Le macronisme repose tout entier sur une mystification : il serait apolitique. Dans cette époque complexe et troublée, il faudrait abandonner toute idéologie, perçue comme une vieille querelle futile et absurde. Le choix politique ne serait plus un choix moral. Seuls l’efficacité, le pragmatisme et le bon sens auraient droit de cité.
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« Le choix politique ne serait plus un choix moral. Seuls l’efficacité, le pragmatisme et le bon sens auraient droit de cité. A quoi bon le vote, si la vérité apparaissait là, toute entière, comme le soleil en été ? »
À quoi bon le vote, si la vérité apparaissait là, toute entière, comme le soleil en été ? S’il existe peut-être une vérité, la démocratie a l’humilité d’admettre qu’elle n’est que sur son chemin et c’est pourquoi elle accepte et protège les opinions diverses et contradictoires, la multitude joyeuse et passionnée des idéologies, la foule des croyances et des rêves. Cela, Emmanuel Macron le sait. Et c’est pourquoi, même si le président aurait bon nombre d’efforts à faire en matière démocratique, il ne s’agit pas d’affirmer ici qu’Emmanuel Macron voudrait faire de la France un État autocratique. Il s’agit de relever l’imposture du macronisme qui prétend ne véhiculer aucune idéologie et œuvrer au seul service de l’efficacité. Voilà le mensonge qui participa à l’élection d’Emmanuel Macron et qui contribue sans doute aussi à sa chute soudaine dans les enquêtes d’opinion. Presque un an après son arrivée au pouvoir, il devient clair pour tous qu’Emmanuel Macron gouverne la France à droite et agit au nom d’une idéologie libérale et individualiste.
Oui, le macronisme est un individualisme. Emmanuel Macron transforme tout problème social en problème individuel. Le chômage de masse ne constitue pas un problème social. Il relève avant tout de la responsabilité de l’individu qui refuse de se former, de mettre tout en œuvre pour trouver un emploi, qui préfère, en un mot, être fainéant, et choisit son canapé aux files d’attente de Pôle emploi. Il faut donc encadrer davantage les chômeurs, renforcer leur contrôle et leurs sanctions. Voilà la réponse du macronisme au chômage. Mais de l’automatisation croissante de la production, de la financiarisation de l’économie, de la faiblesse des investissements, du partage inégalitaire de la valeur ajoutée entre le travail et le capital, de tout cela, le gouvernement ne dit mot.
« Macron transforme tout problème social en problème individuel. Le chômage de masse relève avant tout de la responsabilité de l’individu qui refuse de mettre tout en œuvre pour trouver un emploi. »
Le mal-logement n’est pas non plus un problème social. Il n’est pas le produit d’un sous-investissement cruel en logements sociaux et le fait de communes qui préfèrent payer une amende plutôt que de recevoir la pauvreté chez elles. Non, la faute en est aux sans-abri qui, « dans leur immense majorité », préfèrent, selon le député Sylvain Maillard (LREM), dormir à la rue plutôt que de se réfugier dans un centre d’urgence. Comme le disait François Mitterrand, « la démocratie c’est aussi le droit institutionnel à dire des bêtises ». La bêtise pourrait prêter à sourire si elle n’avait pas la couleur de l’indécence lorsque le secrétaire d’État au logement, Julien Denormandie, prétend que l’Île-de-France ne compte que 50 SDF alors que nous savons grâce à une initiative de la Mairie de Paris qu’ils sont plus de 3 000 rien qu’à Paris. Il faut réformer la SNCF ? L’entreprise ne souffre pas, là encore, d’un manque d’investissement public. Non, l’entreprise est en souffrance du fait de la montagne de privilèges qu’accapare une petite bande de cheminots corporatistes. À chaque fois, la responsabilité sociale est niée et tout repose désormais sur l’individu, isolé et stigmatisé. Là encore, il ne s’agit pas d’enlever à l’individu sa responsabilité et de tomber dans la caricature dans laquelle les libéraux enferment souvent la gauche.
Ce serait nier sa liberté. Il s’agit de dénoncer l’excès individualiste du macronisme. Affirmer que tout repose sur l’individu, c’est insidieusement affirmer que le gouvernement et l’État ne sont plus responsables de rien.
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Illustration avec le discours du ministre de l’Économie Emmanuel Macron lors de l’université d’été du MEDEF en 2015 :