C’est un titre en forme de victoire politique pour le quotidien de Patrick Drahi, mais en forme de défaite idéologique. Puisque tout ce contre quoi Libération a lutté ces dernières années, celles de sa reprise en mains par l’oligarchie financière (et aussi l’État à travers ses subventions) est confirmé, noir sur blanc, dans ses colonnes du 31 mars 2017. Il y a bien un Système, et c’est Trump qui le révèle.
Faisant suite à la résistance du département de la Justice et du Congrès pour les réformes de Donald Trump portant sur l’immigration et la santé, Libé savoure sa victoire sous le titre :
« Trump apprend à ses dépens que le président américain est faible »
Mais si le président américain, dont tous les médias nous serinent qu’il est l’homme le plus puissant du monde, est aussi faible, alors qui est fort ?
Techniquement, Donald Trump peut passer ses réformes ou détricoter celles de son prédecesseur à coups de décrets ou de changements de juges fédéraux ; il n’en est pas moins embourbé par une énorme résistance des contre-pouvoirs que Libération appelle « le Système ».
Que ce soit dans la rue, avec les nuées sorossiennes lâchées contre ses partisans, ou dans les institutions américaines, Trump se pose effectivement encore en président anti-Système. Il ne détient pas tous les pouvoirs, preuve qu’il n’était pas le candidat des élites ou de l’oligarchie. Ainsi, tout aurait été pour le mieux si Hillary Clinton avait été élue le 8 novembre 2016. On n’aurait pas assisté à ces « manifestations » de surface de l’État profond.
« Notre président est assez faible » sur le plan constitutionnel, rappelle John Carey, professeur au Dartmouth College, en comparaison des présidents français ou d’autres systèmes politiques.
Aux États-Unis, le gouvernement ne peut pas faire passer des textes en force. Le Congrès est maître de son ordre du jour. Et les droits de l’opposition sont par coutume très importants à la chambre haute, le Sénat, où une majorité qualifiée est requise.
Quant à la justice, elle est systématiquement saisie par des opposants politiques sur les décisions présidentielles, dont elle bloque parfois l’application.
La résistance au changement trumpien vient bien des prolongements et relais plus ou moins officiels de l’État profond, Donald Trump, malgré son statut de milliardaire, ne fait pas partie du Système. C’est bien un individu hors-Système, formé au rêve américain de l’enrichissement – on en pense ce qu’on veut – qui a réussi à incarner les désirs et les besoins du peuple américain et qui se heurte logiquement aux forces de la conservation. Le 45e président des USA est tout sauf un conservateur, sauf quand il s’agit de conserver la souveraineté et l’intégrité du peuple américain.