En juillet dernier, quatre jeunes en t-shirts noirs, portant un insigne avec une flamme jaune, se sont approchés de « A » qui sortait d’un taxi dans le centre de Jérusalem où il allait voir des amis. Ils lui ont demandé l’heure. Le soupçonnant d’avoir un accent, ils lui ont demandé : « Êtes-vous arabe ? »
« Quand j’ai dit oui, l’un d’eux m’a frappé à l’œil, les autres ont sauté sur moi et ont commencé à me tabasser. Il y avait beaucoup de monde autour mais personne n’a fait attention à nous, ni ne m’a aidé. »
« A » a réussi à se libérer et a fui vers un restaurant voisin, où un de ses amis travaille, et s’est caché à l’intérieur. « Si je n’avais pas réussi à m’enfuir, ils m’auraient tué », dit-il.
La vidéo de son témoignage s’ajoute à toutes celles qui ont déjà été prises récemment de Palestiniens violemment agressés à Jérusalem par des militants juifs d’extrême droite. Craignant les représailles, la plupart des victimes ont demandé à garder l’anonymat.
Les attaques sont menées par un groupe d’extrême droite appelé Lehava, ou flamme en hébreu, l’acronyme de l’Organisation pour la prévention du métissage en Terre sainte. Dirigé par un rabbin d’extrême droite, Ben-Zion Gopstein, Lehava rejette toute interaction entre les juifs et les Palestiniens.
Fondé en 2009, Lehava se distingue des autres groupes d’extrême droite par le fait qu’il milite officiellement contre le métissage et les mariages entre juifs et Palestiniens. En plus des quelque 300 000 Palestiniens de Jérusalem, il y a environ 1,7 million de citoyens israéliens qui sont d’origine palestinienne, ce qui représente près du cinquième de la population.
On pense que Lehava veut étendre son action à la poignée de villes « mixtes » israélienne dans lesquelles un petit nombre de citoyens palestiniens vivent dans des quartiers proches des Juifs israéliens.
En 2014, quelque 200 partisans de Lehava, dont beaucoup portaient des t-shirts de « la garde d’honneur juive » du groupe, ont manifesté bruyamment à l’extérieur de l’endroit où se tenait le mariage d’un Palestinien et d’une juive convertie à l’islam dans la ville de Jaffa, près de Tel Aviv. Certains portaient des pancartes avec le slogan : « Le métissage est un holocauste. »
Les rues de Jérusalem, quant à elles, sont jonchées de prospectus et d’autocollants disant en arabique : « Ne vous avisez pas de lever les yeux sur une jeune fille juive » et en hébreu : « Méfiez-vous des goys [un terme péjoratif pour les non-juifs] - ils vous souilleront. »
Les partisans inconditionnels de Lehava ne dépassent pas quelques centaines, selon le Religious Action Center du mouvement du Judaïsme réformé, qui a filmé les témoignages. Mais d’après eux, Gopstein peut s’appuyer sur le soutien manifeste de milliers d’autres habitants.
David Sheen, un journaliste israélien qui fait des reportages sur des groupes d’extrême droite depuis de nombreuses années, a déclaré à Al-Jazeera : « L’objectif de Lehava est de pousser des jeunes juifs dans les rues, pour créer une force de frappe capable de chasser les Palestiniens des principaux quartier de Jérusalem. »
Mais il y a aussi des gens qui s’inquiètent des conséquences de l’incitation de Lehava sur l’opinion publique israélienne.
Aviv Tartasky, qui fait de la recherche sur le terrain pour Ir Amim, un groupe israélien qui milite pour un traitement équitable des Palestiniens à Jérusalem, a déclaré à Al Jazeera : « L’idée de sauver des femmes juives des Arabes – de les ramener au judaïsme – est populaire en Israël, même dans la gauche. Et si la plupart des juifs israéliens n’approuvent pas leurs méthodes, leur violence, ils approuvent leurs objectifs. »