Ce n’est plus un secret qu’il y a eu un rapprochement rapide entre le Hamas, le Hezbollah et l’Iran. Le couronnement de ce rapprochement serait une visite de Khaled Mechaal - responsable du bureau politique du Hamas - à Téhéran pour marquer définitivement le retour du Hamas dans l’Axe de la Résistance.
Ce qui est nouveau dans la relation entre le Hamas et le Hezbollah, c’est que le secrétaire général du Hezbollah Hassan Nasrallah ait annoncé à la télévision le 15 janvier les intentions sérieuses du Hamas de rétablir ses relations avec la résistance libanaise et l’Iran. Selon Nasrallah, cette décision a été prise par la direction du Hamas à l’intérieur [de la Palestine] et à l’étranger, et les relations bilatérales auraient parcouru une longue route.
Le ton utilisé par Nasrallah pour parler du Hamas a produit un effet positif sur ce mouvement, sachant que ce discours de réconciliation n’est pas apparu du jour au lendemain. Cela a plutôt été le fruit d’une série de réunions entre le Hamas et le Hezbollah à Beyrouth, au cours desquelles le Hezbollah a estimé que le Hamas était sérieusement disposé à dégeler les relations qui s’étaient fortement dégradées entre les deux organisations sur la question syrienne. Les jours à venir pourraient révéler d’autres mesures positives en faveur du rapprochement.
Ce rapprochement entre le Hamas et le Hezbollah a donné au Hamas un peu d’espace pour respirer, lui permettant de sortir en partie de l’isolement politique qui lui a été imposé dans les derniers mois, après le boycott de l’Égypte, le rapprochement entre les pays du Golfe et le Qatar et la pression appliquée sur la Turquie pour avoir accueilli des officiels du Hamas.
Le Hamas a rapidement confirmé les informations sur ce rapprochement dans un message attribué à Mohammed al-Deif, dirigeant des Brigades Izz al-Din al-Qassam, et adressé à Nasrallah. Dans sa lettre, Deif offre ses condoléances pour la mort des dirigeants du Hezbollah dans l’attaque de Quneitra le 18 janvier. De plus, Deif appelle Nasrallah à diriger ses armes contre Israël, afin que les deux parties puissent affronter en étant unies leur bataille à venir.
Al-Monitor a remarqué que les condoléances du Hamas au Hezbollah à la suite de l’attaque de Quneitra a suscité des réactions contradictoires parmi les cadres du Hamas sur leurs pages Facebook, certains soutenant cette initiative et d’autres non.
Un membre du bureau politique du Hamas, Sami Khater, a déclaré à Al-Monitor :
« Il y a un consensus entre le Hezbollah, le Hamas et l’Iran, et nous n’avons rien changé dans notre politique à leur égard. Nos relations n’ont jamais été coupées, et le Hamas vise toujours à maintenir de bonnes relations avec le Hezbollah et l’Iran dans l’intérêt de la cause palestinienne. »
Un effet concret du rapprochement entre le Hamas et le Hezbollah a été la confusion semée par les déclarations de Meshaal concernant l’opposition syrienne. Il a dit qu’il soutenait les peuples arabes qui se révoltent pour obtenir leurs droits en utilisant « des méthodes pacifiques. » Meshaal faisait allusions aux militants de l’opposition en Syrie.
Le responsable des relations étrangères du Hamas, Bassem Naim, a déclaré à Al-Monitor : « le Hamas a payé un prix élevé en raison de sa position morale concernant la crise syrienne. » Il a accusé l’opposition syrienne de ne rien amener d’autre que la destruction et la fuite sur les routes, et il a condamné l’accusation de l’opposition contre Meshaal, accusé d’être affilié à l’axe iranien.
Le responsable adjoint du bureau politique du Hamas, Ismaïl Haniyeh, a annoncé le 20 janvier son soutien au Hezbollah après les assassinat du 18 janvier [à Quneitra]. Il a affirmé aussi qu’il considérait l’incident comme un message réaffirmant la nécessité de s’unir contre Israël et de travailler sur les mêmes objectifs.
Un responsable libanais qui ont contribué à la médiation entre le Hezbollah et le Hamas a déclaré à Al-Monitor, sous couvert d’anonymat :
« Le parti sera heureux si le Hamas se joint à nous dans toute confrontation avec Israël pour répondre aux derniers assassinats. Cela marquerait le retour du Hamas dans l’axe iranien. Néanmoins, le Hezbollah est bien conscient qu’il n’y a pas d’accord entre les membres du Hamas pour combattre aux côtés du parti dans la prochaine guerre, laquelle peut éclater d’une minute à l’autre ».
Un dirigeant important du Hamas à Gaza, Mahmoud al-Zahar, qui prône fortement le retour du Hamas dans l’axe iranien, a déclaré le 25 janvier :
« Le Hezbollah dispose de suffisamment de puissance pour combattre Israël, mais Gaza le soutient avec les moyens qui sont les siens. »
Cependant, Naim a déclaré à Al-Monitor :
« La bataille contre l’ennemi israélien est une seule et même bataille, indépendamment du front. Sans que cela ait besoin d’être annoncé par un quelconque parti politique, la décision de participer ou non à la prochaine bataille dépend de la nature de la bataille sur le terrain, et non d’une décision politique de soutien ou d’opposition spécifique ».
« Gaza a pris part à la récente guerre. Cependant, la Cisjordanie n’a pas fait de même, bien que le Hamas voulait y étendre la confrontation. La même chose s’applique au Hezbollah. La décision d’entrer dans la confrontation contre Israël est laissée à des considérations qui dépendent du terrain, et cela ne signifie pas que Gaza s’engage automatiquement dans toute bataille qui éclatera dans le sud du Liban », a-t-il dit.
Au milieu de ce rapprochement entre le Hamas et le Hezbollah, des sources du Hamas, sous la condition de l’anonymat, ont refusé de confirmer ou de nier les informations selon lesquelles le Hezbollah avait refusé la demande du mouvement Hamas de déplacer le siège du responsable militaire Saleh al-Arouri de la Turquie à Beyrouth. Ces sources ont indiqué qu’il s’agissait de questions sécuritaires et confidentielles qui ne devaient pas être divulguées aux médias.
Le Hamas semble profiter des déclarations de Nasrallah sur le rapprochement, pour faire pression sur certains pays arabes, en particulier l’Arabie saoudite et l’Égypte, qui ne veulent pas voir le Hamas revenir dans l’axe iranien. Cela permettrait de réduire quelque peu la pression sur le mouvement.
Naim a déclaré à Al-Monitor : « les relations du Hamas avec le Qatar et la Turquie ne seront pas affectées négativement si le mouvement poursuit son rapprochement avec l’Iran et le Hezbollah. La Turquie et le Qatar comprennent bien la politique et les initiatives du Hamas avec Téhéran et Beyrouth. » Naim s’est abstenu de citer nommément d’autres parties régionales qui ne comprennent pas ce rapprochement.
Bien que le Hamas s’engagent maintenant rapidement dans l’axe Hezbollah-Iran, certaines sources à l’intérieur du mouvement conseillent à ses dirigeants militaires et politiques de modérer un peu ce mouvement. Ces sources ne veulent pas que le Hamas se jettent dans un axe qui n’a pas beaucoup à offrir au mouvement.
Ces membres du Hamas estiment que l’Iran croule sous les dettes et la crise économique, et qu’il ne dispose pas de fonds à offrir le Hamas. Dans le même temps, le Hezbollah est totalement impliqué dans le désordre syrien, et il pourrait avoir besoin du Hamas pour redorer son blason devant le monde arabe, plus que le Hamas ne pourrait avoir besoin des armes et de l’aide militaire du Hezbollah.