Les Palestiniens et les Israéliens sont de plus en plus convaincus que la solution à deux États n’est plus une option, en raison de la politique israélienne consistant à construire des colonies dans toute la Cisjordanie occupée, y compris à Jérusalem.
Cette dernière étant censée devenir la capitale de l’État palestinien édifié dans les frontières de 1967. L’on doit constater que la solution à deux États n’a jamais été une option sérieuse dans l’esprit des gouvernants et du public israéliens. On a seulement créé une Autorité palestinienne avec des responsabilités sécuritaires et économiques en Cisjordanie et dans la bande de Gaza.
Cela a été prévu pour qu’Israël puisse se soustraire à la responsabilité morale et judiciaire d’avoir à fournir aux Palestiniens soins médicaux, éducation et autres nécessités en tant que puissance occupante. Au lieu de cela, Israël a voulu occuper et garder un contrôle total, surtout de la zone dite Zone C, qui couvre environ les deux tiers de la Cisjordanie, sans avoir à assumer l’ensemble des frais d’occupation. Il voulait aussi garder le contrôle des passages frontaliers, de Jérusalem, de l’espace aérien, des sources aquifères et autres ressources palestiniennes.
Dans ce contexte, les déclarations du président américain Barack Obama à Benjamin Nétanyahou il y a quelques semaines, selon lesquelles il n’est plus possible de revenir aux négociations entre les Palestiniens et les Israéliens pendant le restant de son mandat présidentiel, peuvent être interprétées comme étant l’abandon par Washington du processus politique au Moyen-Orient. Il est arrivé à une impasse et a échoué.
Les déclarations de plusieurs officiels et analystes US sont d’accord sur ce point : la solution à deux États n’existe plus, non seulement en tant qu’option israélienne, mais aussi internationale. Il y a quelques jours, l’ancien secrétaire d’État Henry Kissinger a déclaré que l’établissement d’un État palestinien n’est plus une proposition valable et n’offre aucun avantage. En fait, il est dangereux, vu la fragmentation des pays arabes qui sont établis depuis des années et des siècles ainsi que le contrôle par Daech de zones dans ces pays. Cela confirme l’affirmation d’Israël selon laquelle la solution à deux États serait de toute façon hors de question si l’État palestinien devait tomber sous l’emprise de Daech ou d’autres mouvements extrémistes.
On spécule aussi que si la solution à deux États est en panne, l’option d’« un État et de deux nationalités » pourrait alors être viable. Le secrétaire d’État US John Kerry l’a récemment évoquée au cours du Forum Saban, qui pourrait être comprise comme une reconnaissance de l’échec des efforts américains pour une solution à deux États tout en essayant d’effrayer Israël quant à une solution à un État et créer ainsi l’optimisme chez les Palestiniens.
C’est important, non seulement parce que certains Israéliens et Palestiniens la considèrent comme une solution idéale, permettant le retour des réfugiés palestiniens en Palestine historique, du Jourdain à la mer, tout en partageant le pays avec Israël. Pour quelques Israéliens, ce serait la réalisation du Grand (« Eretz ») Israël, avec une approbation palestinienne, arabe et musulmane.
Israël a contrecarré la solution à deux États parce qu’elle est en contradiction avec le projet du Grand Israël, ce qui signifie que le mouvement national palestinien a aussi échoué à créer son état-croupion, bien que ce soit l’ambition minimale des Palestiniens.
Un tel État serait trop restreint pour être viable et Israël et l’Amérique insisteraient sur le fait qu’il n’a pas d’armée régulière, bien qu’il place les intérêts d’Israël au-dessus des siens. Les blocs de colonies étant conservés ainsi que le contrôle des frontières, de l’espace aérien et des eaux territoriales, le mini-état palestinien serait alors privé des plus importants éléments de sa souveraineté.
De plus, nous avons assisté au déclin du statut de la cause palestinienne dans les communautés arabes et internationales pour plusieurs raisons, comme la scission du mouvement national palestinien et la transformation de l’AP en deux autorités rivales qui ont échoué à convaincre Israël d’adopter une position différente envers le problème palestinien.
Tout cela me mène à conclure que ceux qui rejettent la solution à deux États rejetteront aussi la solution à un État, compte tenu de l’insistance d’Israël à se définir en tant qu’« État juif » et de sa puissance militaire et économique actuelle. Son contrôle sur les gisements naturels récemment découverts en Méditerranée orientale le renforce. En vérité, Israël estime avoir le droit de contrôler d’autres territoires au Moyen-Orient et pas seulement en Palestine historique.
La mise hors-la-loi par le gouvernement israélien de la branche Nord du Mouvement islamique à l’intérieur d’Israël et le passage de lois racistes qui abolissent les droits individuels et collectifs des citoyens palestiniens d’Israël, en sont la preuve. Ceci a lieu bien que les Palestiniens en Israël soient non seulement ressortissants de l’État, mais aussi la communauté autochtone, contrairement à la majorité des juifs israéliens, dont les racines familiales et les liens se situent ailleurs.
Comme telles, si les deux solutions à un ou deux États ne sont pas viables, il y a une troisième option, qui serait extrêmement attractive pour la plupart des Israéliens. Cela consisterait à ce qu’Israël isole les communautés palestiniennes en Cisjordanie et les évacue totalement de Jérusalem ; les Palestiniens vivraient alors dans des îlots fragmentés et démembrés dans un océan de colonies israéliennes, et contenus par une forte présence militaire, des murs de séparation et des routes d’accès réservées aux seuls colons.
En fait, cela reviendrait à une tacite annexion de la plus grande partie des territoires palestiniens occupés et toute notion d’un « État palestinien » serait alors reléguée à l’Histoire.