L’UMP s’est emparé mercredi d’une circulaire sur les enfants nés de mères porteuses à l’étranger pour accuser le gouvernement d’imposer, derrière le projet sur le mariage homo, des "choix lourds" pour la société, et notamment la "marchandisation des corps".
Au deuxième jour du débat sur le projet de loi autorisant le mariage homosexuel, ce texte de la garde des Sceaux Christiane Taubira - dont elle avait annoncé l’"imminence" il y a 15 jours - a mis le feu aux poudres.
De quoi s’agit-il ? Le ministère demande aux tribunaux de ne plus refuser la délivrance de certificats de nationalité française au seul motif qu’ils concernent des enfants nés de mère porteuse à l’étranger.
Cette circulaire vise à unifier des pratiques car, au gré des tribunaux d’instance, la délivrance d’un certificat de nationalité française (CNF) peut être acceptée ou refusée si le fonctionnaire soupçonne une gestation pour autrui (GPA, mères porteuses).
La droite, qui n’a cessé de justifier son refus de l’ouverture du mariage et de l’adoption aux couples homosexuels en affirmant qu’elle entraînerait inéluctablement la procréation médicalement assistée (PMA) puis la gestation pour autrui, a sauté immédiatement sur l’occasion.
"Les masques sont tombés !", a ainsi lancé le président de l’UMP, Jean-François Copé, à la séance des questions au gouvernement lui demandant de "retirer immédiatement cette circulaire". Dans une atmosphère électrique, des députés de l’opposition ont crié "démission, démission" à l’adresse de Mme Taubira.
"Cette circulaire arrive pour nous à point nommé !", clamait dans les couloirs l’UMP Daniel Fasquelle, tandis que le porte-parole des députés PS Thierry Mandon jugeait que ce "psychodrame sans fondement" aurait pu être évité si la circulaire était "tombée dans 15 jours".
L’un des principaux orateurs UMP sur le mariage homo, Hervé Mariton, a "exigé le renvoi du débat".
En séance, l’ex-Premier ministre François Fillon, intervenu quelques minutes après Jean-François Copé, a affirmé que "PMA (procréation médicalement assistée) et GPA (gestation pour autrui, mères porteuses) sont des lignes rouges vers lesquelles le gouvernement s’avance en catimini".
Quant à Laurent Wauquiez, présentant une motion pour exiger un référendum sur le projet de loi sur le mariage homosexuel, il a reproché au gouvernement de dissimuler des "choix lourds". "La loi que vous nous présentez n’est pas un point d’arrivée mais un point de départ et les bébés éprouvettes et les ventres des mères porteuses en sont les destinations !".
"Vous ouvrez la voie à la marchandisation du corps féminin. C’est un chemin inacceptable car il est sans retour", a-t-il ajouté, assurant que "la seule façon de sortir par le haut (était) de donner la parole aux Français par un référendum".
Galvanisés par l’épisode de la circulaire Taubira, les députés UDI, qui n’étaient pas signataires de la motion référendaire, s’y sont joints. Cela n’a pas suffi, la motion référendaire ayant été repoussée par 298 voix contre 184 peu avant 18h00, dans un hémicycle plein à craquer.
Dès potron minet, le président des députés UMP, Christian Jacob avait écrit à François Hollande pour demander "le retrait" de la circulaire et ses collègues Daniel Fasquelle et Guillaume Larrivé annoncé la saisine du Conseil d’Etat.
L’UMP ne "fait que faire des amalgames et il y a là une circulaire qui rappelle simplement le droit", a répliqué Bruno Le Roux, président des députés PS, voyant dans la réaction de l’UMP la preuve de "la pauvreté" de ses "arguments".
"Il ne s’agit pas du tout de légaliser la gestation pour autrui dans notre pays qui reste interdite dans notre code civil, sanctionnée et punie dans notre code pénal", a rétorqué Erwann Binet (PS), rapporteur du projet de loi.
"La GPA dans notre droit est interdite, ça ne fait pas débat", a martelé à plusieurs reprises dans la journée Christiane Taubira.
Défendant à la tribune un texte "historique", ouvrant "un nouveau territoire de libertés" et "renforçant le droit des enfants", Franck Riester, l’un des deux seuls députés UMP à avoir annoncé qu’il voterait pour le projet de loi, a considéré que "les choses doivent être claires, la GPA doit être interdite".