C’est un article qui date d’il y a un an, le 30 novembre 2016 exactement. C’est dans Bibliobs, la rubique littéraire de L’Obs en ligne, que le journaliste David Caviglioli relit la vie de Rimbaud, et celle de Verlaine, sous l’angle de l’homosexualité.
Tout part d’une vente aux enchères chez Christie’s, celle de l’arme avec laquelle Verlaine visa Rimbaud un après-midi de juillet 1873 à Bruxelles...
En lisant ces lignes, le poète s’efface pour laisser la place à un précurseur du mariage gay plongé dans une émission de télé-réalité avec du sexe et de la violence.
Il y a heureusement d’autres façons de lire Rimbaud que de s’intéresser à son trou de balle.
Rimbaud et Verlaine : sodomie, alcool et revolver à six coups
C’est le revolver qui a failli changer l’histoire de la littérature française. L’arme avec laquelle Paul Verlaine visa Arthur Rimbaud un après-midi de juillet 1873 à Bruxelles était mise aux enchères chez Christie’s, à Paris, ce mercredi 30 novembre. Le revolver qui aurait pu priver la littérature d’« Une saison en enfer » et des « Illuminations » était estimé entre 50.000 et 60.000 euros. Il a été vendu pour une somme nettement supérieure.
En 2012, la ministre des Droits de la femme Najat Vallaud-Belkacem, s’étonnait que l’on ne raconte pas l’histoire d’amour entre les deux hommes. Or, comme en témoignait l’exposition « Verlaine emprisonné », celle-ci était particulièrement crue, selon notre journaliste David Caviglioli. Nous y revenons ici.
S’il est question de raconter la vie sexuelle de nos auteurs, racontons-la. Mais jusqu’où aller ? C’est souvent glauque, une « vie sexuelle ». Celle-ci l’est, en tout cas. Comme dit Jean-Jacques Lefrère, biographe de Rimbaud : « Cette aventure serait purement sordide si elle n’était pas celle de deux poètes de génie. »
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7 millimètres à six coups
Après quelques temps d’un compagnonnage poétique tout à fait innocent, Verlaine et Rimbaud tombent amoureux. En janvier 1872, fasciné par ce jeune paysan à l’accent ardennais si prononcé qu’on le prendrait pour un patois, Verlaine installe le jeune garçon chez lui. Il se sait bisexuel. Rimbaud, lui, n’a que 17 ans.
Pendant quelques mois, les deux poètes et Mathilde vivent un vaudeville fétide, un ménage à trois destructeur où la consommation massive d’absinthe joue un rôle primordial. La jeune Mathilde intercepte des lettres, des poèmes que les amants s’échangent. Elle est humiliée. En juillet 1872, Rimbaud et Verlaine partent à Bruxelles. « C’est plutôt un enlèvement de Verlaine par Rimbaud, qui était lassé de Paris, explique Lefrère. Verlaine est plus hésitant. »
L’exil est tumultueux. Les deux hommes sont ivres morts la plupart du temps. Rimbaud, semble-t-il, tente un jour de poignarder Verlaine. Ce qui nous amène à cette journée du 10 juillet 1873. Il fait une chaleur accablante. À neuf heures du matin, Verlaine entre chez Montigny, une armurerie située au 11, galerie de la Reine. Pour 23 francs, il achète un revolver Le Faucheux, un 7 millimètres à six coups. Il compte se suicider.
Il a envoyé des lettres à ses amis, à sa mère, même à la mère de Rimbaud. Il leur dit : « Je vais me crever. » Puis il passe une bonne partie de sa matinée à boire. Après le déjeuner, les deux amants terribles retournent dans la chambre qu’ils partagent. Rimbaud lui annonce qu’il souhaite le quitter. Verlaine, anéanti par l’amour, ferme la porte. Il sort son revolver, et lui crie : « Voilà pour toi, puisque tu pars. » Il tire deux balles. L’une va dans le plancher, l’autre dans le bras de Rimbaud.
« Écartement modéré des fesses »
Quand ils sortent de l’hôpital, Rimbaud annonce à Verlaine qu’il souhaite toujours partir. Ils se dirigent vers la gare du Midi. Sur la place Rouppe, Verlaine s’approche de lui. Il porte la main dans sa poche. Rimbaud pense qu’il sort à nouveau son revolver. Il se précipite vers un agent de police, qui emmène les deux hommes au commissariat.
Verlaine est condamné pour voie de fait. Il prend la peine maximale, deux ans, la pédérastie étant un élément aggravant. Un rapport est en plus de cela arrivé de Paris, désignant Verlaine comme un Communard. Bruxelles est un refuge pour les insurgés. Le juge T’Serstevens, qui juge l’affaire, ne montre aucune indulgence. Il commande une expertise médicale, pour établir l’homosexualité du prévenu. Verlaine est emmené dans une pièce de l’Amigo, le dépôt bruxellois, par un policier qui lui examine le sexe et lui scrute l’intérieur de l’anus. Voici ce que le rapport nous apprend :
« Le pénis est court et peu volumineux. Le gland est surtout petit et va s’amincissant, s’effilant vers son extrémité libre à partir de la couronne. Celle-ci est peu saillante et sans relief. (…) L’anus se laisse dilater assez fortement par un écartement modéré des fesses, en une profondeur d’un pouce environ. (…) De cet examen, il résulte que Paul Verlaine porte sur sa personne des traces d’habitude de pédérastie active et passive. »
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