« Bien que vivement critiqué, le préfet de police de Paris Didier Lallement continue de bénéficier du soutien du ministre de l’Intérieur Christophe Castaner qui affirmait le 19 février : “Il n’y a pas de problème Lallement”.
Une assertion qui n’est pas partagée au sein de son propre ministère, loin s’en faut. Mediapart a en effet obtenu des notes émises par les plus hauts gradés de la gendarmerie nationale et de compagnies républicaines de sécurité (CRS), qui alertent solennellement sur l’irrégularité et la disproportion de l’usage de la force ordonnée par le préfet Didier Lallement. » (Mediapart)
Même si Mediapart ne peut pas, en bon site trotskiste, se départir d’une certaine idéologie antiflic, il a raison de dénoncer le comportement du préfet Lallement, qui ne fait qu’obéir aux ordres d’un exécutif qui se lave les mains sur lui, avec sa doctrine contraire aux lois républicaines et au simple respect des personnes. On a tous vu les visages ensanglanté de ces milliers de Français qui manifestent pour leur dignité. La différence, c’est que maintenant les grands flics le disent. Car ils ont beaucoup à perdre, face à la population, avec une telle doctrine de maintien de l’ordre, cet euphémisme pour un maintien du désordre très politique...
Pas besoin d’être haut gradé de la gendarmerie ou de la CRS pour comprendre que la pratique du maintien de l’ordre de ce SS d’opérette est complètement contre-productive, qu’elle fait monter la rage contre la police et le gouvernement, la police étant le dernier rempart d’une Macronie dépassée et honnie par une majorité de Français, on l’a vu lors de l’acte III des Gilets jaunes à Paris le 1er décembre 2018. C’est d’ailleurs peut-être à ce moment-là que Macron a décidé de durcir la répression, tant il a eu chaud aux fesses. Il était prêt à fuir en hélico le samedi suivant, le 8 décembre 2018 !
Le petit Macron a beau se planquer derrière ses phrases anti-séparatistes bateau et les murs de l’Élysée, c’est lui qui valide les ordres en dernier ressort et qui donne quitus à son ministre de la Matraque, le très franco-sioniste Laurent Nuñez. On exonère le pauvre Castaner qui est déjà hors-jeu politiquement parlant.
Mediapart rappelle les mots du préfet qui a défini sa doctrine le 20 mars 2019, le jour de sa nomination, en pleine révolte des Gilets jaunes :
« Une stratégie de mobilité, de réactivité, de contact, d’interpellations » tout « en assumant. En assumant, oui, les risques que cela comporte ».
Un an plus tard, presque jour pour jour, la doctrine Lallement a fait ses preuves... d’un malaise en haut lieu.
« La gendarmerie nationale, elle, n’assume plus. Dans des notes de septembre 2019 auxquelles Mediapart a eu accès, de hauts responsables de la gendarmerie en charge du maintien de l’ordre jugent les pratiques du préfet Lallement, invitant ses troupes à “impacter” les manifestants, “légalement douteuses et aux conséquences politiques potentiellement néfastes” avant de conclure qu’elles sont “contraires à la législation ainsi qu’à la réglementation en vigueur”. »
On a tous bien compris ce qu’impacter veut dire : la troupe de ce Thiers au petit bras n’est plus seulement là pour faire du défensif, mais de l’offensif. Le résultat a été saignant, et scandaleux : tout le monde a vu ces vidéos de Gilets jaunes défilant tranquillement assaillis par des policiers en tenue, provoqués par des jets de grenades ou des tirs de LBD. C’est cela, impacter. Droit au but, comme dit le slogan de l’OM. On cogne pour contrôler. Le monde entier a vu ces images, et cela continue, puisque même les très inoffensives femmes (qui ne faisaient que crier) du 8 mars 2020 ont été impactées par les troupes de Lallement.
Où l’on voit que le pouvoir exécutif a utilisé la force policière ou gendarmesque pour sa propre sécurité, avec un niveau de paranoïa qui a débouché sur des milliers de blessés, des dizaines de mutilés et éborgnés, sans oublier les milliers d’interpellations et les milliers d’embastillés. Une force disproportionnée a été employée, cela figure dans le rapport (en fait des notes internes) en question. Les rédacteurs de ces documents reviennent sur la pratique de la « nasse » :
« L’encagement ou la nasse, précise une source proche du dossier, se font souvent en fin de manifestation pour procéder notamment à des interpellations. Il s’agit de fixer c’est-à-dire immobiliser dans un lieu, une rue ou une place fermée et quadrillée par des policiers. Mais ainsi qu’il est précisé dans le document de la gendarmerie nationale, “il convient dans toute opération de maintien de l’ordre de laisser une échappatoire à l’adversaire”. Or, selon le modus operandi du préfet, les manifestants sont parqués, “encagés” sans issue et les grenades de gaz lacrymogène y sont souvent massivement utilisées. »
C’est ce que les Gilets jaunes ont vécu et dénoncé inlassablement depuis près de 70 actes. On en arrive à la conclusion, les effets de cette politique ignoble sur le moral des troupes et l’image des forces de l’ordre, un constat que tout citoyen honnête et pas antiflic a pu faire de lui-même :
« Les conclusions de la gendarmerie sont sans appel : telle qu’ordonnée par Didier Lallement, cette technique est “de nature à exaspérer la population et à nourrir un sentiment de défiance vis-à-vis du pouvoir et des forces de l’ordre” mais surtout elle est “susceptible de générer des mouvements de foule, potentiellement dangereux”. »
Pour ceux qui sont en charge de la sécurité nationale, quel désaveu !
Bonus : les dégâts des BRAV
Les brigades de répression de l’action violente motorisées ont elles-mêmes fait monter le niveau de violence des manifestations. Il s’agit probablement d’une provocation décidée en haut lieu, afin de montrer que les Gilets jaunes étaient générateurs de violences, la défense ou la contre-violence des Gilets jaunes étant filmée et dénoncée comme première. Malheureusement, le public français n’a pas mordu à cette manipulation.
Sur ce sujet dans le sujet, Mediapart apporte encore des éléments à charge pour Lallement.
« Un autre écrit interne à une unité de CRS pose la question des ordres donnés aux Brav, brigades de policiers à moto, justement interdites depuis le décès de Malik Oussekine le 6 décembre 1986 et qui, depuis le 9 février 2019, ont fait leur réapparition.
Faisant suite à la journée de mobilisation des gilets jaunes du 18 janvier 2020 à Paris, le témoignage d’un CRS est éloquent. “On ne compte plus les gazages (par la PP [préfecture de police])”, lui-même étant “phytoxé [gazé] à deux reprises”.Il explique avoir encadré les manifestants le long des “13,8 km de parcours”,“ les black blocs ne bronchaient pas. Ça a commencé à dégénérer quand les Brav ont commencé à intervenir”. À la fin de la manifestation, à la gare de Lyon, “les Brav se sont mis à foncer dans le tas. […] C’est incroyable de foncer dans le tas comme ça alors que ce n’était pas conflictuel”, poursuit-il par écrit.
Échangeant sur une messagerie interne partagée entre CRS, le ton de ce policier est sans retenue : “La manière d’agir des Brav démontre soit un manque d’expérience, soit un manque de lucidité soit des ordres à la con.”
Avant de conclure, que parmi les manifestants, “il y avait du cassos [cas social] mais quasiment pas de casseurs. Et les brav ont chargé gratos”, regrettant de devoir finir cette journée plus tard que prévu, la charge des Brav ayant provoqué des affrontements. “Ils ont bien reçu l’ordre de quelqu’un de charger. Alors le mec qui a décidé ça, collègue ou pas, c’est un âne”. »
Si maintenant ce sont les policiers qui le disent...