C’est une étude qui fait tâche en cette rentrée 2016. Menée par deux chercheurs de l’École d’économie de Paris, elle montre que la mixité sociale est mise à mal dans les collèges parisiens, avec des établissements ghettos et une fuite importante vers le secteur privé.
L’étude a pris une tournure politique il y a quelques semaines, avec la tribune dans le journal Le Monde de l’économiste Thomas Piketty qui a dénoncé une « ségrégation sociale qui atteint des sommets inacceptables dans les collèges parisiens ».
Et si l’on s’en tient aux chiffres, c’est effectivement flagrant. On compte à Paris 16% d’élèves dit « défavorisés » (enfants d’ouvriers, inactifs ou chômeurs), mais le pourcentage peut varier de moins de 1% dans les établissements les plus huppés, à plus de 55% dans certains collèges dits « ghettos », principalement dans l’Est parisien.
L’exemple du 18e arrondissement
« Si certains arrondissements comme le 16e ou le 8e sont assez homogènes dans leur côté favorisé » explique Julien Grenet, co-auteur de l’étude, « les disparités sont très importantes dans d’autres arrondissements comme le 13e ou le 18e ». Certains établissements, au pied de la Butte Montmartre par exemple, comptent entre 9 et 16% d’enfants défavorisés.
À quelques centaines de mètres de là, côté Goutte d’Or ou Château Rouge, des établissements comptent jusqu’à 58% d’élèves enfants de chômeurs, inactifs ou ouvriers. « Dans ce cas là, on est vraiment dans le collège ghetto, et on peut comprendre les parents qui décident quand ils en ont les moyens de mettre leur enfants dans le privé, parfois à contrecœur », rapporte Julien Grenet. Aujourd’hui, un collégien sur trois étudie dans le privé à Paris.
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Dans l’article du Monde en date du 5 septembre 2016, l’économiste à la mode et directeur d’étude à l’EHESS Thomas Piketty dénonçait la ségrégation sociale dans les collèges. Rien de nouveau sous le soleil, sauf que la critique venait de la gauche. Morceaux choisis.
Paris comptait, en 2015, plus de 85 000 élèves inscrits dans 175 collèges publics et privés (soit un peu moins de 500 élèves par collège). La part du privé est devenue, au fil des ans, exceptionnellement forte : 60 collèges privés sous contrat (34 % des élèves) pour 115 collèges publics (66 % des élèves).
Sur ces 85 000 élèves, le pourcentage d’enfants socialement défavorisés (ici définis comme ceux dont les parents sont ouvriers, chômeurs ou inactifs) est de 16 %. Si les collèges pratiquaient la mixité sociale intégrale, on devrait donc trouver très exactement 16 % d’élèves défavorisés dans chacun des 175 collèges.
Or, on observe un niveau absolument extrême de ségrégation sociale.
Piketty attribue ce déséquilibre d’affectation sociale au « privé » :
Le privé pratique une exclusion quasi complète des classes sociales défavorisées, et contribue ainsi fortement à la ségrégation scolaire d’ensemble. Cela s’explique en partie par le fait que ces collèges sont payants (ce qui en interdit l’accès aux plus pauvres), et plus encore par le fait que les collèges privés peuvent choisir eux-mêmes les élèves qu’ils acceptent et ceux qu’ils refusent.
Et il propose comme solution la coercition, c’st-à-dire obliger les établissements privés à prendre des pauvres, pour parler crûment :
On entend déjà les cris horrifiés des parents et des enseignants du privé face à cette privation de la sacro-sainte liberté de recrutement. Sauf qu’à partir du moment où ils bénéficient d’un financement public massif, il est normal que ces établissements soient soumis à des règles communes, pour les programmes bien sûr (c’est le cas depuis longtemps), mais aussi pour les règles d’affectation des élèves, comme cela se passe déjà dans de nombreux pays européens.