Le projet de loi de bioéthique n’est pas encore voté et déjà des cliniques et des agences qui agissent dans le domaine de la procréation artificielle organisent à Paris un salon au titre évocateur « Désir d’enfant ». Ludovine de la Rochère, Présidente de la Manif pour tous, se mobilise pour dénoncer la marchandisation de l’enfant.
Gènéthique : Vous prenez position au sujet d’un salon sur le « désir d’enfant » qui doit se tenir les 5 et 6 septembre prochain porte de Champerret à Paris. Pourquoi ?
Ludovine de la Rochère : Ce salon met en œuvre ce qui est en train d’advenir, à savoir le bébé sur commande, favorisé en France par les perspectives d’ouverture de la PMA en dehors de tout critère d’infertilité constaté. Les organisateurs du salon mettent en œuvre, bien qu’ils s’en défendent, une démarche à finalité commerciale. Sous prétexte d’informer, ils préparent le terrain à la signature de contrats qui, aujourd’hui, sont autorisés dans d’autres pays. L’organisation d’un salon en dit long sur la façon dont l’enfant est perçu par toutes les agences et les cliniques de fertilité. C’est très révélateur de ce qui est en cours. L’enfant devient l’objet d’un business. Si on ne se bat pas, on va droit vers la marchandisation de l’humain. C’est indigne de notre humanité et il nous faut réagir et nous opposer à ce qui est en train d’arriver.
Comment peut-on justifier un tel salon ?
L’infertilité est un problème qui touche de plus en plus de couples. Mais le désir d’enfant ne justifie pas tout ! Un salon « désir d’enfant » est un phénomène sans précédent en France, alors qu’il existe depuis plusieurs années à Bruxelles où nous avons déjà organisé des actions sur place avec des associations belges. Or, sous des dehors très cocooning, très design qui semblent distiller le bonheur, les premières victimes seront les enfants, mais aussi leurs parents.
À votre avis, à l’heure de la loi de bioéthique, que représente l’autorisation d’un tel salon ?
Ce qui est clairement en jeu, c’est l’enfant sur commande, l’enfant quand je veux, comme je veux, l’enfant parfait. Dès lors qu’on n’appréhende plus l’être humain qu’à travers le prisme du projet parental, que l’enfant n’existe que par la volonté des adultes, toutes les dérives sont possibles. Et ceux qui s’opposent à ce projet sont immédiatement traités d’obscurantistes mais il va tout de même être difficile de faire croire à un événement altruiste : le salon « désir d’enfant » réduit clairement l’enfant au statut d’objet.
Quelles actions envisagez-vous ?
Nous allons nous adresser aux pouvoirs publics, au Garde des sceaux pour dénoncer publiquement ce salon. Si le gouvernement est vraiment contre la GPA comme il l’affirme, il faut qu’il passe de la parole aux actes. Nous allons aussi saisir le ministre de la Santé, Olivier Véran puisque il y a détournement de l’utilisation de la médecine. En parallèle, nous allons mener des actions judiciaires pour que ce salon n’ait pas lieu et des actions publiques, porte de Champerret, pendant le salon, sont déjà prévues. Il est effrayant de voir que les hommes d’affaires qui travaillent dans le domaine de la procréation ne semblent même plus réaliser qu’organiser un salon, et plus seulement un colloque, est un problème et le grand public n’est pas d’accord avec ces pratiques.
Pensez-vous que vos actions puissent conduire à l’annulation du salon ?
Elles alerteront largement en tout cas. Des réunions sur la PMA et la GPA ont déjà été programmées, nous avons appelé les hôtels et elles ont été annulées. Sur le plan judiciaire, le résultat peut-être assez aléatoire avec la justice française. Les organisateurs ont d’ailleurs visiblement demandé conseil à des juristes qui ont soigné tous les termes de la présentation du salon ! S’ils ne se rendent plus compte du scandale que constitue un tel salon, ils se savent donc, néanmoins, hors-la-loi s’ils ne font pas mine de ne pas avoir de visée commerciale. Mais les partenaires de l’événement, la clinique espagnole IVI par exemple, démarche sa clientèle en France et pratique tout ce que la loi française interdit : PMA port-mortem, ROPA, screening génétique pour choisir le sexe de l’enfant… Et ces cliniques ont des partenaires dans d’autres pays pour ceux qui veulent aller jusqu’à la GPA. Ces cliniques sont bien dans une démarche commerciale. En Espagne par exemple, c’est un business important. Et s’ils fonctionnent, c’est que les « donneurs » de gamètes reçoivent un défraiement, ce qui donne à ces sociétés tous les « produits » dont elles ont besoin pour leur activité. Je note d’ailleurs que les pseudo cautions scientifiques présentées par les organisateurs sont ces cliniques lucratives elles-mêmes !
Sur les plans médiatique et politique, ce salon pourrait susciter une polémique qui gênera ses organisateurs… Il est fort possible, d’ailleurs, que ce salon ait été programmé avec l’idée que le projet de loi bioéthique serait déjà passé, mais les reports successifs ont changé la donne. C’est sans doute la raison pour laquelle le site internet officiel prétend qu’il n’est pas prévu de transactions commerciales. La réalité, évidemment, c’est qu’il s’agit de démarchage commercial en vue de transactions : qu’elles soient signées après le salon ne change rien à sa finalité réelle.
Plus généralement, dans le cadre de la loi de bioéthique, le gouvernement s’entête à vouloir autoriser la PMA pour toutes les femmes, une mesure que vous dénoncer depuis les premières velléités du « mariage pour tous ». Quel est votre constat aujourd’hui ?
Malgré ce que prétend le ministre de la santé, les Français ne sont pas favorables à l’ouverture de l’accès de la PMA aux femmes seules et aux couples de femmes. Quand on demande si un enfant né par PMA a le droit d’avoir un père et une mère, la réponse est favorable à 85 % ! Par ailleurs, quand nous exposons nos arguments sur les besoins de l’enfant, sur ce que sont la paternité ou la maternité, sur l’importance pour l’enfant de la filiation, ce qui est frappant, c’est que le gouvernement n’a pas de réponse à nous donner. Chaque fois, nos interlocuteurs du gouvernement ou du Parlement changent de sujet pour ne pas avoir à nous répondre ou ils répondent à côté de la question. Ils rabâchent des éléments de langage comme des mantras : le gouvernement n’est pas en mesure de défendre ce projet de loi. Il est, de fait, indéfendable !
Pensez-vous qu’il soit encore possible que ce projet de loi soit retiré ?
Oui ! Il le faut parce que cette loi est honteuse, en elle-même bien sûr, et parce qu’elle conduira ensuite à la PMA post-mortem, la PMA pour les personnes trans, la ROPA, la GPA… ce texte conduit à pas de géants vers le triomphe du gender, de la confusion des sexes et du transhumanisme. Et si le DPI-A n’est pas passé cette fois-ci, il viendrait ensuite : l’eugénisme s’inscrit dans la même logique. Ce qui me frappe, c’est que ce projet de loi de bioéthique est d’une ampleur transgressive jamais égalée, toutes les lignes rouges sont franchies. C’est sans précédent.
Que proposez-vous ?
Les politiques soumis à la pression sont en mesure d’entendre, notre première vertu est celle de la persévérance. « Le mal triomphe par l’inaction des gens de bien », disait Edmund Burke. Je ne sais pas si nous sommes des gens de bien, mais cette loi est un mal et personne ne peut renoncer à se battre, ce serait irresponsable. Aussi, puisqu’une mobilisation nationale n’est pas possible dans le contexte sanitaire actuel, nous lançons, avec les associations partenaires de « Marchons enfants », un appel à manifester le samedi 10 octobre prochain à Paris et en région. Les villes concernées seront révélées très prochainement.
Et en attendant le 10 octobre ?
En attendant le 10 octobre, il est possible de rejoindre les 60 000 signataires de la pétition « PMA sans père : papa t’es où ? ». C’est maintenant qu’il faut faire entendre notre voix, montrer notre détermination et nous mobiliser, plus que jamais !