Ce ne sont pas seulement les prêtres, ce sont aussi les rois qui font des miracles ; c’est-à-dire que le fait d’être au pouvoir donne à l’homme le droit d’être absurde, parce que personne n’a le droit de le lui dire.
Raoul de Presles disait à Charles V : « Vos devanciers et vous avez telle puissance, qui vous est donnée et attribuée de Dieu, que vous faites miracles en votre vie, telles si grandes et apertes que vous garissez d’une très horrible maladie, qui s’appelle les escroelles, de laquelle nul autre prince terrien ne peut garir, ors vous ».
Cette dernière phrase était une flatterie. A cette époque, d’autres que les rois de France faisaient des miracles ; c’était la folie du temps ; les rois de Hongrie guérissaient la jaunisse, les rois de Castille les démoniaques, et les rois d’Angleterre les épileptiques ; ils prétendaient même guérir aussi les écrouelles, rivalisant ainsi de puissance miraculeuse avec les rois de France.
Du reste, il n’y avait pas que les rois qui avaient le don de guérir. On soutenait alors que tout enfant qui venait au monde une main en avant et avait aussitôt touché un cochon de lait, avait le même pouvoir que le roi de guérir les écrouelles.
Les bonnes gens croyaient sincèrement que cet affreux mal « dont le germe est une cacochimie, l’apparence d’un ulcère hideux à voir, dangereux au toucher et incurable, était tenu de disparaître sans autre formalité que l’attouchement de nos roi et par la seule parole, sans anneaux, sans simples et sans autres ingrédients et préceptes particuliers, ainsi vraiment par racle ».
Hélas ! le miracle n’était qu’un effet d’imagination ; mais qui aurait osé se plaindre d’avoir été trompé par le roi ?
C’était après le sacre des souverains, la veille des fêtes, Pâques, à la Pentecôte, à la Toussaint, à Noël, que cette comédie se jouait.
Le prévôt de Paris faisait publier le jour et l’endroit de cérémonie ; les malades s’y rendaient de bon matin.
Le premier médecin et les médecins ordinaires les visitaient et ne gardaient que ceux qui étaient sérieusement atteints, rangeait les malades sur plusieurs lignes, à genoux, les mains jointes. Le roi arrivait avec une suite nombreuse de princes, de prélats et de gardes du corps. Il s’approchait de chaque malade lui traçait sur le visage le signe de la croix avec la main droite puis répétait à chacun : « Le Roi te touche, Dieu te guérit. »
Et les rois se soumettaient tous à cette répugnante cérémonie, à cette folie malpropre.
Cordialement
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