Nous sommes sur Le Média, dans Le Journal du 22 janvier 2018. Aude Rossigneux, dont Laurent Ruquier s’est longuement moqué pendant son dernier ONPC lors de l’invitation de la paire Miller-Chikirou, prend une mine de circonstance. L’heure est grave, la minute sombre : il s’agit de chroniquer le film de Claude Lanzmann vendu à Arte, les témoignages de quatre femmes qui ont survécu à la Shoah. Beaucoup de larmes, beaucoup de souffrance.
Aude va devenir célèbre dans toute la France avec sa manière de présenter les informations. Au-delà de sa lenteur calculée (marquer sa différence avec la vitesse des JT actuels), elle injecte à la manière d’un Roger Gicquel (« La France a peur ») de l’émotion dans ses lancements.
Nous sommes à 20’35 du début. Sa seule mine nous indique qu’on est, avec Lanzmann et la Shoah, dans le Très Grand Sérieux. Les petites boutades entres nanas du Journal et les rires complices du début n’ont plus lieu d’être : il ne manque que le violon du ghetto et la lumière sépulcrale pour donner à l’ensemble la solennité que le sujet requiert.
Les deux Aude à la tête du Journal ne devraient pas montrer des images trop douloureuses à la jeune Léa, qui a semble-t-il été traumatisée. Ces photos en début et en fin de JT le prouvent :
- Léa en début de JT quand elle annonce son sujet
- Léa en fin de JT quand on parle de Shoah
Aude Lancelin, dans les traces de la présentatrice, prend son air le plus grave pour décrire la genèse de cet énième opus tiré des rushes de Shoah. Son phrasé est lent, lourd de gravité. Après les extraits, Aude (Rossigneux) doit reprendre son souffle, tant sa souffrance est intense. Elle vit, par empathie, la souffrance indicible des femmes interrogées il y a près de 50 ans par Claude Lanzmann.
Aude à 22’19 : « Ouf, ça coupe le souffle. »
Et enchaîne avec une question complètement idiote, qui ruine tout l’effort dramaturgique précédent :
« Ces quatre femmes, est-ce qu’elles sont vraiment sœurs ? »
Aude Lancelin explique, pour les lents d’esprit qui regardent le Journal : « Non, en réalité elles ne sont sœurs que de destin. »
Alors qu’on est dans un JT, c’est-à-dire un journal d’information quotidien, fait des actualités du jour, Le Média consacre plus de 7 minutes, soit un quart du JT, à la promotion du film de Lanzmann. Un film qu’il faut voir absolument, mais on ne sait pas trop pourquoi. Il y a sûrement une raison mais elle n’est pas dite.
Lancelin à 27’17 : « À voir absolument. »
Rossigneux reprend, pour les malcomprenants : « Absolument. Merci, Aude. »
Comme on est des journalistes sérieux, on a regardé le premier volet de Quatre Sœurs et ce qui ressort de ce témoignage, c’est que certaines ont pu survivre en devenant les collaboratrices des Allemands, que ce soit dans les camps ou en dehors des camps. C’est peut-être pour ça que Lanzmann n’a pas intégré ces témoignages en entier dans la version finale de Shoah : ils donnaient du peuple juif et de la Shoah une image un peu controversée.
Heureusement, à la fin de ce premier épisode, une tirade ultrasioniste de la survivante vient remettre les choses à l’endroit. Le lien entre Shoah et légitimité de l’État d’Israël est fait.
Voici ce premier volet :
Le Média, ce média « indépendant », n’aura pas mis bien longtemps à baisser sa culotte.