"Si l’Iran pouvait continuer à enrichir de l’uranium, les pays arabes devraient alors, eux aussi, avoir ce droit" a déclaré le prince saoudien Turki al-Fayçal dimanche soir à Munich, écrit mardi le quotidien Novye Izvestia.
Les experts du Moyen-Orient devraient prendre aux sérieux les propos du prince, qui a coordonné la politique étrangère du pays au poste d’ambassadeur au Royaume-Uni et aux Etats-Unis. Il dirige actuellement les services de renseignement saoudiens, ce qui fait de lui le responsable de la sécurité du régime au pouvoir. S’il a pu faire une telle déclaration, c’est donc qu’il parle au nom du roi.
C’est la première fois que l’Arabie saoudite annonce publiquement ses ambitions nucléaires.
Ces dernières années Riyad avait bien mentionné à plusieurs reprises le renforcement de ses troupes de missiles stratégiques et certaines rumeurs disaient que les Saoudiens avaient acheté au moins deux types de missiles qui pourraient être éventuellement dotés d’ogives nucléaires.
Le magazine Newsweek avait même récemment confirmé ces rumeurs en se référant à une source du renseignement. Selon la revue, l’Arabie saoudite a acheté des missiles DF-21 (Dong Feng) en 2007 à la Chine - de toute évidence avec l’accord de l’administration de George W. Bush.
Les troupes de missiles stratégiques avaient été créées dans le royaume dès les années 1980, quand le chef de l’armée de l’air Khaled ben Sultan s’était rendu en Chine pour acheter des missiles DF-3 à moyenne portée. Ces missiles pourraient théoriquement embarquer des ogives nucléaires. Riyad disait à l’époque que ce voyage était une "découverte" et avait longtemps caché cette acquisition de missiles.
Le même prince Sultan avait également établi des contacts avec le Pakistan (le seul pays du monde musulman à posséder l’arme nucléaire) mais seulement en 1999, quand il a été nommé ministre de la Défense. La presse occidentale a écrit à plusieurs reprises que Riyad avait déjà passé un accord de principe avec le Pakistan pour l’achat d’ogives nucléaires, et mentionne fréquemment le prince Turki comme étant le responsable de cette opération.
Mais la déclaration du prince pourrait également être un coup tactique pour pousser les Etats-Unis et leurs alliés à ne pas assouplir leurs positions à l’égard de l’ennemi juré de l’Arabie saoudite sur la scène internationale : l’Iran.
Après tout, la levée totale des sanctions économiques internationales contre ce pays est à l’ordre du jour. Il s’est vu promettre un assouplissement des sanctions en novembre 2013, après avoir suspendu pour six mois les points les plus litigieux de son programme nucléaire. Cet assouplissement a commencé après la signature, à Genève en novembre dernier, d’un accord intermédiaire avec les Six.
Les négociations sur la signature d’un accord définitif devraient commencer à Vienne en février. Le prince Turki chercherait-il à les faire échouer ?
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