en plus difficile pour les laïcards progressistes antiracistes du GODF de s’aligner sur l’hystérie likoudienne du CRIF, c’est-à-dire sur une extrême droite religieuse israélienne qui vise à sanctuariser ses intérêts en France au mépris intégral de la République… Puis une réconciliation semblait avoir eu lieu sur le dos de Dieudonné et des musulmans : LFI montant au créneau contre l’humoriste franco-camerounais et réclamant un « droit à l’islamophobie » lors de son université d’été. Jusqu’à la présence de Mélenchon à la « marche contre l’islamophobie » qui re-déclenchera les hostilités.
En vérité, ce n’est pas tant Mélenchon qui a changé son positionnement que le lobby sioniste qui devient de plus en plus pressant !
Le leader de La France insoumise fait-il un calcul politique en tentant de redorer son image de populiste antisioniste ?
Critique du sionisme, il l’a toujours (plus ou moins) été, cela correspond à la sensibilité de sa base électorale et à son idéologie universaliste ; populiste c’est toute la question mais jusqu’à présent c’est « J’y vais, j’y vais pas » : un jour je tends la main aux électeurs du RN, le lendemain je chasse les fachos imaginaires… Les défauts de ses qualités : le maçon Mélenchon peut défier le CRIF mais le maçon Mélenchon ne peut pas représenter le peuple. Preuve en est sa gestion minable de la séquence Gilets jaunes, la purge des souverainistes de son mouvement, son enfermement dans les luttes sociétales…
Là où le calcul est judicieux c’est qu’il est désormais le seul à pouvoir porter l’antisionisme dans la sphère politico-médiatique, Marine Le Pen s’étant quasiment couchée à plat ventre sur la question. Et vue la période, il y a effectivement un coup à jouer face à l’hystérie ultra-sioniste (donc anti-française).
Quels sont les électorats les plus « antisionistes » pour vous ?
Les Français seraient tous antisionistes si on leur expliquait ce que c’est réellement ! Un peu comme Maxime Nicolle avant que Juan Branco lui explique que cela ne servait à rien de s’intéresser au lobby qui n’existe pas...
La vérité c’est que rares sont les Français sionistes : soutenir une théocratie coloniale, raciste et terroriste fondée par des migrants n’est pas vraiment notre penchant naturel. Si une énorme répression ne s’abattait pas sur le moindre malheureux qui ose s’interroger et s’exprimer sur cette question, il ne resterait (en dehors des membres du réseau sioniste) que quelques bourgeois « judéo-chrétiens » pour défendre Israël.
Comment expliquer le vautrage de La France insoumise dans la récupération des Gilets jaunes ?
Les tergiversations/contradictions expliquées plus haut font que l’heure venue, les cadres LFI n’ont pas eu le courage de s’affirmer : quoi ? une révolution ? Merde, on avait pas prévu cela dans le planning !
Un mélange de gauchistes, de vieux socialo et de femmes ne peut pas prétendre gérer une insurrection.
Le CRIF a-t-il encore une influence sur la vie politique en France ?
Le CRIF est la version française (ou plus précisément : en France) d’un réseau international en difficulté depuis l’élection de Trump. De surcroît, il est vrai que ce réseau a également perdu de sa superbe avec l’élection de Macron, qui est relié à un autre pan de l’oligarchie. Toutefois, le CRIF, principal organe du lobby israélien en France, a encore un extravagant pouvoir de coercition sur la société française.
Pour parler sérieusement d’influence, il faut parler des agents d’influence : si Valls et Sarkozy ne sont plus aux manettes, le CRIF conserve plusieurs commissaires politiques (parfois des retournés) défendant la cause de ses intérêts. Citons ici, parmi d’autres, Meyer Habib, Aurore Bergé, Sylvain Maillard, Marc Knobel, Christian Estrosi, Arié Bensemoun, Claude Goasguen, Élise Fajgeles, Frédéric Potier, Laetitia Avia, auxquelles il n’est pas exagéré d’ajouter Gilles-William Goldnadel, Alain Finkielkraut, Bernard-Henri Lévy et Éric Zemmour.
Mais la gestion exponentiellement hystérique du CRIF pour conserver son influence pourrait bien la lui coûter…
On a l’impression que les différents réseaux du Pouvoir se déchirent entre eux. Qui triomphe pour vous actuellement de cette guerre d’influence ?
Deux réseaux en apparence opposés dirigent en effet les opérations : le réseau bancaire et financier qui représente l’ordre néolibéral et euromondialiste d’un côté, le réseau militaire et industriel aux mains des néoconservateurs atlanto-sionistes de l’autre. Depuis 2017, c’est bien le CRIF qui fait pression sur Macron, et pas l’inverse. C’est d’ailleurs le sens de l’affaire Benalla…
Mais un troisième réseau de pouvoir, « positif » car non oligarchique, existe et semble avoir pris le dessus sur les deux précédents : le réseau des nationalistes productivistes dont les fers de lance sont Trump, Poutine, Xi Jinping…
Le national-sionisme est-il en train de réussir son hold-up sur le camp national ?
Plus précisément, la vocation du national-sionisme est d’empêcher la révolution nationale-sociale ! Si Zemmour a été envoyé au front médiatico-politique, c’est principalement pour réduire le nationalisme au racialisme et ramener les exclus du libéralisme vers le judéo-christianisme. Une ligne perdante en France qui n’amènera qu’au pourrissement de la situation.
De l’autre côté de l’échiquier politique, Branco réduit le socialisme au réformisme démocratique et ne voit dans les nationalistes que des conservateurs racistes. La conclusion, c’est : ni Zemmour ni Branco !
Dans une période incertaine, Mélenchon pourrait-t-il devenir le champion « rouge-brun » d’un nouveau type de populisme ?
S’il abandonne son antiracisme, son immigrationnisme, son progressisme et sa rage laïcarde et maçonnique ; on peut rêver !
La maison d’édition Kontre Kulture vient de ressortir les Protocoles des Sages de Sion. Ce document historique pourrait être un outil d’analyse pour notre séquence historique ?
Nous ne publions ce livre qu’à titre informatif et historique ! Pour le reste, je ne parlerais qu’en présence de notre avocat.