Le Mali possède de nombreuses ressources naturelles allant des mines d’or jusqu’aux innombrables rizières. Paradoxalement le peuple malien mange un riz industriel venant de l’Orient… Investig’Action s’est entretenu avec Eric Pauporté, spécialiste du Mali. Il nous a éclairé sur la question et nous a demandé de veiller au grain…
L’attitude du pouvoir politique malien et le contrôle de la région par la France s’expliquent-ils par le problème du contrôle des richesses et de l’indépendance économique du Mali ?
Effectivement, il y a un contrôle autant politique qu’économique. C’est toute la politique enjointe par la France et le FMI avec son réajustement structurel qui a barré la route aux développements possibles.
Qu’est-ce que le FMI a dit au Mali et dans quelles circonstances ?
Le marché mondial a provoqué un appauvrissement du pays par étranglement. Un des mécanismes d’étranglement était la spéculation sur le coton. Dans les années nonante, le FMI a engagé le Mali dans une production à grande échelle de coton pour l’exportation. Le marché mondial a réduit fortement le prix du coton malien. Cette spéculation a endetté le Mali. Ils se sont tournés vers le FMI qui leur prêtait de l’argent sous les conditions de sacrifier tous les investissements publics et de s’ouvrir à l’investissement étranger. Résultat, toutes les richesses et ressources naturelles ont été bradées. Le chemin de fer a été vendu à une compagnie canadienne pour 107 millions de Francs CFA, autant dire rien du tout. C’est un pillage ! Pour ce qui est des mines, les multinationales ont acheté les terres aux paysans à 54€ pour 7 hectares. Les paysans se retrouvent sans rien après.
Et qui achetait ces terres ?
Morila SA, c’est la société d’extraction qui appartient à Anglogold issue du consortium Anglo American et à Randgold qui appartient à Oppenheimer-Debeers (monopoliste sud-africain).
Avec quels intérêts ?
L’intérêt est le contrôle total sur le pays. Le Mali est disséqué. Regardez la carte minière du Mali. C’est un territoire qui a été privatisé et repartagé comme un gâteau entre les multinationales.
Que pouvez-vous nous dire sur l’Office du Niger ?
L’Office du Niger est la régie des terres de rizières dans le delta intérieur du Niger non loin de la ville Ségou. Cet Office appartient à l’Etat. Il y a une énorme plaine très bien irriguée par le Niger se trouvant en aval du barrage de Markala. La plaine a un potentiel de production de riz de plus d’un million d’hectares. Elle a la capacité de nourrir toute l’Afrique de l’Ouest ! L’Office du Niger a la responsabilité d’entretenir toute cette plaine.
Les paysans ont-ils le droit d’exploiter cette plaine ?
Oui, ils peuvent exploiter à condition de louer ces terres. Concrètement, ils payent une redevance sur l’entretien du réseau d’irrigation. Ces taxes sont coûteuses et ne servent qu’à remplir les poches des personnes qui sont au pouvoir. En plus de toute l’infrastructure qui accompagne l’Office : il y a des usines d’engrais, des usines d’huiles qu’ils extraient à partir des noyaux de coton. Toute les infrastructures du domaine public ont été liquidées. Aminatou Toumani Touré, le président déchu, les a vendues les unes après les autres pour pas un sou aux multinationales et aux fonctionnaires corrompus. Dans toutes ces terres vendues, le pouvoir a chassé les paysans par milliers.
Comment les paysans ont-ils vécu cela ?
Cela a éveillé un mécontentement énorme. Il y a eu des luttes armées. Un des élus locaux, du parti SADI (opposition de gauche) a été assassiné juste après l’élection. Après cela, une loi a été érigée sur la réforme agraire. Elle consiste à donner un titre de propriété d’une terre à qui la revendique. Traditionnellement, les terres appartiennent à la collectivité. Mais comme les paysans sont endettés, ils ne peuvent que les vendre, c’est un cercle vicieux !