Voici une histoire d’amour et de ténèbres, pour paraphraser le titre du plus beau livre d’Amos Oz, l’écrivain de l’Israël rebelle. L’amour, c’est le sujet d’un récit de la romancière Dorit Rabinyan, jusqu’ici inconnue, qui figurait au programme des livres étudiés pour l’équivalent du bac lettres dans les lycées israéliens. Le titre, Geder Haya, peut se traduire par La Haie ou La Limite.
Les deux héros ont franchi cette haie, la barrière qui sépare les destins de leurs peuples ennemis, dans le bienheureux état limite que constitue la passion : elle est israélienne, il est palestinien. Ils se rencontrent à New York, puis elle rentre à Tel-Aviv et lui à Ramallah.
Pluie de pétitions
En découvrant le roman, le ministre de l’Éducation, Naftali Bennett, a eu une crise de fureur. Et voilà les ténèbres : Bennett, qui est également le chef du parti très nationaliste Le Foyer juif, a radié le livre des programmes au motif qu’il encourageait les relations sexuelles avec des Palestiniens et la perte de l’identité juive. Cette censure a déclenché heureusement un tollé, une pluie de pétitions et l’ironie douloureuse d’Amos Oz : « Pendant qu’on y est, pourquoi ne pas interdire la Bible qui regorge de relations sexuelles entre juifs et non-juifs ? »
Le roman est devenu un best-seller, tout le monde se précipite en librairies pour acheter La Haie et la franchir avec les amants, alors qu’Israéliens et Palestiniens s’entre-tuent. Le ministre a fait très légèrement marche arrière : l’œuvre de Dorit Rabinyan est réinsérée dans un cursus littéraire parallèle. Un bricolage qui n’efface pas le scandale.