Nous devons à notre infatigable collaboratrice et militante Cécilia de pouvoir visionner cette courte mais édifiante vidéo sur la justice ASL : dans une cellule improvisée quelque part à Alep, un de ces terroristes religieux reconverti en juge de tribunal révolutionnaire islamique est en train de présenter une bonne douzaine de « prévenus », accusés du crime suprême (et passe-partout), appartenir à la milice chabiha, au service du « régime traitre et corrompu ».
Ces hommes, assez jeunes pour la plupart, ont les mains liées dans le dos et subissent silencieusement le réquisitoire du « magistrat » ASL. Dans la deuxième vidéo, ils déclient leur identité, ce qui empêchera que leur éventuel assassinat soit oublié, sinon impuni. On imagine en effet quel sort leur réserve la « jurisprudence » de ces gens-là. Il est décidément urgent de débarrasser la Syrie de ces Fouquier-Tinville ou Béria salafistes, et de leurs exécuteurs des basses oeuvres.
La justice et la gestion ASL en question
Ce caractère assez peu « cool démocrate » de la plupart des rebelles syriens d’Alep et ailleurs est devenu très difficile à cacher pour les médias français, surtout depuis la diffusion de la vidéo de l’exécution des membres du clan Berri à Alep. Des journalistes du Système se sentent obligés donc de « lâcher un peu de lest », et de donner dans quelques articles un nouvel éclairage, un peu moins valorisant, sur les intentions et actions des insurgés.
Ainsi Hadel al-Saachi correspondant du Nouvel Observateur signe-t-il le 4 août sur le site de l’hebdomadaire un reportage peu flatteur sur l’ASL à Alep :
- Le papier commence par une visite à un centre de détention installé par les insurgés dans une école, dont on ne sait pas trè bien si elle est située à Alep ou à Azaz, ville située à une cinquantaine de kilomètres plus au nord, et tout près de la frontière turque, et tombée sous la coupe de l’ASL : on entend, dit le journaliste, « des coups et des cris » venant d’un sous-sol ; les détenus sont des suspects de « chabbihisme » mais aussi des « petits délinquants ». Plus tard, Hadel al-Saachi assiste « tout au long de la journée » à l’arrivée au « commissariat » d’hommes aux yeux yeux bandés qui son envoyés vers une salle de bains transformée en salle d’interrogatoires musclés : « un homme, écrit le journaliste, tient son estomac douloureux après une séance de coups ».
- Le responsable des « opérations de police » du secteur, un certain commandant Abou Ali, âgé de 40 ans environ, explique que sa troupe remplit aussi des missions de répression de la délinquance, et s’efforce même de se substituer à l’administration locale, en payant par exemple les employés de la voirie. Et il se veut rassurant quant au sort de ses prisonniers, même ceux ayant été convaincus de soutien au gouvernement, même les « chabihas » si ceux ci rejoignent les rangs de l’ASL.
Mais la suite des explications d’Abou Ali est moins rassurante : « Nous utilisons la charia pour juger nos prisonniers », dit-il, et cette loi stipule qu’un tueur doit être tué . Les individus suspectés d’avoir tiré contre la rébellion sont envoyé à Azaz (ville à kilomètres au nord-est d’Alep) où siège un tribunal présidé par un certain Ahmed, par ailleurs commandant de la brigade rebelle Amr bin al-Aas.
Arbitraire & arrogance
Al-Saachi a recueilli des confidences de Syriens vivant dans dans zones contrôlées par l’insurrection, qui se plaignent du caractère de vengeance communautaire et politique que revêt la répression ASL, dont le combattants sont décrits comme « arrogants et envahissants ».
Mais il n’y a pas que ces désagréables traits de caractère : le journaliste dit que les « signes de rivalité et les luttes intestines parmi eux inquiètent certains habitants ». L’un d’eux, Abou Ahmed, pourtant pro-opposition, confie que l’ASL « nous donne maintenant mal à la tête (…) Les gens que les rebelles n’aiment pas sont battus et arrêtés ». Ce témoin, qui a déjà rencontré à Azaz des journaliste occidentaux, ajoute que « les conflits de personnalité entre les membres de la brigade (Amr bin al-Aas) sont résolus par de enlèvements et par la force ». Et toujours le grief récurrent : « Ils sont suffisants et nous ne sommes pas contents de cela ». Le correspondant du Nouvel Obs cite un étudiant en droit, Abou Zayd qui dénonce le caractère « envahissant » (c’est bien le cas de le dire) des rebelles à Azaz : « Ils ont commencé à nous donner des ordres dans nos quartiers ». Zayd, plutôt opposant lui aussi, se plaint des passe-droits que s’autorisent les nouveaux maître d’Azaz, ces miliciens armés qui profitent de leur position de force « pour s’accorder des traitements de faveur les uns aux autres ». Et le jeune homme d’envisager des manifestations de rue contre l’ASL. On verra si c’est seulement envisageable, les révolutionnaires ne semblant guère ouverts à la contestation : on les imagine même moins patients ou prudents que les militaires syriens face aux manifestants pro-opposition du vendredi.
Du moins Abou Ahmed et ses proches ne sont-ils pas arrêtés, battus ou tués, ou simplement inquiétés. Car les ennuis peuvent commencer pour bien peu de choses : Abou Ahmed cite le cas d’un habitant d’Azaz arrêté pour… avoir vendu des légumes à des Kurdes. Or, « parce que les Kurdes n’ont pas été à nos côtés dans la révolution et que l’ASL ne les aime pas, ils ont décidé de l’arrêter et ont également demandé une rançon de 400 dollars pour le laisser partir » : les voies du Djihad sont parfois « obliques »…
On se demande où sont passés les gentils garçons « conservateurs » d’Adien Jaumes du Figaro, ou les beaux jeunes gens courageux de Florence Aubenas du Monde : ont-il seulement jamais existé en dehors de l’imagination de journalistes militants et propagandistes ?
Ci-dessous, le lien vers l’article du Nouvel Observateur :
http://tempsreel.nouvelobs.com/mond...
Ce que voient les téléspectateurs syriens
Restons sur le terrain médiatique.Voici, à titre indicatif, l’intégralité de la version anglaise du journal de la télévision d’État syrienne du samedi 4 août, long d’une durée d’un peu moins de vingt minutes. C’est ce que voient les téléspectateurs syriens, qu ont sans doute droit aussi en plus à des nouvelles de portée pls locale ou moins politique t sécuritaires : au menu, la réaction du délégué syrien à l’ONU après l’adoption par l’Assemblée générale d’un texte d’origine séoudienne et de contenu anti-syrien ; la réaction, également désapprobatrice, des Russes et des Chinois à ce texte ; les « lourdes pertes » infligées aux insurgés à travers le pays et le sort du journaliste syrien Karim al-Shibani, objet d’une tentative d’assassinat mais seulement blessé ; le préjudice causé à la population par les sanctions européennes et américaines ; et l’agitation chiite et sa répression en Arabie séoudite.
Sur Alep par exemple, le présentateur lit un communiqué de l’armée apparaissant à l’écran : un démenti sur la prise des bâtiments de la radio et de la télévision par les rebelles, et un rappel des pertes que ceux-ci ont subi au cours de leur tentative. Le communiqué fait état des pertes subies vendredi par un groupe armé à Khan al-Assal, à l’ouest d’Alep. Pas d’images ou de reportages cette fois. Mais ensuite on a des images sur la découverte d’un tunnel à Homs. Et puis des articles de médias occidentaux sont cités : cette fois c’est une dénonciation de l’hypocrisie et les mensonges occidentaux sur la Syrie par le journaliste indépendant britannique Robert Fisk.
À côté des grands titres, un reportage sur la visite à Moscou d’une délégation économique syrienne. Il s’agit de monter que la Syrie n’est pas seule et que la Russie, non contente de défendre diplomatiquement, veut apporter une aide économique au pays.
Bien sûr, la télévision syrienne ne pouvait manquer de signaler les troubles qui repartent dans l’est de l’Arabie séoudite, et la répression qui s’en suit.