Outre-atlantique, la question du genre est récemment revenue à la surface des flots médiatique, à la faveur d’une question pratique récurrente plus significative qu’elle n’en a l’air : les transgenres doivent-ils utiliser les toilettes qui correspondent à leur genre de naissance, ou au contraire ceux correspondant à leur genre « choisi » (dit « d’identité ») ?
Le débat, ces dernières années, ne cessait de grossir, sous l’influence des milieux associatifs. En fonction du niveau d’avancement de leurs transsexualisme (autrement dit, à quel point l’individu est physiquement éloigné du genre « de naissance » dont il cherche à se détacher) les transgenres souffriraient de vexations diverses, comme de se retrouver à utiliser les toilettes du genre qu’ils répugnent, ou au contraire de s’exposer à la colère d’usagers jugeant leur présence (du côté femme, en particulier) particulièrement inappropriée.
En réponse à ces questionnements, un certain nombre d’États à majorité conservatrice avait tenté de prendre les devants. Si la plupart des initiatives ont jusqu’à présent échoué, la Caroline du Nord a fait voter, en mars dernier, une loi indiquant que les citoyens sont tenus d’utiliser les toilettes correspondant au sexe indiqué sur leurs certificats de naissance. Au moment du vote de cette loi, de nombreux médias grand public avait clairement fait part de leur opposition, voire de leur indignation [1].
L’administration Obama a donc fini par s’attaquer à la question et a émis le 13 mai une directive à l’attention des écoles publiques. La directive vise à « protéger les enfants transgenres » et leur offrir un environnement sans discriminations. Les élèves en désaccord avec leur identité de naissance doivent ainsi avoir la possibilité d’utiliser les toilettes de leur choix [2]. Une directive difficilement applicable, notent certains observateurs, sans en venir à laisser n’importe quel élève utiliser n’importe quelle toilette.
S’il ne s’agit que d’une directive, celle-ci affirme s’appuyer sur la loi fédérale contre les discriminations dans l’environnement éducatif, une loi que les écoles sont tenues de respecter pour conserver leurs financements fédéraux. La mesure a beau être indirectement coercitive, elle n’en est pas moins prégnante. De toutes parts, l’électorat et les élus conservateurs se sont levés contre cette directive, provoquant une ébullition médiatique [3].
Le PDG de Target, une chaîne de magasin ayant officiellement invité ses clients à utiliser les toilettes de leur choix, a répondu au mouvement de boycott lancé contre la marque. Une pétition dénonçant leur prise de position progressiste avait réuni plus de 1,2 million de signatures [4]. Le grand patron n’a pas fait machine arrière, et n’a pas hésité à comparer la lutte contre les discriminations à l’encontre des personnes LGBT à la lutte contre le racisme à l’encontre des Afro-américains. Coté course électorale, chaque candidat potentiel a bien sûr été tenu de s’exprimer sur la question. Contre toute attente, Donald Trump s’est montré assez modéré. Il a déclaré qu’il n’était financièrement pas possible de construire partout un troisième type de toilette, et que la décision devait revenir aux États.
Au final, il faut bien admettre que l’acceptation initiale de la notion de transgenre, dans son expression concrète, mène irrémédiablement à ce débat. Sous l’application de la loi « discriminatoire » de la Caroline du Nord, peut-on vraisemblablement imposer à un individu ressemblant en tout point à un homme, mais qui est une femme à l’origine, d’utiliser des toilettes pour femmes ? Sur les réseaux sociaux, les courants progressistes se servent de cette contradiction pour moquer les initiatives conservatrices locales.
- « Ces personnes sont toutes des transgenres hommes [des femmes se considérant comme des hommes]. Les républicains veulent une loi pour les forcer à utiliser les mêmes toilettes que vos filles et vos sœurs. Réfléchissez bien… »
On retrouve ici une marque d’ingénierie sociale patente ; une fois les concepts initiaux imposés de force, leurs applications, jusqu’à leur extrémités, s’enchaînent naturellement. Un vrai effet cliquet, particulièrement violent dans une société qui choisit de légiférer sur tout et qui juge que le « bon sens » n’existe pas – ou du moins est source de discriminations.
L’avenir, comme toujours, se lit sans doute dans les revendications des associations « avant-gardistes ». Partout, on voit poindre des toilettes neutres, ou « multigenres ». On pense aussi à de futures toilettes spéciales transgenres. Et l’on découvre le lot de petits pictogrammes accompagnant ces idées, représentatifs de l’humanité de demain…