Plusieurs textes sont récemment parus sur la question de la guerre économique. Leur point commun est de relancer un débat qui devrait être clos depuis bien longtemps.
Les rapports de force économique existent depuis le début du processus de développement des sociétés humaines. La situation de survie a dominé une très grande partie de l’histoire humaine. Elle se traduisait notamment par des affrontements très violents entre individus ou groupes constitués conditionnés par la recherche de nourriture.
Les premières sociétés humaines organisées se sont construites à partir de l’esclavage, c’est-à-dire un système de domination d’une minorité sur la majorité et par le recours à la violence en cas de révolte. Cette situation a concerné une partie du monde jusqu’au XIXe siècle. La colonisation a aussi été un élément majeur dans l’essor de la mondialisation des échanges. Elle a abouti à la soumission de peuples par le recours à la violence jusqu’à la dernière partie du XXe siècle. Les grands conflits entre empires ont souvent eu une explication économique comme l’a très bien démontré Ali Laidi [1]. Cette évidence remonte à l’Antiquité. Il suffit de relire la guerre du Péloponnèse de Thucydide [4] :
« Car la décision de la guerre ne s’obtiendra pas en Attique, comme on le pense, mais dans les pays qui fournissent aux Athéniens leurs ressources. Les revenus d’Athènes, ce sont ses alliés qui les lui procurent ; ils s’accroîtront encore, si les Athéniens nous assujettissent. »
- Christian Harbulot, directeur de l’École de Guerre Économique
En revanche, aucun pays n’a jamais revendiqué officiellement sa pratique de la guerre en mettant en avant un objectif économique. Ce non-dit est le nœud de l’explication : il met l’accent sur l’absence de prise en compte de la guerre économique comme un élément structurant des relations internationales. La recherche de richesse de quelque nature qu’elle soit soulève dans sa finalité la question de la légitimité morale à partir du moment où elle se traduit par un acte violent contre autrui.
C’est d’autant plus lourd de conséquences lorsqu’il s’agit d’une guerre militaire. Cela explique par exemple l’incapacité de l’Église catholique à inclure le caractère économique dans la genèse d’une guerre, notamment lors du débat sur la guerre juste. Le financement de l’expédition de Christophe Colomb avait comme objectif la recherche de métaux précieux pour enrichir le Royaume d’Espagne.
L’évangélisation des peuples barbares était un prétexte qui servit à masquer le but recherché. Ce déni de l’adjectif économique associé au mot guerre a donc une longue histoire. Les deux guerres de l’opium qui ont opposé des puissances occidentales (en l’occurrence la Grande-Bretagne, mais aussi la France) à la Chine ont été l’exception la plus démonstrative à ce refus de reconnaître la réalité d’une guerre économique. L’un des enjeux majeurs de ces guerres opposant les empires coloniaux occidentaux à l’Empire chinois était le contrôle du marché de l’opium en Asie.