Le 19 juillet, le département d’État a publié son rapport annuel Country Reports on Terrorism 2016..
La partie intitulée « Israel, the West Bank, Gaza and Jerusalem » qui comporte sept pages, est très israélo-centrée. Elle est presque entièrement écrite d’un point de vue israélien et ses informations émanent principalement d’Israël. Le terrorisme militaire de cet État n’y est pas remis en cause, pas plus que n’est évoquée l’oppression systématique des Palestiniens.
À titre d’exemple, le mur israélien y est décrit comme une « clôture » de séparation alors que de nombreuses portions de cet édifice consistent en un gigantesque mur de béton érigé, en en terre palestinienne, flanqué de tours de guet. Le rapport omet également de mentionner que sa construction a entraîné la destruction de nombreuses maisons palestiniennes et la confiscation de leurs terres agricoles très fertiles.
Le rapport élude le fait que l’occupation de la Palestine par Israël et la construction des colonies réservées aux seuls juifs est illégale en droit international. Les mouvements Palestiniens qui résistent à cette occupation sont qualifiés par ce rapports « d’organisations terroristes » en dépit du fait que la résistance est un droit légalement reconnu. Le rapport oublie aussi de préciser que les Palestiniens ont tué beaucoup moins de civils que ne l’a fait l’armée israélienne. (En 2016, au moins 115 Palestiniens dont 36 enfants, et 12 Israéliens dont un enfant, ont été tués par une personne du camp adverse – voir des détails ici.)
Ne sont pas non plus évoquées les opérations régulières de l’armée israélienne en Cisjordanie et à Gaza, au cours desquelles ont lieu toutes sortes d’exactions nocturnes : populations terrorisées, battues, emprisonnées – à hauteur d’une douzaine de personnes par semaine – ainsi que des vols et destruction de leurs biens personnels.
Les partisans d’Israël condamnent le rapport
Malgré ces omissions et bien d’autres encore, quelques groupes et individus ont farouchement condamné ce rapport, principalement à cause de deux phrases qui se trouvent dans la dernière partie du texte :
« Parmi les facteurs alimentant la violence, on peut citer : l’absence d’espoir que la Palestine puisse devenir un état indépendant, l’implantation de colonies israéliennes en Cirsjordanie, la violence des colons dans cette région, le sentiment que le gouvernement israélien est en train de modifier le statut quo sur le Haram Al Sharif (Mont du Temple), les opérations de l’Armée de défense Israélienne (IDF) ressenties comme de graves agressions par les Palestiniens. »
« Sous le mandat du président Abbas (de 2005 à aujourd’hui), l’Autorité palestinienne a pris des mesures significatives pour que les administrations cisjordaniennes sous sa tutelle ne créent ni ne diffusent aucune propagande incitant à la violence. »
Le B’nai B’rith International a publié la déclaration suivante :
« Il est étonnant que l’État américain reprenne à son compte, tel un perroquet, le récit mensonger des Palestiniens. Si ce rapport n’émanait pas du Département d’État, son langage incendiaire et accusatoire pourrait facilement être attribué à une source palestinienne. »
L’association Zionist Organization of America a condamné le rapport et demandé la démission du secrétaire d’État Rex Tillerson.
Morton A. Klein, président de cette association, et Elizabeth Berney, Esq, ont publié une « monographie » qualifiant le rapport de « sectaire, tendancieux, antisémite et truffé d’imprécisions hostiles à Israël ». Les auteurs de la monographie fustigent ce qu’ils estiment être selon eux « des plaintes mensongères et exagérées contre la violence de colons israéliens contre des Arabes palestiniens, allégations s’appuyant sur des affabulations émises par les Nations Unies et par Yesh Din, une ONG anti-israélienne qui reçoit des subventions de George Soros ».
Selon ces sources, des colons israéliens suspects auraient incendié les demeures de personnes proches de la famille Dawabsheh, elle-même victime d’un incendie criminel par des colons en 2015, qui « s’était soldé par la mort de trois Palestiniens ».
Les victimes étaient un enfant âgé de dix-huit mois et ses parents. Des médias israéliens avaient dit que les participants à un mariage juif orthodoxe avaient fêté cet acte funèbre, un des danseurs poignardant plusieurs fois la photo du bébé. (video ici).
Dans sa monographie, Klein priait le député illinois Peter Roskam, co-président du Republican Israel Caucus (Assemblée républicaine israélienne) et une personnalité israélienne écoutée, d’écrire une lettre au secrétaire d’État, lui demandant de corriger les soi-disant « nombreux passages erronés » de son rapport.
Klein s’oppose à Tillerson depuis le début. « En principe, argumente-t-il, les personnes à la tête de compagnies pétrolières n’ont pas de sympathie pour Israël. Ce qui m’inquiète. » Klein n’est pas le seul à être inquiet, comme le révèle l’article du Forward intitulé : « La désignation par Trump du PDG d’Exxon, Rex Tillerson, au poste de Secrétaire d’État effraie les milieux juifs. »
Plus anti-israélien qu’Obama
De nombreux articles accusent Tillerson d’être plus sévère envers Israël qu’Obama. Adam Eliyahu Berkowitz, qui a immigré en Israël et vit sur le plateau du Golan écrit dans Breaking Israel News que le nouveau rapport utilise un « langage encore plus hostile à Israël que celui du précédent rapport ». Jordan Scharchtel, qui travaillait auparavant pour l’organisation The Israel Project, fait le commentaire suivant dans la revue Conservative Review :
« Rex Tillerson a adopté un ton cinglant à l’égard d’Israël dans son rapport de cette année sur le terrorisme, plus cinglant encore que celui de l’époque Obama, qui n’était déjà pas tendre. »
Toujours selon Schachtel :
« Dans le rapport précédent, il était dit que selon les Palestiniens, le terrorisme résulte parfois de la frustration générée par “l’occupation”. Mais ce rapport était beaucoup moins accusateur, il montrait bien que ce point de vue était celui de responsables palestiniens, et non pas celui du gouvernement américain. »
Dans un précédent article, Schachtel déplorait que le secrétaire d’État soit « probablement le membre du cabinet Trump le plus hostile à l’État juif ». « Au cours d’une conversation avec des journalistes, précisait-il, Tillerson a refusé de reconnaître que le lieu le plus sacré de Jérusalem se trouve en Israël. Il a soutenu que, géographiquement le Mur occidental se trouvait bien à Jérusalem, mais a refusé de reconnaître la souveraineté d’Israël sur ce mur. »
En fait, Jérusalem ne fait pas partie d’Israël. Le département d’État a publié à ce propos la déclaration suivante :
« Depuis 1948, la position officielle adoptée par chaque gouvernement, est qu’aucun Etat ne possède la souveraineté sur la ville de Jérusalem. La question du statut de cette ville sera résolue dans des négociations statutaires ultérieures entre les Israéliens et les Palestiniens. » Ces propos tenus par un fonctionnaire représentant le département d’État ont été rapportés la semaine dernière dans la Conservative Review.
« Tillerson fait partie de l’ensemble de personnes qui conseille au Président Trump de ne pas déménager l’Ambassade américaine de Tel Aviv à Jérusalem », écrit encore Schachtel. Le conseiller à la Sécurité Nationale de Trump, R. McMaster, a également refusé de répondre à des questions concernant Jérusalem, en disant qu’il s’agissait d’une décision politique. Sean Spicer, l’attaché de presse ministériel, se serait également abstenu de dire que le Mur occidental se trouvait en Israël. (Depuis, Spicer a démissionné et McMaster pourrait bien le suivre.)
Dans une tribune publiée dans Israel National News intitulée « The Jews did not start this, Mr. Tillerson » (Ce ne sont pas les juifs qui ont commencé, M. Tillerson) , le romancier Jack Engelhard, qui vit à New York, écrit :
« Le président Trump doit avoir une conversation avec Rex Tillerson. Ce dernier a publié un rapport accusateur contre Israël à propos de… TOUT. Personne ne l’a vu venir. Moi en tout cas, je ne l’ai pas vu. J’apprécie Trump. Mais pas Tillerson, depuis le début. »
Englehard déplore que le problème ne se limite pas au département d’État :
« Même topo pour le Conseil œcuménique des Églises, les Nations unies, l’Union européenne, le New York Times… et l’ensemble de l’appareil médiatique… Ici, là-bas, partout. Ils disent que les émeutes au Mont du Temple, c’est de notre faute. Ils disent que tout est de notre faute. Il y a des jours où le monde entier ne se préoccupe de rien d’autre que des Arabes de Palestine. »
Cet auteur, qui s’est vu attribuer le prix de littérature Ben Hecht Award for Literary Excellence, poursuit ainsi :
« Les juifs sont-ils heureux ? Question absurde. Personne ne s’en soucie. Nous sommes seuls. »
(Engelhard est l’auteur de Indecent Proposal – qui a été adapté cinématographiquement à Hollywood).
Tillerson a également été moins hostile envers l’Iran que ne l’auraient souhaité les partisans d’Israël, apportant sa caution au respect, par ce pays, de l’accord sur le nucléaire de 2015. L’AIPAC (American Israel Public Affairs Commitee) a endossé une attitude plus intransigeante à l’égard de l’Iran, qui est vu depuis toujours comme une menace pour Israël. Certaines sources indiquent que c’est pour ces positions, et parce qu’il a gardé des fonctionnaires d’Obama au sein du département d’État, que des initiés de la Maison Blanche et du Congrès attaquent Tillerson.
Selon une source anonyme citée par Adam Kredo sur le site pro-israélien Washington Free Beacon :
« Certaines personnes de confiance ont essayé de “nettoyer” la maison, mais à chaque tentative, Tillerson est allé trouver personnellement le Président pour garder le personnel de l’ère Obama. »
Des informations plus récentes font état d’un départ imminent de Tillerson pour l’ensemble de ces raisons.