Tout comme, en politique, on se pince le nez devant certains en espérant récupérer leurs votes, on n’aime guère en France les musulmans mais on apprécie leur porte-monnaie. Surtout en période de Ramadan.
Aujourd’hui s’ouvre le mois béni de Ramadan. Et puisque tout se calcule, on estime que les pratiquants devraient, à cette occasion, dépenser en nourriture près de 350 millions d’euros. Abbas Bendali, directeur de la société d’études Solis, confie ainsi au Figaro que « Le caddie moyen d’une famille qui fait le Ramadan augmente de 30 % ». Soit une véritable manne pour le secteur de la grande distribution, d’autant plus âpre au gain qu’on est en période de crise économique.
On remarque donc une évolution certaine dans la communication des marques, de nombreuses enseignes abandonnant ce qu’on pourrait appeler une laïcité allusive au profit d’un matraquage publicitaire cette fois parfaitement explicite. Pour parler clair : les catalogues « Spécial Ramadan » remplacent ouvertement cette année les promotions « Saveurs d’Orient ».
Carrefour propose donc un catalogue de 25 pages intitulé « Spécial Ramadan – Découvrez mille et une saveurs », allusion aux Mille et une nuits sans doute… Sont ciblées essentiellement les zones géographiques à forte concentration de population musulmane autour de Paris, Lyon et Marseille. Même chose pour les enseignes du groupe Casino – Géant Casino, Leader Price, Franprix – qui lance une grande offensive commerciale, mettant en avant son rôle de précurseur dans le halal avec la marque Wassila dont la gamme de produits s’étend désormais au snacking. Auchan et Système U ont conservé leur communication à l’ancienne, se contentant d’installer des stands de « produits spécifiques » dans leurs magasins.
Une sociologue confirme : « Ce qui est en jeu, c’est la récupération des millions de personnes qui vont s’approvisionner prioritairement dans les épiceries. Le Ramadan est une période particulièrement propice pour tester de nouvelles gammes halal en communiquant surtout son caractère festif et en minorant sa dimension religieuse ». On rappellera ici que le halal est un marché en pleine croissance, estimé aujourd’hui autour de 448 milliards d’euros.
Ce qui choque, c’est comme toujours la duplicité et le double discours.
On dénonce d’un côté les dangers du communautarisme – et particulièrement le fantasme d’un islam terroriste et conquérant –, et de l’autre on le fabrique à des fins strictement mercantiles. Les musulmans ne sont d’ailleurs pas seuls visés car, à côté des rayons halal, on a vu depuis quelques décennies se développer aussi les stands de produits casher.
Tout est bon qui fait de l’argent, et seulement ce qui fait de l’argent, alors le musulman est un croyant respectable à condition qu’il ouvre son porte-monnaie. Et qu’importe si l’on prive l’épicier de quartier – à savoir “l’arabe du coin” – d’une source de revenus qui légitimement lui revient.
Reste l’essentiel : bon Ramadan à tous !