Dans une longue enquête publiée ce 2 juillet, Mediapart rapporte que le Grand Rabbin de France Haïm Korsia aurait recopié, sans les citer, des passages entiers d’autres ouvrages dans deux de ses publications. Une affaire qui fait écho à celle de son prédécesseur Gilles Bernheim, qui avait lui aussi dû répondre aux mêmes accusations avant d’être contraint à la démission pour sa fausse agrégation de philosophie.
L’affaire débute peu avant l’élection de Haïm Korsia le 22 juin dernier, quand un mystérieux blog, la « Ligue juive contemplative » envoie plusieurs courriels au Consistoire de Paris :
« Nous avons rappelé il y a quelque temps à M. Haïm Korsia qu’il était l’auteur de nombreux plagiats. Afin de ne pas revivre un grand déballage, nous lui conseillons de se retirer et d’éviter une disgrâce à sa personne et à l’institution qu’il souhaite diriger (…). Inutile de nous étendre sur le risque inconsidéré que constituerait un autre Grand Rabbin de France plagiaire. En réalité, la faute impardonnable n’est pas tant d’avoir commis ces plagiats que les mensonges qui vont avec. »
Aussi le responsable de la commission électorale du consistoire, Elie Korchia, explique-t-il aujourd’hui à Médiapart :
« Avant même l’élection, nous avions vu passer quelques e-mails anonymes mettant en cause le Grand Rabbin. Mais Haïm Korsia nous a lui-même personnellement assuré qu’il avait soumis ses livres au logiciel spécialisé Compilatio, et nous a présenté les rapports d’analyse produits par le logiciel. À partir du moment où le Grand Rabbin avait pris les devants et qu’il n’y avait pas de problème sur le plan juridique, il n’y avait pas lieu d’aller plus loin. »
Ces rapports établis par le logiciel Compilatio sont l’élément principal de la défense du Grand Rabbin. Aucun organe de presse n’a encore pu les consulter, mais les recensions faites par Mediapart de façon artisanale (à partir de Google Book) ne laissent que peu de doute quant à une suspicion de « copier-coller » concernant principalement deux livres signés par le Grand Rabbin de France : La Kabbale pour débutants (2007) et Être juif et Français. Jacob Kaplan le rabbin de la République (paru en 2006 et préfacé par le président de la République d’alors, Jacques Chirac).
En effet, toujours selon Mediapart, « au moins une quinzaine de pages (soit plus d’un dixième du livre) de La Kabbale pour débutants, paru en 2007 aux éditions Trajectoire, sont des décalques quasiment purs de pages publiées en 2001, par le même éditeur, dans le livre L’Homme, espoir de Dieu, d’Emmanuel Chouchena. »
Ainsi Haïm Korsia n’a-t-il pas cité l’ouvrage original, se contentant d’une dédicace pour le moins ambiguë :
« Remercier, c’est dire que l’on ne fait pas tout, tout seul. Je remercie l’Éternel qui guide nos rencontres et m’a fait la grâce de connaître et d’apprendre avec le grand rabbin Emmanuel Chouchena, dont la pensée inspire chaque ligne de ce livre. »
Être juif en France présente pour un peu plus de dix pages des ressemblances importantes avec divers sources non-citées. Les « emprunts » font parfois quelques lignes, mais d’autres font plus d’une page. Certains paragraphes sont repris à l’identique ou presque. C’est le cas notamment pour une page reprise d’une conférence de Georges Hansel, publiée dans le quatrième numéro des Cahiers d’études lévinassiennes en 2005 ou pour un phrase de Michel Winock parue en octobre 2002 dans la revue Histoire.
Parfois Haïm Korsia a cité la source, comme pour le livre L’Étoile et la Francisque de Maurice Moch et d’Alain Michel : « Une recension discrète qui ne donne pas la mesure des emprunts effectués », écrit Médiapart. Le site d’investigation a contacté Alain Michel :
« Il n’y a aucun doute que plusieurs passages de son livre Être juif et français sont directement des “copier-coller” de l’ouvrage que j’avais écrit sur la base du manuscrit et des archives de Maurice Moch. Même si quelques mots ont été changés, l’ensemble est bien puisé directement de L’Étoile et la Francisque. Il est tout à fait normal pour un auteur de se servir des recherches de ses devanciers mais, en l’occurrence, le grand rabbin Korsia aurait dû pour ces passages indiquer directement les pages de références de mon livre, et ne pas se contenter de me citer de manière générale dans la bibliographie. »
Pour l’instant, Haïm Korsia n’a pas contesté ses « emprunts », mais les a minimisés :
« Les citations en question ont pour point commun de ne porter à chaque fois que sur des éléments factuels, biographiques et ayant un rapport contextuel au sujet, et jamais d’éléments structurants pour le travail de recherche. »