La présentation du dossier (un dossier en douze articles, rédigé par un certain « Marcuss » qu’on imagine fasciné et peu entreprenant) :
Pendant 6 mois, je me suis plongé dans les écrits de la manosphère (MGTOW, Incel, Zemmour, Soral, etc.), pour analyser les complémentarités et les divergences idéologiques. Alors que l’antiféminisme gagne en puissance tout en se radicalisant, il est indispensable de montrer sa dangerosité pour faire cesser le déni.
La présentation de l’article sur « Alain Soral, apologiste du harcèlement sexuel » :
Cet article est le deuxième sur le masculinisme de Soral. À travers celui-ci, j’expose trois caractéristiques propres à son antiféminisme à partir de ses textes de référence : la déresponsabilisation des harceleurs sexuels ; la mise en place d’une « pédagogie » du harcèlement de rue ; la relativisation des violences sexuelles.
Plan de l’article
La construction du dragueur
Les techniques de drague (techniques harcèlement)
Relativisation et apologie des violences sexuelles
Le dragueur, un proche du meurtrier
Introduction
En 1996, Alain Soral publie Sociologie du dragueur. Cet ouvrage le fait connaître en France et reste actuellement le plus vendu de l’auteur avec 50 000 exemplaires [1]. Malgré son titre, ce livre n’a rien d’une démarche sociologique. C’est un condensé de propos misogynes et homophobes, avec des références psychanalytiques pour appuyer une pseudo-« rigueur scientifique ». Avant de commencer cet article, je dois faire une précision. Ce qu’Alain Soral nomme la « drague » de rue doit être comprise comme un synonyme du harcèlement sexuel. Ainsi, si j’utilise dans ce texte le terme de drague pour rester en adéquation avec le livre, il faut comprendre cette activité comme une pratique de harcèlement.
Dans un premier temps, j’analyse comment Soral disculpe les dragueurs (harceleurs sexuels) en pathologisant leurs conduites et en responsabilisant les mères. Ensuite, je montre sur quoi repose sa « pédagogie » du harcèlement sexuel. En effet, il partage avec ses lecteurs des « techniques » misogynes, qui vont de la manipulation psychologique à l’atteinte physique. Pour finir, j’expose les relativisations, voire les apologies des violences sexuelles auxquelles se livre le masculiniste Soral.
1. La construction du dragueur
Alain Soral psychologise la question de la drague à travers la psychanalyse, ce qui lui permet de promouvoir une rigueur scientifique de surface. Ainsi, la condition du dragueur serait la résultante d’une pathologie familiale. Par ce procédé, Alain Soral déresponsabilise le dragueur (harceleur), mais surtout, il projette hors de ce dernier les responsabilités qui vont être incorporées aux parents, principalement aux mères.
La pleine responsabilité de la mère
Dans un premier temps, le dragueur aurait souffert d’une mauvaise mère, une relation perverse qui reposerait sur le manque et dans laquelle l’amour serait étranger [2]. Que ce soit la faiblesse « naturelle » qui dominerait la conscience de la mère, de son indifférence ou de son absence envers l’enfant [3], cet enfant devenu adulte vivrait avec une part de lui dépourvue d’amour. Le dragueur serait constitué par ce manque d’amour qui expliquerait son comportement de harceleur, et Soral utilise le concept psychanalytique de sublimation pour le justifier.
En effet, pour le dragueur dépourvu d’amour, le monde ne serait pas fait pour lui. Il doit donc partir à sa découverte, une quête qu’il sublimera à travers la drague de rue et qui poursuivrait la finalité inconsciente de retrouver l’amour originel avec la mère qu’il n’aurait jamais eu [4] : « Le dragueur est simplement cet homme à qui sa mère manque plus que aux autres hommes et qui passe tout son temps à la chercher. » [5] Ce « manque de mère » provoquerait donc une fixation infantile qui pousserait le dragueur à vouloir combler ce vide : « La quête de la mère absente la pousse à l’action. » [6]
En d’autres termes, Alain Soral justifie le harcèlement sexuel du dragueur qui serait, en fin de compte, un comportement pathologique provoqué par sa mauvaise mère. Le harceleur est donc une victime, victime des femmes, et de sa mère en priorité. [7]
La relative responsabilité du père
Pour Alain Soral, la pathologie du dragueur serait aussi le fruit d’un mauvais père. Dans sa grille de lecture misogyne, les rôles parentaux sont le fruit de déterminations psychiques et biologiques. Soral assigne les mères au foyer et aux seules aptitudes psychologiques, alors que les pères détiennent un rôle économico-politique dans la société, avec des fonctions d’autorité et de préparateur d’avenir des enfants. Cependant, un père absent, faible et dominé, ou hostile (maltraitant) [8] réduirait la perception de l’enfant à ne voir le monde que comme le prolongement de sa mère, sous le mode de l’affectif, du sentimentalisme et de la séduction. [9]
Le dragueur serait donc le fruit de la mauvaise mère et du mauvais père. Or, si la recherche d’amour originel avec la mère serait la quête principale du dragueur qu’il sublimerait dans la drague (le harcèlement de rue), Soral donne donc à la mère une responsabilité plus grande [10]. Les femmes sont, et restent toujours, le principal problème.
L’homophobie de Soral
Comme tout masculiniste, l’homophobie est un paradigme de la grille de lecture soralienne. Pour lui, la sexualité homosexuelle serait la conséquence d’une pathologie familiale dont la mère est – comme toujours – responsable, au même titre que la pathologie du dragueur, ou de la pédosexualité : « Quoi qu’en pensent certains esprits particulièrement confus, l’amour des pédés n’est ni naturel, ni normal au regard du seul critère transcendant à toute idéologie qu’est la vie [11] (…) Nous savons qu’une relation trop privilégiée avec la mère peut générer, dans l’esprit de l’adolescent, une image affective si forte qu’elle refuse de s’effacer devant la jeune fille. Ce jeune homme, appelé communément "tapette", souffre de la pathologie inverse à celle du dragueur. L’un a eu trop de mère, l’autre n’en a pas eu assez. » [12]
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Pour éviter de dire n’importe quoi,
le mieux reste encore de lire le livre !
Redécouvrir la finesse du réel (loin des fantasmes de certains)
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À revoir : la bande-annonce de Confession d’un dragueur, le film d’Alain Soral
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Images d’archives : Alain Soral et la conquête des femmes (1996)
Drague, séduction et éternel féminin : revoir également le passage d’Alain Soral chez Mireille Dumas en 1994 !