La Grèce, où s’amplifient les retraits bancaires des épargnants inquiets, a encore l’espoir de sortir d’une impasse de cinq mois avec ses créanciers lors d’un sommet européen d’urgence lundi, à une semaine d’un possible défaut de paiement, scénario de plus en plus plausible.
Les avertissements sans complaisance des responsables de l’UE, du FMI et de la BCE jeudi soir, après une nouvelle réunion infructueuse, n’ont pas ébranlé le gouvernement grec qui reporte ses attentes sur le sommet exceptionnel des dirigeants de la zone euro convoqué lundi.
« Nous souhaitions que les négociations finales se déroulent au plus haut niveau politique de l’Europe et nous travaillons maintenant au succès de ce sommet », a estimé le cabinet du Premier ministre Alexis Tsipras dans un communiqué.
« Il faut tenir ses nerfs car la partie de lundi est très importante pour la Grèce et pour la zone euro », a reconnu le commissaire européen aux Affaires économiques, Pierre Moscovici.
« Tous ceux qui tablent sur une crise et sur le scénario de la peur seront démentis », prédit la communication gouvernementale grecque, manifestement destinée à rassurer et à éviter que l’accélération des retraits bancaires constatée ces derniers jours ne tourne à la panique.
Le site d’information économique Euro2day, s’appuyant sur des sources bancaires, évaluait à un milliard d’euros les sorties de capitaux pour la seule journée de jeudi et plus de deux milliards aux cours des trois journées précédentes.
A titre de comparaison, 4,7 milliards ont été retirés des banques en avril, dernier mois pour lequel les chiffres officiels sont disponibles. Mais la fuite journalière des capitaux était bien plus importante en juin 2012, dans un contexte de forte incertitude liée à la tenue d’élections législatives, a voulu tempérer Dimitris Papadimoulis, eurodéputé Syriza, le parti de M. Tsipras, sur la radio Skai.
L’inquiétude est cependant réelle : la Banque centrale européenne (BCE) s’apprêtait à la mi-journée à tenir une réunion téléphonique d’urgence pour augmenter encore le programme de soutien financier des banques grecques, en plus des relèvements hebdomadaires réguliers depuis février.
Cela devrait permettre au système bancaire grec « de tenir encore quelques jours », au moins jusqu’au sommet de lundi, selon une source européenne.
Un sommet à préparer
Ce rendez-vous sera l’une des dernières occasions de sortir de l’impasse avant le 30 juin, date à laquelle la Grèce risque de rater un remboursement de quelque 1,5 milliard d’euros au FMI, et de se retrouver en défaut de paiement, car les caisses du pays sont vides.
Le gouvernement grec risque fort de devoir choisir entre payer le Fonds ou verser salaires et retraites des fonctionnaires.
Le patron de l’Eurogroupe Jeroen Dijsselbloem a en effet déclaré jeudi qu’il était trop tard, même en cas d’accord, pour que les 7,2 milliards de prêts sur lesquels portent les négociations soient versés avant le 30.
Si la Grèce ne peut pas rembourser le FMI, elle sera en défaut de paiement, a indiqué la patronne de l’institution, Christine Lagarde, un scénario évoqué de plus en plus ouvertement, tout comme celui d’une sortie de la Grèce de la zone d’euro.
Un « Grexit » signerait « le début de la fin de la zone euro », a jugé Alexis Tsipras, dans une interview au quotidien autrichien Kurier, un risque de déflagration sur lequel il compte sans doute pour mettre ses interlocuteurs sous pression.
Mais « la balle est clairement dans le camp grec », entendait-on de nouveau vendredi du côté des créanciers.
Et le sommet de lundi ne sera utile que si le week-end est mis à profit pour rapprocher les positions, ont prévenu plusieurs ministres des Finances de l’UE, c’est à dire si les Grecs présentent encore « des contre-propositions », a signifié M. Moscovici.
Le ministre des Finances Yanis Varousfakis avait estimé à la sortie de l’Eurogroupe de jeudi que les deux parties n’étaient plus séparées que par une différence budgétaire de 0,5% du PIB grec, soit quelques centaines de millions d’euros de différence sur les économies à réaliser.
Alexis Tsipras devrait être de retour à Athènes samedi, après un déplacement en Russie qui n’est pas passé inaperçu à l’apogée des tensions entre l’UE et le gouvernement de gauche radicale.
La Grèce et la Russie ont à cette occasion signé un accord pour la construction d’un gazoduc russe en Grèce avec financement russe, risquant d’ajouter, par ce rapprochement politique, à l’irritation des Européens et de Washington.