« Une bifurquation de notre modèle de société est indispensable pour assurer notre survie. Pourtant, cette classe dirigeante, prédatrice et cupide, l’oligarchie, est un obstacle sur ce chemin... »
Le jeune député France insoumise Bastien Lachaud, élu du 93, fait une entrée fracassante à l’Assemblée le 24 juillet 2017 avec ce discours pas très bien-pensant pendant les discussions sur la loi de moralisation de la vie politique.
Parfois, on croirait entendre un discours très XIXe avec des expressions comme :
« L’argent, l’argent, l’argent ! Voilà l’horizon que les dirigeants de notre pays fixent à notre jeunesse ! Voilà d’où vient la corruption de ce pays, voilà les comportements qu’il faut combattre ! Le plus grand corrupteur est au pouvoir, c’est l’argent-roi ! Lorsque l’on s’attaque à un mal, il faut pourtant en couper les racines sinon il repousse. Et pourtant, madame la Garde des Sceaux, il n’en est absolument pas question dans ce projet de loi. »
- Nicole Belloubet, qui porte la loi de moralisation de la vie politique
À 8’06 :
« Comment lutter contre la manmise de l’oligarchie sur notre société ? tout d’abord, en réduisant les écarts de salaires... »
À 9’12 :
« 16,8 millions d’euros, 16,8 millions d’euros, mes chers collègues, pour Olivier Brandicourt le PDG de Sanofi en 2015, à votre avis, ça représente combien d’années de Smic ? 1 200, 1 200 années de Smic. »
À 9’49 :
« Comment les Français, dont le revenu médian – certains ici l’ont oublié – est de 1 700 euros mensuels, 1 700 euros mensuels, peuvent-ils avoir “confiance”, vu que c’est le terme de la loi, confiance dans une société qui permet de tels écarts de revenus ? »
À 10’33 :
« Et si au moins ces hyperriches payaient leurs impôts en France... Mais non, les paradis fiscaux les accueillent à bras ouverts, ils y courent protéger leur fortune parce que là-bas, l’imposition des héritages, fortunes et autres patrimoines est réduite à la portion congrue. »
Lachaud rappelle que l’évasion fiscale des entreprises coûte 100 milliards par an aux pays pauvres.
À 11’32, une petite pointe dans le derrière de l’oligarchie :
« Vous savez, mes chers collègues, cette antienne selon laquelle si on les taxe les riches vont partir, eh bien qu’ils partent, ils ne servent à rien, eux qui ne veulent même pas contribuer à l’effort national. Et d’ailleurs, s’ils partent, nous saurons les poursuivre ! »
Chiche ! On récupèrerait alors les 90 milliards annuels de la fraude fiscale, soit 1,5 fois le budget de l’Éducation nationale. Les enfants français les plus en difficulté pourraient alors bénéficier d’Instituts Le Rosey un peu partout sur le territoire...
Utopie ? Oui, pour ceux qui ne se battent pas.
On n’avait plus l’habitude d’entendre de discours anti-oligarchique à l’Assemblée, surtout depuis l’alignement du Parti socialiste sur le libéralisme économique (1983) suivi de celui du Parti communiste sur le gauchisme sociétal (1997).
Si Macron et son gouvernement semblent attaqués sur leur gauche, il est possible que Mélenchon se soit installé en « réserve de la République », au cas où la fronde antilibérale deviendrait trop forte. Il constituerait alors un recours pour Macron dans une cohabitation qui n’est pas, elle, utopique, puisque la France insoumise a fait voter Macron contre Marine Le Pen au second tour des présidentielles 2017. La trahison « libérale » de Mélenchon est donc possible, puisqu’elle a déjà eu lieu.
- Le petit carré de la France insoumise à l’Assemblée
Pour l’instant, Macron n’a pas besoin de Mélenchon. Si cela devait arriver, que deviendraient les discours anti-oligarchiques de ses lieutenants ? Nous n’en sommes pas là. Même si l’on voit Corbière refuser la main tendue de Philippot ou Garrido cachetonner chez Bolloré pour Ardisson...