Ils arrivèrent en héros, en libérateurs. Des soldats alliés de l’Ouest qui envahirent l’Allemagne nazie en 1945 et précipitèrent la fin du troisième Reich, on garde aujourd’hui dans la mémoire collective allemande les mêmes images qu’en France à la même époque : celle des jeunes GIs tout sourire distribuant des friandises et des bas en nylon, tandis que les soldats de l’Armée rouge restent associés aux pillages, aux beuveries collectives et aux viols.
Dans son nouvel ouvrage Als die Soldaten kamen (« Quand les soldats arrivèrent »), l’historienne Miriam Gebhardt se penche sur les innombrables viols dont ont été victimes les Allemandes en 1945 et balaie les préjugés qui y sont associés, faisant la lumière sur un épisode de la Seconde Guerre mondiale encore tabou aujourd’hui en Allemagne, et qui a jusqu’à présent fait l’objet de peu de recherches.
Les soldats français, britanniques et américains ont eux aussi violé massivement dans les villes et les campagnes allemandes. Si leurs crimes n’ont pas été reconnus comme tels, c’est en partie à cause du mépris à l’égard des victimes, fait remarquer l’hebdomadaire Focus :
« Les gens, à l’époque, mais plus tard également les historiens, ont présumé que les femmes ont souvent profité de ces contacts. »
Les victimes de viols furent donc la plupart du temps soupçonnées de prostitution par leurs contemporains. Ce « trait d’humour » de l’époque résume bien l’état d’esprit qui régnait alors :
« Les Américains ont mis six ans pour combattre les soldats allemands. Pour avoir une femme allemande, on n’a besoin que d’un jour et d’une tablette de chocolat. »
Miriam Gebhardt avance le chiffre de 860 000 victimes, parmi lesquelles 190.000 auraient été violées par des GIs.