Dominique Baettig possède la particularité d’être à la fois politicien et psychiatre. Nous lui avons demandé ce qu’il pense du phénomène croissant de la prostitution à Genève et en particulier celui de la prostitution estudiantine.
Le phénomène des étudiantes qui se prostituent semble prendre une ampleur particulière à Genève, parmi elles de nombreuses Françaises. Quel est votre avis en tant que politicien sur ce phénomène ?
Le succès économique et le bien-être du modèle suisse attire ceux qui veulent bénéficier de ce « fromage » riche, surtout urbain, et de son économie parallèle : dealers, requérants d’asile économique, petits délinquants opportunistes, frontaliers français à la recherche d’emplois très bien payés au comparatif national et qui acceptent de se déplacer de longues heures pour continuer à habiter et vivre à leur standard national moins élevé et favoriser une détestable opportunité de sous-enchère salariale et culturelle.
Et des prostitué(e)s de toutes origines qui viennent profiter de la misère sexuelle locale (conséquence des ravages du féminisme militant ?) ou simple réponse de l’offre à la demande. La prostitution étudiante a toujours existé puisque le fait d’étudier en situation de précarité économique est pénible et qu’il sera toujours plus rentable de vendre son corps que de travailler en usine, en restauration rapide ou faire des ménages.
Il s’agit surtout pour ces femmes vulnérabilisées de prendre des risques pour leur santé, leur sécurité physique, leur image de soi, de tomber dans des réseaux de sujétion violente organisés, d’être contaminées et de transmettre des maladies sexuelles de plus en plus difficiles à soigner (résistance), d’abuser de substances et de devenir dépendantes. Les politiciens n’ont pas grand-chose à proposer si ce n’est de rappeler les valeurs éthiques et spirituelles de respect de soi et d’autrui : ne pas abuser de la détresse et de la vulnérabilité de son prochain.
Quel est votre avis en tant que psychiatre sur les séquelles psychologiques que pourraient subir ces jeunes femmes en s’adonnant à une telle activité ?
La capacité de se dissocier (déconnection psychique, dédoublement de la personnalité) pour se protéger émotionnellement de relations déshumanisées, instrumentalisées, intéressées, opportunistes, est liée, c’est l’expérience des psychiatres, à la présence, la préexistence de troubles de la personnalité qui peuvent avoir été déclenchés par des abus sexuels, physiques ou émotionnels préexistants à la relation de prostitution. La poursuite d’une exposition à des traumatismes ne va pas améliorer ces troubles, cela va de soi. La capacité de rétablir par la suite, à l’arrêt de l’activité de vente de son corps est particulièrement difficile, une relation normale, authentique et émotionnellement équilibrée est très faible. On ne sort pas indemne d’une telle activité qui nécessite un processus de sevrage, un réajustement économique à la baisse et la capacité de résister aux sollicitations des anciens clients, protecteurs, dealers ou petits maîtres-chanteurs. Une telle vie n’est pas une parenthèse anodine. Attention danger.