La guerre Chine/États-Unis est-elle inéluctable ?
C’est la question qui ressort de la lecture d’un long article du grand quotidien libéral américain, traduit par le quotidien français néolibéral L’Opinion. Un article hautement intéressant qui met face à face les capacités militaires et organisationnelles des deux grands pays. Certes, il s’agit avant tout d’un article américain, mais il est moins propagandiste que ceux du New York Times, complètement inféodé au lobby militaro-industriel, puisqu’il valide à chaque fois toutes les guerres d’agression, avant de faire un vague mea culpa ensuite.
Le NYT, c’est Le Monde : il suit toujours la ligne du pouvoir profond. Le WSJ a moins besoin de mentir, désinformer ou dissimuler, c’est le journal des marchés et il ne se paye pas de mots. S’il ment, il perd de l’influence auprès des grands opérateurs économiques, qui ont besoin d’informations fiables pour leurs investissements. On peut tromper le lecteur démocrate de la côte est, on ne doit pas rouler dans la farine le grand patron. En un mot, le WSJ, c’est pas Libé !
Concrètement, cette comparaison entre les deux armées va plus loin que le comptage des hommes (2 millions de soldats chinois contre 1,4 côté américain) et des matériels (12 porte-avions US contre 3 chinois), car une armée nombreuse n’est pas forcément une armée opérationnelle et, surtout, aguerrie.
Sans entrer dans les détails, le WSJ explique que si l’armée chinoise a presque rattrapé l’armée américaine d’un point de vue matériel, elle est loin de ses capacités opérationnelles et plus encore, en matière d’opérations interarmées (le concept d’interarmisation), ce qui est la caractéristique de la guerre moderne, voir le conflit russo-ukrainien. Là où le bât blesse, c’est que les Chinois, à l’inverse des Américains (et là le WSJ ne s’étale pas sur le sujet), à part le conflit frontalier avec le Viêt Nam en 1979, n’ont pas été à l’épreuve du feu. Autrement dit, on ne sait pas comment l’armée chinoise réagirait pendant un conflit.
Certes, des manœuvres existent, mais elles n’ont pas de valeur sur le temps long. C’est pourquoi les Chinois font des exercices entre Chinois, avec des rouges contre des bleus – les rouges étant les Chinois et les bleus les soldats de l’OTAN ! – , mais aussi avec les Russes, comme en 2021, des exercices qui ont impliqué 10 000 militaires. Les Russes font profiter les Chinois de leur expérience du combat, depuis les guerres de Tchétchénie (1994-1996 et 1999-2000) jusqu’à la guerre en Syrie à partir d’octobre 2015.
Si l’équilibre quantitatif entre l’APL et l’US Army est presque atteint (les Chinois en sont à leur 3e porte-avions et leur système de missiles leur confère une supériorité en mer de Chine), il en est autrement de l’aspect qualitatif des troupes : les jeunes Chinois instruits préfèrent largement l’entrée en université (technique) à l’entrée dans l’armée. L’armée chinoise a du mal à attirer les talents, et elle a longtemps servi à donner un travail aux jeunes Chinois pauvres des provinces. L’aspect social de l’armée du peuple montre ici ses limites, et Xi est en train de changer cela, en proposant plus d’avantages aux étudiants dits brillants, notamment sur la gratuité des soins et la qualité de la nourriture. De plus, l’accent étant fortement mis sur l’éducation politique pour les recrues, on apprend plus de théories communistes que de théories militaires. La politisation de l’armée et le niveau des recrues donnent donc, pour le WSJ (conseillé par un spécialiste de Stanford), un avantage certain aux Américains. Cependant, Xi, qui vient de raffermir son pouvoir au 20e congrès du PCC, a comme horizon 2035 pour la modernisation totale de son armée et 2049, le centenaire de la Chine moderne, pour le leadership mondial. Tout simplement.
En attendant, le pouvoir chinois, ultra efficace, investit dans le rattrapage des capacités américaines, on pense à la puissance aéronavale qui ne se fonde pas que sur les porte-avions, puis aux chasseurs à réaction de précision, aux drones et aux troupes d’assaut, tout ce qu’il faut pour reprendre Taïwan aux Américains, puisqu’on en est là.
Ce sont justement ces hommes et matériels qui font des exercices conjoints avec les Russes (qui sont passés de 2 par an à 10 depuis l’accession de Xi au pouvoir). Les Chinois ont désormais leurs propres navy seals, largement au niveau de leurs adversaires, et disposent, à l’inverse des Américains, de missiles hypersoniques, quasiment inarrêtables. De plus, ils sont en pointe en matière de cyberguerre, et les spécialistes américains de l’armée chinoise pensent que cette dernière est capable, à distance, de bloquer gazoducs, oléoducs et système ferroviaire sur le sol américain. Pas la peine de placer des bombes physiques, comme pour Nord Stream...