Depuis plusieurs années, le journal Le Monde compte sur les habituels pamphlets antichavistes de ses collaborateurs Marie Delcas et Paolo Paranagua.
La première est correspondante du journal pour couvrir les événements au Venezuela. Petit détail, elle est en poste à Bogota, soit à 1400 kilomètres de Caracas. Ça peut paraître assez étrange. On imagine assez mal un correspondant en Espagne relatant les derniers événements tragiques de Catalogne depuis Paris. Pourtant la distance entre les deux villes européennes est plus courte que celle qui sépare les deux capitales latinos. Pour remédier à l’éloignement, la dite correspondance relève plus du commentaire élogieux des opinions de l’opposition à la Révolution bolivarienne. Mais ça, le lecteur du Monde n’en saura rien.
La deuxième personne est un éditorialiste. Il s’agit de Paolo Paranagua, alias le Comandante Saúl, responsable de plusieurs attentats dans les années 70 comme le rappelait encore Jean-Luc Mélenchon [1]. Viscéralement opposé aux gouvernements populaires d’Amérique Latine, Mr. Paranagua confond, depuis maintenant de nombreuses années, propagande politique et journalisme, et massacre régulièrement la notion d´information honnête et équilibrée. Mais ça, le lecteur du Monde ne le sait pas.
À ces deux militants politiques qui, sous couvert de leur carte de presse, relaient les tracts les plus odieux de l’extrême droite vénézuélienne, s’ajoute désormais un troisième larron.
Depuis maintenant deux semaines une envoyée spéciale du Monde, Fanny du Villars, rédige des écrits à charge contre la Révolution Bolivarienne dans le plus grand mépris de toute déontologie et en claire violation de la Charte de Munich (au moins en ce qui concerne les articles 1,3,6,8,9 relatifs aux devoirs des journalistes). Or Fanny du Villars n’existe au Monde que depuis deux semaines, et n’a jamais rien écrit auparavant pour ce journal, ni pour aucun autre média.
Fanny De Villars n’est pourtant pas une inconnue au Venezuela. Née en 1775 en France, c’est une lointaine cousine du Libertador Simon Bolivar, avec qui celui-ci aurait entretenu une relation amoureuse et a correspondu jusqu’à la fin de sa vie. Fanny De Villars est décédée le 21 décembre 1837, près de Lyon. Ce que l’on sait moins c’est que, visiblement, elle serait revenue à la vie, et travaillerait désormais pour le groupe de communication de messieurs Pigasse, Bergé et Niel.
Certaines mauvaises langues qui ne croiront pas un seul instant à cette histoire de réincarnation pencheront plutôt pour dire qu’il s’agit là d’un pseudonyme. Or le titre d’« envoyée spéciale » confère une certaine légitimité aux faits rapportés par une personne qui est sur place, et qui est censée nous proposer une vision fidèle des événements. Mais si cette personne n’existe pas, on peut se demander s’il y a vraiment un envoyé spécial du journal Le Monde au Venezuela ? Et si oui, pourquoi alors utiliser un pseudonyme ? Il y a, à Caracas, des dizaines de journalistes étrangers travaillant pour des médias ou des agences internationales, et à notre connaissance, aucun ne se cache derrière le masque de l’anonymat. Ce qui nous amène à nous demander qui est derrière ce pseudonyme et surtout d’où vient l’information que Le Monde offre à ses lecteurs.
En effet, « Fanny du Villars » est-elle une personne directement liée aux franges les plus radicales de l’opposition vénézuélienne et dont la crédibilité ne résisterait pas à l’examen de son curriculum politique ? Est-ce un membre de la « Resistencia », ces groupes connus pour avoir brûlé vif des afro-vénézuéliens parce qu’ils ressemblaient à des chavistes ? Qui écrit ? Qui nous informe ? Un journaliste qui nous rapporte des faits ou un mercenaire de l’information, payé pour tergiverser et mentir sur la réalité du Venezuela ?
Les articles du spectre Fanny du Villars sont tellement caricaturaux qu’on peut aussi légitimement se demander s’il ne s’agit pas de travaux élaborés par un bureau de diplomatie publique, et qui échoue dans les pages d’un journal qui se prêterait au jeu de la propagande. Un grand classique qui nous renvoie aux actions menées par Otto Reich et à l’Office of Public Diplomacy for Latin America and the Caribbean du gouvernement des États-Unis lors de la guerre contre le Nicaragua Sandiniste [2].
Il ne s’agit là, évidemment, que d’hypothèses mais une chose est sûre : les articles de l’« envoyée spéciale » Fanny du Villars ne sont pas l’œuvre d´un journaliste honnête dont le but est d’informer ses lecteurs.
Le journal Le Monde est une nouvelle fois pris la main dans le sac de la propagande de guerre. Derrière « Fanny du Villars », c’est notre droit à être informé qui est piétiné par le quotidien de révérence au pouvoir dominant.