Le glaive social a encore frappé et tranché la France en deux. D’un côté les Gilets jaunes, de l’autre la bourgeoisie aux commandes. On se croirait revenus en 1871. Le Figaro, qui avait jusque-là gardé une neutralité de bon aloi – il s’agissait d’affaiblir le camp présidentiel – est en train de faire marche arrière et de tomber dans le BFMisme le plus éclatant.
Qu’on en juge seulement par l’avalanche d’articles anti-Gilets envoyés entre mercredi 5 et vendredi 7 décembre 2018, à 24 heures de la réouverture des hostilités, ces JO sociaux à la française. Le plus intéressant, c’est que ces articles, et vous savez à quel point on respecte le féminisme et la parité, ont tous été écrits par des femmes. Complices historiques de la bourgeoisie d’affaires ? C’est aller vite en besogne, mais le rapprochement ne laisse pas d’étonner.
On commence par Angélique Négroni.
« Malgré les appels au calme, les radicaux de tout bord cherchent à profiter du désordre provoqué par le mouvement. Samedi, la police craint la convergence des extrémistes, des jeunes “de cités” et des “insérés”. »
Angélique, qui porte mal son prénom, y va à fond les potirons dans la psychose :
« L’acte IV va se jouer dans une violence inégalée. Les pires prédictions accompagnent désormais le nouveau rassemblement des “gilets jaunes” prévu ce samedi à Paris, qui pourraient de nouveau vouloir rejoindre l’avenue des Champs-Élysées. Alors que la place de la Bastille est aussi évoquée sur les réseaux sociaux, ce mouvement imprévisible pourrait occuper d’autres lieux de la capitale. Les forces de l’ordre s’attendent à devoir adapter leur dispositif tout au long de la journée.
Si l’ampleur de la mobilisation reste ignorée, une violence décuplée s’abattant sur Paris est donc attendue. Tous les indicateurs font, semble-t-il, remonter les mêmes informations. Signe d’extrême inquiétude, l’Élysée a fait savoir dès mercredi qu’il redoutait “une très grande violence” avec un “noyau dur radicalisé” qui viendrait “pour casser et pour tuer”. »
Rien que ça. Autant dire que les Gilets, c’est Daech. Angélique sait à l’avance qu’il va y avoir des morts, ce que personne ne souhaite. Sauf peut-être quelques ingénieurs sociaux qui verront à cette occasion la fin de la contestation et son basculement dans l’horreur des morts et des blessés. Le Système nous prédit donc un attentat samedi 8 décembre, journée de sang avant même qu’elle ait commencé. Angélique poursuit sa démonstration de voyante :
« Toutes ces tentatives pour apaiser les esprits risquent d’être vaines. Une partie des manifestants ne semble plus aujourd’hui écouter que leur colère et ceux qui prônent des actions radicales. Tombant dans une spirale infernale des revendications, ce mouvement qui, au tout début de ses actions, demandait la fin des hausses des taxes sur le carburant en est arrivé, aujourd’hui, et pour certains d’entre eux, à vouloir le renversement de nos institutions. Cette frange la plus dure des “gilets jaunes”, qui sera à Paris samedi, porte en elle la volonté de frapper un grand coup. À ses côtés, à l’instar des précédents rassemblements, des casseurs seront là. “Au début de la contestation, l’extrême droite avait tenté d’infiltrer le mouvement. Mais avec ce climat insurrectionnel, c’est l’extrême gauche qui apparaît désormais majoritairement”, note un responsable qui suit de près l’évolution de la situation. Fait nouveau, dit-il, “cette ultragauche tente de fédérer les cités à cette colère”. »
Bien bien, le chaos, l’émeute, la répression, et l’ordre militaire. Tout semble donc en place pour un petit coup d’État qui permettra d’imposer des lois spéciales. Les réformes du gouvernement banco-fasciste pourront passer ensuite sans problème.
On ne va pas rester autant sur les autres articles qui sont de la même eau mais avec un angle différent. Après Angélique et ses prédictions de guerre civile, voici Laure Mandeville et sa dénonciation vigoureuse de la « révolte populiste ».
« Depuis deux ans, les élites occidentales étaient folles de Macron, ce “jeune roi” si français, si doué, si éduqué, qui allait sauver l’Europe et, pourquoi pas !, l’Occident, le système international et “l’ordre libéral” des griffes des nouveaux “tyrans”. Elles avaient une telle détestation de Donald Trump qu’elles se gargarisaient sans trop réfléchir du slogan macronien visant à “rendre la planète grande à nouveau”. Trop condescendantes vis-à-vis des électeurs trumpiens et autres “brexitiens”, vus comme de “déplorables” inadaptés au nouveau monde, les élites occidentales rêvaient surtout d’un contrepoison et d’un contre-pouvoir au slogan de “l’Amérique d’abord”.
En fait elles se berçaient d’illusions, comme elles le réalisent maintenant avec une stupeur et une profonde inquiétude, qui transparaît à travers la presse étrangère, émue, à juste titre, par la brutalité des scènes de violence et “l’air de guerre civile”, qui, note la correspondante du Time à Paris, traverse toute la France. “On a coupé des têtes pour moins que ça”, ont écrit des émeutiers aux abords de l’Arc de triomphe. En réalité, en triomphant de Marine Le Pen au second tour de la présidentielle, après avoir réuni 24 % sur son programme au premier, Macron avait juste détourné la révolte occidentale qui enfle partout à travers nos démocraties chancelantes. Il avait cru pouvoir échapper à la vague dite “populiste” qui souffle sur les États-Unis, la Grande-Bretagne, l’Italie, l’Europe centrale et maintenant l’Allemagne ou la Scandinavie – et qui, ne l’oublions pas, avait réuni plus de 40 % des votes en France au premier tour – en envoyant à la retraite tous les partis traditionnels pour créer un mouvement qui prétendait à sa manière, lui aussi, être “antisystème” et qui visait à réformer le pays, pour l’adapter à la globalisation. Une prouesse, notaient alors les commentateurs. »
Macron, antisystème, il fallait être con ou flippé pour le croire. Bon, aujourd’hui tout ça c’est terminé, plus personne ne croit les balivernes du roitelet, qui promet chaque jour qu’il va parler mais qui se terre en son palais. De toute façon les gens s’en foutent, il n’a plus d’autorité. Même s’il fait appel à l’armée et que des provocateurs tirent dans la foule. D’ailleurs, ça risque d’être pire pour lui. Le macronisme a vécu un an, la Banque qui gère la France c’est une connerie, point à la ligne.
Passons à Marie Visot, qui titre :
Les fameux « investisseurs étrangers » qui viennent croquer dans notre belle économie pour en arracher les meilleurs morceaux, virer les employés et engraisser les actionnaires... On a vu le résultat ! Il est certes bon pour l’économie que des investisseurs investissent dans la production, mais la dévoration financière d’une économie c’est autre chose.
« “Les Gaulois sont de retour !” Voilà “exactement” ce qu’ont dit des fonds du Moyen-Orient, cette semaine, à un pilier du capital-investissement français qui leur rendait visite. Depuis qu’ils ont vu les images de Paris en feu samedi dernier, “ils s’interrogent sur l’avenir de la start-up nation, dans le contexte de montée des populismes en Europe. Ils avaient espéré que l’élection de Macron y mettrait un coup d’arrêt”, raconte ce financier, qui sillonne le monde à la recherche d’argent qui pourrait être investi dans des entreprises hexagonales.
Et puis, il y a désormais la question de la sécurité. Un dirigeant français raconte : “Pour la première fois, hier, un investisseur potentiel suisse a mis le sujet sur la table dans le cadre d’une due diligence” (une analyse complète de l’activité d’une société, notamment pour mieux en déterminer le prix et limiter les risques en cas d’acquisition). “Les investisseurs étrangers sont déroutés, ils attendent de voir ; mais pour l’instant, les projets d’investissements en cours continuent”, nuance un autre. De fait, qu’elles soient purement financières ou industrielles, ce sont des décisions qui sont mûries pendant de longs mois dans des sièges sociaux aux quatre coins du globe. Elles répondent à des stratégies d’implantation sur un territoire. Ce n’est pas en quinze jours que l’on revient dessus. »
Il serait bon que ces grands fonds d’investissement venus des pays du Golfe enrichis non par leur travail mais par la rente pétrolière s’occupent un peu de leurs peuples qui ne connaissent de la démocratie et de la liberté que le nom. En France, malgré tout, on essaye régulièrement de fendre l’armure oligarchique qui corsete le peuple. En ce moment, la censure politique et le programme de paupérisation ont justement été trop loin et le dispositif du Système se fissure de tous les côtés.
On termine ce tour de table féminin par l’article de Blandine Le Cain, qui est allée dénicher sur les réseaux sociaux toutes les fake news de ces affreux complotistes que sont devenus les Gilets jaunes.
Blandine attaque fort sur les « fausses informations les plus massives » qui circulent :
« Aux côtés des revendications portées depuis le début de la mobilisation, plusieurs sujets ont émergé ces derniers jours dans les groupes de discussion des “gilets jaunes” sur Facebook, à l’approche du quatrième samedi de mobilisation. Après avoir étudié une partie des fausses informations les plus massives qui circulent sur ces groupes, nous avons tenté de saisir plus largement la teneur des discussions. Voici cinq sujets qui se détachent parmi ceux qui reviennent au quotidien dans les échanges. »
On résume : le peuple est un peu con, il croit tout ce qu’on lui raconte pour lui foutre la trouille et déstabiliser le pouvoir qui lui est raisonnable et sensé. Exemple avec la « rumeur » du pacte sur les migrations :
« C’est l’un des sujets les plus discutés depuis plusieurs jours : le “pacte de Marrakech”, ou “pacte mondial pour des migrations sûres, ordonnées et régulières”. Ce texte, que plusieurs pays s’apprêtent à valider, suscite questions, fantasmes et débats dans les groupes de “gilets jaunes”.
À l’origine des échanges et informations transformées, on retrouve un événement existant : un sommet de l’ONU organisé à Marrakech les 10 et 11 décembre. Un pacte concernant les migrations doit y être signé, détaillant des propositions non-contraignantes. Structuré en 23 objectifs, il ne créé donc pas d‘obligations nouvelles, mais énonce des principes généraux censés permettre “des migrations sûres, ordonnées et régulières”. »
L’argumentaire de Blandine (et donc du Figaro) ressemble étrangement aux propos de la presse mainstream qui militait activement pour le « oui » à la constitution européenne lors de la campagne de 2005. On a vu le résultat : la fin programmée du souverainisme des nations qui composent l’Union, et l’impossibilité flagrante de sortir de cette évolution « démocratique ».
Une décennie plus tard, les Français ont enfin compris à quelle sauce ils vont être mangés par les cannibales de Bruxelles et ils se révoltent. Et on nous prépare un 28 mai 2005 II, avec une invasion migratoire pour achever ce qui reste de nos nations blessées.
Encore un extrait de la prose de Blandine :
« Les dénonciations et affirmations fausses concernant ce pacte se multiplient. Des vidéos très partagées, dont une totalisant plus de 2,7 millions de vues et près de 112.000 partages depuis dimanche, affirment en effet, sans davantage de précisions, qu’avec ce pacte, “Macron va vendre la France” en signant un “pacte souverain”, avant de démissionner. »
On ignore si le sémillant employé de la Banque va démissionner mais ce qui est certain, c’est que son job avant même d’être élu président par les médias et les puissances occultes était justement de revendre à l’étranger les meilleurs morceaux du pays. On appelle ça de la haute trahison économique, pour ne pas dire plus.
Cela fait des décennies que les oligarchies assaisonnent les peuples avec des fake news gigantesques aux conséquences funestes pour les gens, et quand les gens réagissent, avec leurs petits moyens, ils sont aussitôt méprisés, rabaissés, criminalisés. Pour nous, c’est bon signe, signe que les gens vont dans la bonne direction. La leur.
- Le genre d’affiche ignoble relevée par la journaliste