Celui qui lit un peu plus loin que la rhétorique populiste « la nécessité de l’austérité », aperçoit la réalité sans apprêt : la revanche d’une élite dépossédée de ses biens après la Deuxième Guerre mondiale.
“L’austérité n’est rien d’autre qu’une guerre des classes.” (Noam Chomsky)
Le tax shift en bref
L’an passé, les espérances étaient encore grandes. Avec la première salve d’économies, le gouvernement s’était adressé exclusivement au travailleur ordinaire : allongement du temps de travail, saut d’index et une série d’autres mesures qui avaient soigneusement épargné les puissants. Mais, ne nous alarmons pas, le fameux tax shift (glissement fiscal) allait rééquilibrer tout ça et cette fois, s’adresser au capital.
Mais le résultat devait s’avérer tout autre. Comme dans les scénarios précédents, l’homme de la rue paie les frais de la noce. Et la facture est salée. Les familles s’y collent pour près de 1000 euro par an. Les pensionnés et les malades sont concernés également (voir Annexe). Les salaires les plus bas, 5 à 25% du total, verront, dans le meilleur des cas, avec le « bénéfice » attendu vers 2018, leurs revenus augmenter de quelque 40 euro net par mois. Bien moins que ce qu’ils perdront par le biais des autres mesures. Et les riches alors ? Il y a la taxe sur la spéculation boursière, la taxe Caïman sur l’argent noir à l’étranger et la lutte contre la petite fraude fiscale. Au total, il en irait, selon le gouvernement, de 800 millions d’euro. Évaluations très optimistes, les prévisions généralement admises étant que ces mesures rapporteront beaucoup moins. L’un dans l’autre, des cacahuètes.
Un bide fiscal
En bref, le travailleur ordinaire, le chômeur, le pensionné et le malade paient la noce. Ils cracheront 83% au bassinet de ce « glissement fiscal ». Les 17% qui restent, si l’on atteint ce pourcentage, viendra des nantis. À l’inverse, le tax shift sert, au doigt et à l’œil, les intérêts de cette classe supérieure. Avec la diminution des charges patronales à la Sécurité sociale, les chefs d’entreprises encaisseront pas moins de deux milliards d’euros, ceux-ci venant s’ajouter aux nombreux milliards engrangés lors des réformes fiscales précédentes. Ce gouvernement n’est pas en vain surnommé « le gouvernement des riches ». Pas de surprise donc, si les organisations patronales se déclarent satisfaites de ce tax shift.
Pour Marc Leemans, l’homme de la CSC, les choses sont claires : « Les vainqueurs de ce bide fiscal sont les employeurs et les nantis. Avec un shift sorti du portefeuille du citoyen ordinaire, Michel I oublie, pour la Xe fois, de solliciter celui des nantis. Les travailleurs se voient servir, une fois de plus, la soupe réchauffée des diminutions de charges, sans aucune garantie en termes de création d’emplois. » Rudy De Leeuw, président de la FGTB, est sur la même longueur d’ondes : “Ce gouvernement ne s’épargne aucun effort pour se profiler comme un « gouvernement social », « le gouvernement de tous ». Dans la pratique, il prouve le contraire. Une fois de plus, il fait payer les plus faibles de notre société, les bas revenus. Subtilement mais surement, les nantis sont épargnés.”