Pierre de Brague se demandait dans son émission On nettoie l’info jusqu’où Le Monde allait-il descendre. Il n’y a pas de réponse, tant le quotidien nous surprend par ses possibilités d’apnée abyssale.
Ce samedi 11 mars 2017, il tresse les louanges de Rudy Reichstadt, le délateur professionnel de Conspiracy Watch (le français, c’est pour les chiens ?), l’œil de l’oligarchie qui traque tout ce qui ne pense pas selon le dogme dominant, cet amalgame de sionisme, féminisme, LGBTisme, antiracisme, antifascisme.
Sous le titre très antifasciste « Conspiracy Watch : les théories du complot ne passeront pas par lui », le journaliste Samuel Blumenfeld, le spécialiste des questions sionistes et antisionistes au Monde, déroule le tapis rouge à celui qui dénonce les résistants à l’Ordre médiatique.
La photo de l’article est prise au débotté, dans l’entrée d’un immeuble, comme si Rudy voulait se cacher, ou fuir quelque chose. Peut-être que son travail spécial – les Allemands auraient dit un Sonderarbeit – ne lui attire pas l’amour de ses contemporains, toutes tendances et confessions confondues. Mais le chevalier du Sionisme poursuit la Bête jusque dans les entrailles de l’Internet qui, c’est le moins qu’on puisse dire, n’est pas très favorable à son camp. La plupart des sites sionistes sont bidon ou rattachés à une même entité, alors que les sites de réinformation, pas forcément antisionistes par ailleurs mais pas non plus sionistes, sont légion.
Le travail de Rudy s’apparente de plus en plus à un illuminé qui veut vider l’océan avec une cuiller. Mais la vocation, ou l’obsession, est affaire personnelle.
Lorsque Rudy Reichstadt a créé en 2007 – « dans [son] coin », précise-t-il – Conspiracywatch.info, un site Web qui décortique les théories du complot, les différentes rumeurs et fausses informations qui pullulent sur Internet, mesurait-il l’ampleur de la tâche ? En tout cas, les nuits de cet homme de 36 ans sont, depuis, aussi longues que ses jours. Car la matière semble inépuisable.
Blumenfeld – champ de fleurs, en allemand – rappelle que c’est Rudy qui a lancé l’affaire « Sauton », le pseudo-nazi déguisé en comédien qui aurait abusé de la naïveté du pauvre Michel Drucker. Dans le même ordre d’idées, il faudra penser à passer la boulangère de Dieudonné à la question, la tête dans la baignoire, pour qu’elle explique à Rudy pourquoi elle ne vend pas de baguette empoisonnée (ou au moins ramollie de la veille) à l’infâme humoriste qui ne fait plus rire Manuel Valls et le CRIF. L’affaire Sauton, qui sort opportunément deux mois avant le 1er tour des présidentielles, alors que sa participation à L’Antisémite de Dieudonné est connue de tous depuis des années...
Et là, on touche au sublime du noble métier de délateur :
Après avoir lu ce rappel sur Conspiracy Watch, Olivier Sauton a directement contacté Rudy Reichstadt sur Twitter, pour déplorer cette « chasse aux sorcières » avant de rompre tout contact, lorsque les questions du patron du site se sont faites plus insistantes.
Zigounette & Reichtag contre les nazistes
Blumenfeld rappelle que Rudy est bénévole, et s’appuie « sur un réseau d’informateurs ». On y croit ! Mieux, Rudy a tellement de travail – de délation – qu’il a dû quitter son job à la mairie de Paris pour se consacrer à sa noble tâche à plein temps. Le job ? Un poste au bureau, accrochez-vous, « des affaires financières à la direction de la jeunesse et des sports de la ville de Paris »... Les Parisiens seront heureux d’apprendre qu’ils ont subventionné ça. Désormais, c’est la Fondation pour la mémoire de la Shoah qui prend le relais (quel rapport avec Constipaty Watch ?), et subventionne le héros. Il a même embauché l’historienne spécialisée dans le « négationnisme et l’extrême droite » Valérie Igounet.
On vous laisse reprendre votre respiration, et on reprend. D’où vient la vocation de Rudy ? Il répond lui-même :
« En 2005-2006, on apprenait que la vidéo la plus vue sur le Net était ce qui est devenu le film complotiste majeur sur le 11-Septembre, intitulé Loose Change. Ce film, réalisé par trois adolescents qui se sont auto-intoxiqués, expose tous les arguments qui nourriront les thèses du complot, à savoir que les attentats du 11-Septembre ont été fomentés par des personnes au sein du gouvernement américain. Le film a fait des millions de vues, à une époque où les réseaux sociaux n’avaient pas du tout le même poids. Je voulais donc apporter des ressources savantes sur cette question, montrer que derrière ces théories, il y a des théoriciens du complot, et réinscrire ce phénomène dans le temps long de l’histoire des idées politiques. »
« Des ressources savantes »... le premier qui rit... On a bien compris, Rudy doit désintoxiquer les Français qui croient à une opération interne du pouvoir profond US, et pas à un coup des gardiens de chèvres du Waziristan. La tâche est noble, là encore, mais difficile. Il se peut qu’il y passe sa vie, sans avancer d’un centimètre. Car un sondage de 2016 donne 28% des Français « contaminés » par la thèse alternative. Et ça monte. De moins en moins de citoyens croient les salades de l’oligarchie et de ses valets. L’argent a beau être prélevé sur le trésor national, rien n’y fera : les faits sont têtus, et la cohérence encore plus. Mais Constipationy Ouatch a plus d’un tour dans son sac.
Le site « va mettre en ligne des vidéos décortiquant ces thèses » !
« Il faut rattraper par la manche ceux qui pourraient basculer. Quand un adolescent aura vu une vidéo d’Alain Soral, si on lui suggère une autre vidéo sur le même thème, mais remettant en cause ces thèses, cela peut ébranler ses convictions. Il faut instiller le doute sur la théorie du complot, avec un harcèlement argumentatif. »
Ah, merveilles de la propagande et des propagandistes... Cependant, on rappelle à Rudy que la surveillance des propos publics par des intérêts privés, c’est pas très moral. Même le très respectable RSF trouve qu’il y a des limites :
À l’occasion de la journée mondiale contre la cyber-censure, Reporters sans frontières (RSF) publie son rapport Censure et surveillances des journalistes : un business sans scrupules. L’ONG y dénonce la soumission des géants du web face à des régimes répressifs au nom de l’intérêt économique et les nombreux cas de surveillance en ligne de journalistes. L’ONG plaide en faveur de mécanismes internationaux de régulation contraignants.