Le Dow Jones bat depuis quelques jours record sur record. Il est aujourd’hui au-dessus du niveau atteint fin 2007, malgré la mise en place des coupes budgétaires automatiques et une conjoncture peu brillante. Mais qu’est-ce qui peut expliquer cette apparente exubérance des marchés financiers ?
Pourquoi les bourses montent
Même si les marchés sont « exubérants et irrationnels », la hausse du Dow Jones n’est pas totalement dénuée de fondements. En effet, trois facteurs puissants peuvent expliquer que l’indice boursier le plus connu du monde ait atteint récemment un nouveau record. Tout d’abord, aux États-Unis, les profits des entreprises n’ont jamais été aussi élevés, comme le montre ce graphique de The Economist. Et des profits élevés justifient une valorisation plus importante des entreprises.
- "Quelle stagnation ?" - Les profits des entreprises américaines en % du PIB
Ce graphique montre que la crise a été moins violente pour les entreprises que pour les ménages et qu’en outre, elles ont très rapidement rebondi, au contraire, également, des citoyens lambda. Après avoir dépassé le cap des 1 2% du PIB en 2007, les profits des entreprises étasuniennes atteignent la somme faramineuse de près de 15 % du PIB, 20 % plus haut qu’avant la crise ! Bref, même si le niveau de valorisation est élevé historiquement, il n’est pas totalement dénué de sens.
Deux autres facteurs liés jouent également en faveur de la Bourse : le flot de liquidités émis par les banques centrales pour tenter de sortir de la crise et le niveau très faible des taux d’intérêt. En effet, comme dans les années 2000, la création de monnaie ne produit pas d’inflation des produits de consommation, mais soutient le prix des actifs en augmentant la demande. Et les très faibles taux d’intérêt rendent les placements boursiers plus attractifs puisque les dividendes seuls dépassent souvent le rendement des bons du Trésor des pays bien notés, cas assez rare dans l’histoire.
Un système complètement malade
Cependant, ces facteurs ne sont pas sans poser de gros problèmes. De manière assez évidente, on peut penser que le flot de liquidités amène à se poser la question d’un phénomène de bulle. Après tout, la très forte croissance de la masse monétaire à partir de la fin des années 1990 a produit des bulles immobilières et financières spectaculaires qui ont abouti au krach financier des marchés immobiliers anglo-saxons et de l’ensemble des bourses et des marchés financiers en 2008.
Néanmoins, il n’y a pas de croissance délirante de la masse monétaire actuellement, ce qui amène à modérer ce jugement, puisque les ménages ont tendance à réduire leur endettement et que les déficits publics sont partout en baisse. Néanmoins, en l’absence de réforme sérieuse du secteur financier, les mêmes causes risquent de produire les mêmes effets et la mollesse de l’activité risque de pousser à un excès de liquidités et donc à un gros risque de bulle…
Ensuite, le rebond incroyable des profits des entreprises n’est pas forcément une bonne nouvelle, comme même The Economist s’en inquiète. En effet, cette hausse des bénéfices se fait au détriment des salaires et des embauches, ce qui freine la demande, qui constitue plus de 60 % du PIB. Bref, le capitalisme financiarisé oublie les leçons du capitalisme fordiste qui avait bien compris que le pouvoir d’achat de ses salariés devait progresser pour assurer une progression de la demande.
S’il y a des raisons objectives qui peuvent justifier les records atteints par le Dow Jones (outre la création de monnaie massive de la Fed), il est difficile de ne pas y voir un nouveau dysfonctionnement majeur de ce capitalisme financiarisé, qui scie la branche sur laquelle il est assis.