Thérèse Hargot, sexologue et philosophe, vient de publier Une jeunesse sexuellement libérée (ou presque) (Éd. Albin Michel).
Pour Thérèse Hargot, sexologue et philosophe, le malaise et les addictions provoqués par le déferlement d’images pornographique peut se traiter par le recours à l’érotisme.
LE FIGARO. - Vous êtes trentenaire et avez donc bénéficié du libéralisme sexuel de votre époque. Pourquoi affirmez-vous que la jeunesse actuelle n’est pas libérée ?
Thérèse HARGOT. - Les jeunes sont « biberonnés » au pornographique. Quand j’étais en terminale, Internet arrivait juste. Aujourd’hui, les enfants trouvent l’ADSL à leur naissance, et peuvent s’abreuver d’images pornos 24 heures sur 24 sur leur ordinateur, leur smartphone, etc. On dit que l’âge de la première rencontre avec ces vidéos se situe actuellement autour de 11 ans. Sur le terrain, j’observe qu’en réalité il est déjà plus précoce. Sur le plan clinique aussi, je reçois essentiellement des jeunes – un quart de ma clientèle – qui sont « addicts » au pornographique : ils ne parviennent plus à calmer leur mal-être initial par ces visionnages et séances masturbatoires et se retrouvent dans un malaise encore plus grand. Comme avec la drogue, ils doivent augmenter les doses et en ressortent avec davantage de culpabilité et de stress.
Comment expliquez-vous ces usages sexuels ?
En ayant transformé la sexualité en objet de consommation, le libéralisme sexuel et le libéralisme économique, lorsqu’ils se sont rencontrés, ont produit un cocktail explosif. Désormais, nous ne sommes pas seulement soumis à une industrialisation du sexe marchand, nous vivons dans une culture pornographique. Regardez l’évolution de la lingerie féminine et le succès de 50 nuances de Grey qui s’inspirent du SM, la multiplication des salons de massage et de prostitution, de sites favorisant les « coups d’un soir ». Tout cela forme désormais un continuum, l’exposition au porno ne se limitant pas à quelques vidéos. Nous sommes tous impactés. Le pornographique est désormais entré dans les mœurs courantes, où il diffuse une image de la sexualité vue comme un objet masturbatoire seul ou accompagné.