Plus jeunes, plus mobilisés, plus nombreux, les sympathisants frontistes, persuadés qu’ils n’ont rien à attendre des medias traditionnels, agitent les réseaux sociaux mieux que tous les autres. Une gigantesque force de frappe sur laquelle compte Marine Le Pen pour la présidentielle.
« Bienvenue dans mon bureau ! »
Il est midi, ce 26 février. Marine Le Pen accueille ses fans Facebook qui la découvrent tout sourire sur leur écran, prête à répondre à leurs questions. Cet exercice – en direct – est une première pour un personnage politique. La session balbutie, la patronne du FN bafouille, ce n’est pas son genre, mais l’effet de proximité n’en est que meilleur. Cadrée serrée devant sa bibliothèque, sous une photo de chaton, elle paraît bien moins guindée qu’à la télé, moins sur la défensive aussi.
Martine Aubry ? « J’oublie pas que c’est la dame de l’aide médicale d’État. »
Xavier Bertrand, son rival aux régionales ? « Le créateur de cette horreur économique qu’est le RSI [régime social des indépendants, NDLR]. »
La jungle de Calais ? Il « faut la fermer et renvoyer l’ensemble de ces clandestins dans leur pays d’origine ».
La loi El Khomri ? Son ouverture aux « revendications communautaristes […] va permettre aux fondamentalistes de tout poil d’effectuer une pression extrêmement dure sur les chefs d’entreprise » !
Mais voilà que l’internaute Vladimir-de-Paris la fait basculer dans un autre registre. A-t-elle « des moments de découragement » s’inquiète-t-il ? Ah, Vladimir… Non, Marine Le Pen n’est pas une « sur-femme », bien sûr qu’elle est « blessée » car avec le FN, « tout est permis […] on voit bien qu’il y a une traque ». Complice, rictus carnassier, elle saisit Survivre : comment vaincre en milieu hostile, et plaisante : « Je suis en train d’écrire un chapitre : comment survivre dans l’opposition, dans la vie politique française. »
Quelques jours plus tard, décor et attitude plus formels, drapeau tricolore sur le bureau, elle remercie ses 959.000 fans qui viennent de la hisser première politique sur Facebook, juste devant Sarkozy. Elle voit beaucoup plus grand :
« Il faut que nous fassions de ce réseau social une gigantesque force de frappe dans le cadre de l’élection présidentielle à venir, je sais pouvoir compter sur vous. »
Aux claviers, frontistes !
Un accès direct aux citoyens
Cet « entre vous et moi » numérique est promis à un grand avenir. David Rachline, le sénateur maire de Fréjus, l’a lui aussi testé. « Marine le fera très régulièrement, ainsi que nos députés européens et nos élus locaux », glisse-t-il.
« Nos adversaires et les médias nous caricaturent, nous cherchons à faire tomber les filtres, à nous montrer tels que nous sommes, pas tels qu’on veut nous décrire. »
Il n’est pas étonnant que Marine Le Pen ait expérimenté la première ce type d’innovation. Historiquement boycotté par les grands médias, le FN s’est toujours rué sur ce qui lui donnait un accès direct aux citoyens. Les anciens se souviennent de « Radio Le Pen » qui, délivrait, par téléphone, des infos quotidiennes. Puis du Minitel 3615 FN et 3615 Le Pen, ou des cassettes audio et vidéo distribuées à des centaines de milliers d’exemplaires dans les boîtes aux lettres. Jusqu’au site Internet du FN, le premier parti politique à s’en doter.
Sa marginalisation lui a donné un avantage compétitif, un net temps d’avance dans la stratégie d’occupation numérique. Les réseaux sociaux le font passer dans une autre dimension, lui permettent de mobiliser les militants, de démultiplier ses messages, de banaliser ses idées. Ils constituent même la pièce maîtresse de la campagne pour 2017.
« On avait doublé Les Verts de trois semaines, victoire absolue et dérisoire mais symbolique, dit Martial Bild, ancien du FN alors à la manœuvre. Il y a dans ce parti une tradition de modernité. »
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