L’appel d’un important dirigeant du Hamas à ouvrir de nouveaux fronts contre Israël à partir du Liban n’a été ni confirmé ni démenti par l’organisation, ce qui soulève des questions.
Le 5 février dernier, lors d’une conférence de presse dans la bande de Gaza, un important dirigeant du Hamas, Mahmoud al-Zahar, a appelé, à la surprise générale, à la formation de groupes militaires affiliés aux Brigades Izz al-Din al-Qassam dans les camps de réfugiés palestiniens du Liban. Il a demandé aux fronts arabes, libanais et syriens de laisser à Al-Qassam se battre contre Israël à partir des frontières nord de la Palestine.
Le Hamas n’a ni confirmé ni nié officiellement l’appel de Zahar, et l’organisation s’est contentée d’indiquer que cette idée faisait l’objet d’une discussion interne. Mais il y a des pressions au sein du Hamas en faveur de l’activation immédiate de fronts étrangers pour confronter l’armée israélienne, en particulier aux frontières libanaises, syriennes, jordaniennes et égyptiennes, sachant que cette idée pourrait provoquer des problèmes internes avec ces pays.
« Lorsque le Hamas prend des décisions opérationnelles liées à la résistance armée, il ne les annonce pas [publiquement] pour préserver l’effet de surprise dans sa lutte contre Israël », a déclaré le porte-parole du Hamas basé à Doha, Hossam Badran, dans un entretien téléphonique avec Al-Monitor, et il a ajouté :
« Le Hamas estime que le principal théâtre de confrontation contre l’occupation israélienne se situe à l’intérieur de la Palestine. C’est pourquoi il a toujours, dans le passé, concentré ses opérations armées seulement à l’intérieur du pays. Mais cette politique ne doit pas nécessairement rester inchangée, car c’est un fait qu’Israël cible le Hamas et les autres [organisations] à l’extérieur de la Palestine ».
Un chef militaire du Hamas a déclaré à Al-Monitor sous couvert d’anonymat :
« Pour les forces armées palestiniennes, la priorité est d’affaiblir l’armée israélienne pour l’empêcher de concentrer toutes ses forces contre Gaza. Les autres pays frontaliers arabes devraient aussi faire en sorte qu’Israël se sente menacé sur tous les fronts ».
L’appel du Hamas à étendre la résistance à l’extérieur de la Palestine est controversé parce que l’organisation a toujours affirmé qu’elle limitait son combat contre Israël aux territoires palestiniens occupés. Elle a jusqu’ici également refusé d’élargir la confrontation militaire au-delà des frontières de la Palestine pour éviter d’avoir des problèmes politiques et sécuritaires avec les États arabes qui ont de longues frontières communes avec Israël.
Le 11 février dernier, Al-Qassam a encore affirmé qu’il n’avait pas de combattants ni de dirigeants opérant à l’extérieur de la Palestine parce que sa zone d‘opération était limitée aux territoires occupés.
Plusieurs jours ont passé depuis l’annonce sans précédent du Hamas de son projet de créer des cellules armées contre Israël au Liban ; pourtant, le Liban n’a pas réagi officiellement et le Hezbollah reste silencieux. Mais les factions palestiniennes ont exprimé, le 28 janvier, leur souhait de voir un front unifié se former contre l’occupation israélienne, en soutien à l’opération du Hezbollah contre Israël aux fermes de Chebaa.
Abou Ahmad Fouad, secrétaire général adjoint du Front palestinien pour la libération de la Palestine, a été un des premiers à prôner la création de groupes armés et l’ouverture de nouveaux fronts pour lutter contre Israël. Le 6 février, il a demandé que des fronts soient ouverts, secrètement et publiquement, par toutes les forces de résistance de tous les États arabes - pas seulement Al-Qassam.
Abu Imad al-Rifai, le représentant du Jihad Islamique au Liban, qui est le meilleur allié du Hezbollah, a confirmé le 10 février que la mobilisation palestinienne pour déclencher des opérations armées dans les camps de réfugiés nécessite une coordination avec les parties libanaises. La structure sectaire du Liban est en effet la principale raison qui empêche les Palestiniens de résister à l’occupation, selon Rifai.
Le Hamas est bien conscient que le Liban est encore marqué par la présence militaire palestinienne des années 1970 et 1980, à savoir l’Organisation de libération de la Palestine (OLP). Pendant cette période, Israël a attaqué le Liban à cause de la résistance palestinienne aux colonies israéliennes. L’État libanais acceptera-t-il que l’histoire se répète, cette fois avec le Hamas ?
Badran, qui était le leader d’Al-Qassam dans le nord de la Cisjordanie, il y a quelques années, a déclaré à Al-Monitor :
« C’est le droit du peuple palestinien, mais si le Hamas doit entrer en confrontation militaire contre Israël à partir des zones frontalières arabes, il devra prendre en compte l’expérience de l’OLP au Liban. Nos opérations armées ne doivent pas se faire au détriment des peuples arabes ».
Le Hamas a beaucoup souffert à Gaza pendant la guerre de Juillet-Août 2014, quand Israël a concentré impitoyablement tous ses efforts sur la bande de Gaza, 51 jours durant. Pendant cet implacable assaut, les autres fronts autour de la Palestine sont restés silencieux, aucune roquette n’a été lancée sur Israël, aucune opération armée n’a été effectuée.
Le calme qui a prévalu dans les pays arabes entourant Israël pendant la guerre de Gaza a soulevé la colère du Hamas. Des appels ont été lancés aux Arabes depuis les couloirs du mouvement pour les enjoindre à assumer leur rôle dans la lutte contre Israël et ne pas laisser Gaza mener tout seul ce combat.