Le 2 novembre 2011, Le Figaro organise un débat autour du futur de Daech, l’armée de l’État islamique. L’animateur donne très vite le « la » avec son introduction :
« L’après-Daech, comment l’organisation va se transformer. Encore mercredi une attaque faisant 8 morts à Manhattan a été perpétrée par un homme qui se revendiquait de Daech, c’est en tout cas ce qu’indiquent des documents qui ont été retrouvés dans son véhicule. Pour Daech cela montrerait encore aujourd’hui une capacité de frapper partout alors que son territoire en Syrie et en Irak est sur le point d’être entièrement repris, c’est un paradoxe qui sera au cœur de cette émission... »
Les deux invités sont Clément Fayol, coauteur du livre Un cartel nommé Daech et Georges Malbrunot, le grand reporter du journal, spécialiste du Proche-Orient.
« Il faut considérer que l’après-Daech a commencé »
Ce sont les mots de notre ministre des Affaires étrangères Jean-Yves Le Drian, qui considère que la guerre est gagnée, mais que la paix ne l’est pas encore... Le danger Daech, vaincu sur les terrains irakien et syrien, s’éparpillerait ainsi un peu partout dans le monde, avec une prédilection pour l’Asie et l’Afrique, comme le montrent les derniers faits d’armes de l’organisation terroriste mondialisée aux Philippines et en Somalie. On rappelle qu’au pays de Duterte, une faction islamiste se réclamant de Daech a attaqué la ville de Malawi, pour finir par être défaite... avec l’aide des États-Unis.
Quant à la Somalie, zébrée de conflits politiques et ethniques, elle a subi un véritable carnage le 15 octobre 2017 avec un attentat qui a fait autour de 300 morts. Et comme une cerise sur ce gâteau macabre, les Américains viennent de frapper Daech en Somalie...
- Rien ne vaut une bonne carte
Les curieux pourraient déceler dans ces deux séries d’événements « attaque islamiste–intervention américaine » quelque chose comme une ingénierie sociale extrêmement cynique. Il est vrai que l’empire est en train de faire monter les tensions aux portes de la Chine et dans le croissant sahélien. C’est d’ailleurs là qu’on annonce la reconversion du gros des troupes survivantes de Daech...
On en arrive au « paradoxe » du Figaro, et des deux invités, qui vont s’évertuer à expliquer pourquoi Daech est aussi affaibli et à la fois aussi fort. Question qui résume toute l’impasse dans laquelle la presse mainstream s’est fourrée en diffusant massivement depuis le début du conflit proche-oriental (2011) la version israélo-américaine sans beaucoup de recul. Ce sont pourtant les Russes qui ont pilonné les dizaines de milliers terroristes venus au Levant ravager la Syrie (l’Irak ayant déjà été ravagé par les Américains), une victoire que même les communiqués menteurs du Pentagone ne peuvent leur ôter. Il faut alors rapatrier les résidus de cette armée mercenaire qui va dans le sens des intérêts occidentaux.
Parmi les traditionnelles questions des internautes, la première évoque les lieux possibles de reformation de Daech. C’est Malbrunot qui y répond (à 21’10) :
« Dans le sud libyen, dans le Sinaï, en Asie probablement aussi, donc ce sont les terres où Daech va essayer de se reconstituer »
Mais le meilleur arrive à 21’21 avec la question gênante de « Rafik » et le malaise en plateau qui s’ensuit :
« Pourquoi la Jordanie et Israël ne sont pas touchés par Daech ? »
Voici la réponse, savoureuse, du coauteur du livre Un Cartel nommé Daech :
« Moi je pense qu’il y a plusieurs raisons, moi je vais pas rentrer dans les raisons géopolitiques... »
Pour l’auteur d’un livre de géopolitique, ça ne manque pas de sel ! Alors, si l’on ne fait pas de géopolitique, on fait quoi ?