Le prochain sommet des BRICS, à Goa, aura lieu dans seulement deux mois. Depuis à peine deux ans, les plaques tectoniques géopolitiques se sont déplacées à une vitesse étonnante.
La plupart des pays du BRICS sont embourbés dans une crise profonde. La débâcle politico-économico-institutionnelle interminable du Brésil pourrait provoquer la destitution kafkaïenne de la présidente Dilma Rousseff. Les BRICS sont dans le coma. Du sigle, seules survivent R et C dans le partenariat stratégique Russie / Chine. Pourtant, même le partenariat semble être en difficulté – avec la Russie encore attaquée par des myriades de métastases de guerre hybride. L’hégémon exceptionnaliste reste puissant, l’opposition est étourdie et confuse.
Est-ce si sûr ?
Lentement mais sûrement – voir par exemple la possibilité d’une coalition en cours entre Ankara-Téhéran-Moscou (ATM) – la puissance mondiale continue de se déplacer avec insistance vers l’Est. Cela va au-delà du pivotement de la Russie vers l’Asie. Les industriels allemands n’attendent que la bonne conjonction politique, avant la fin de la décennie, pour pivoter également vers l’Asie, dessinant un axe Berlin-Moscou-Beijing (BMB).
L’Allemagne dirige déjà l’Europe. La seule façon pour une puissance commerciale mondiale d’assurer son assise, est d’aller vers l’Est. L’Allemagne membre de l’OTAN, dont le PIB dépasse celui des Five Eyes, Royaume-Uni, Canada, Australie et Nouvelle-Zélande, n’est même pas autorisée à partager des informations avec cette cabale secrète. Le président Poutine, il y a des années, aurait aimé une vaste zone commerçante de Lisbonne à Vladivostok. Il pourrait finalement être récompensé – gratification différée ? – par l’axe Berlin-Moscou-Beijing (BMB), une union économique et commerciale avec les Routes de la soie – une Ceinture une Route (OBOR) – promues par la Chine, remplaçant finalement l’ordre international déclinant issu de la Seconde Guerre mondiale, conçu pour et dirigé par les Anglo-saxons.
Ce mouvement inexorable vers l’Est souligne toutes les interconnexions – et la connectivité en évolution – des nouvelles Routes de la soie, l’Organisation de coopération de Shanghai (OCS), la Nouvelle Banque de développement des BRICS (NDB), la Banque asiatique d’investissement pour les infrastructure (AIIB), l’Union économique eurasienne (EEU). La vocation du RC des BRICS, le partenariat stratégique sino-russe, est de créer un monde multipolaire, post-Atlantique. Ou, pour mettre à jour Ezra Pound : « Make It New ».
Le pivot vers l’Asie pour contenir la Russie et la Chine n’est bien sûr qu’un fragment de l’affaire.
Le noyau des industries de la Russie, l’infrastructure, la population, sont à l’ouest du pays, près de l’Europe. L’axe BMB permettrait un double pivot – simultanément en Europe et en Asie, et à la Russie d’exploiter au maximum son caractère eurasien. Évidemment, c’est un anathème absolu pour Washington. Ainsi, la stratégie exceptionnaliste actuellement prévisible – pas de quartier – interdit par tous les moyens possibles une coopération plus étroite entre la Russie et l’Allemagne.
En parallèle, le pivotement vers l’Asie est également essentiel, car c’est là que se trouve la grande majorité des futurs clients de la Russie – énergie et autres. Ce sera un processus long, sinueux, pour sensibiliser l’opinion publique russe à la valeur inestimable pour la nation de la Sibérie et de l’Extrême-Orient russe. Pourtant, cela a déjà commencé. Et ce sera en pleine maturité au milieu de la prochaine décennie, lorsque toutes les Routes de la soie seront réalisées.
Le confinement de la Russie et de la Chine continuera d’être le nom du jeu exceptionnaliste – quoi qu’il arrive le 8 novembre. Pour ce qui concerne le complexe médiatico-militaro-industriel de sécurité et de surveillance, il n’y aura aucun répit.
Des intermédiaires seront utilisés – de l’État failli ukrainien jusqu’au Japon en mer de Chine orientale – ainsi que toute faction bénévole du Sud-Est asiatique en mer de Chine du Sud. De toute façon, l’Hégémon aura des difficultés pour contenir simultanément Russes et Chinois. L’OTAN n’apporte rien ; son levier commercial, le TPP, va probablement couler en haute mer avant d’arriver sur le rivage. La fin du TPP – une certitude dans le cas où Donald Trump est élu en novembre – signifie la fin de l’hégémonie économique américaine sur l’Asie. Hillary Clinton le sait. Ce n’est pas par hasard que le président désespère de voir le TPP approuvé pendant la courte fenêtre d’opportunité de la session croupion du Congrès, du 9 novembre au 3 janvier.
Contre la Chine, l’alliance de l’Hégémon dépend en fait de l’Australie, de l’Inde et du Japon. Oubliez l’idée d’instrumentaliser l’Inde, membre des BRICS, sans parler de la Russie, avec laquelle l’Inde jouit traditionnellement de très bonnes relations, qui ne tombera jamais dans le piège d’une guerre contre la Chine.
Les instincts impériaux du Japon ont été réveillés par Shinzo Abe. Pourtant, la stagnation économique sans espoir persiste. En outre, le Département du Trésor des États-Unis a interdit à Tokyo de continuer sa politique monétaire d’assouplissement quantitatif. Moscou considère comme un objectif à long terme de tirer progressivement le Japon dans l’intégration eurasienne, hors de l’orbite des États-Unis.
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